La politique familiale à la rigueur ... juste.

Publié le 04 juin 2013 par Letombe

Il fallait trancher. C'est chose faite, lundi 3 juin 2013. Certains sont troublés au point d'attendre avant de réagir. D'autres crient tout de suite.

Hollande est allé au plus juste dans la rigueur juste.

Durant tout le weekend, les chaînes d'information en continu ont entretenu un incroyable suspense sur l'arbitrage présidentiel. "François Hollande et jean-Marc Ayrault doivent se parler dimanche soir". Quel suspense ...

Lundi, Jean-Marc Ayrault rencontre le Haut Conseil pour la Famille. Son président, Fragonard, lui avait remis un rapport. Ayrault leur livre les décisions, qu'il confirme ensuite sur le perron, devant la presse rassemblée et si impatiente. On l'écoute: "la politique familiale est l'un des piliers du modèle social français. (...) Tout notre défi - alors que ce modèle social connaît des difficultés financières, c'est de le sauver, de le préserver". Ayrault en appelle à la réforme, on n'aime pas ces débuts d'arguments. C'est l'habillage habituel que la droite complexée nous servait pour mieux casser du social. Mais Ayrault complète, il faut sauver le modèle "en pérennisant son financement, en rendant plus juste sa mise en oeuvre, et en étant plus solidaire pour assurer son financement."

Le premier ministre résume ses annonces. On en découvre l'ampleur dans le dossier général. Les mesures hollandaises dépassent largement la seule question des allocations familiales ou du quotient éponyme.

Le gouvernement augmente les prestations familiales bénéficiant aux plus modestes, et rétablit l'équilibre de la branche en réduisant les avantages fiscaux des plus aisés.

  • Création de 275.000 places d'accueil, dont 100.000 supplémentaires en crèche, et 75.000 enfants de 2 à 3 ans supplémentaires en maternelles, "grâce à la création de 3000 postes d’instituteurs, en priorité dans les zones d’éducation prioritaire."
  • Extension du congé parental aux pères: "une part du complément de libre choix d’activité, égale à six mois, ne pourra être prise que si le second parent – le plus souvent le père – fait lui aussi usage de son droit."
  • Augmentation de 25% de l’allocation de soutien familial (750 000 familles bénéficiaires) ;
    majoration de 50% du Complément familial pour les 400.000 familles recensées sous le seuil de pauvreté.
  • Maintien des allocations familiales en l'état. La piste d'une modulation en fonction des ressources est donc abandonnée.
  • Réduction du quotient familial pour les 12% des familles les plus aisées, celles dont le revenu mensuel net est (pour les familles de deux enfants) supérieur à 5850 euros. Dans les faits, l'avantage fiscal sera réduit de 500 euros par enfant à compter du 1er janvier 2014 (un milliard d'euros par an).
  • Baisse de la Prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) pour 10% des familles, à compter du 1er avril 2014 (250 millions d'euros/an).
  • Création d'aide nouvelles via les CAF au travers des activités périscolaires et des centres sociaux ou de loisirs.
  • Suppression de la majoration du complément de libre choix d’activité et de la réduction forfaitaire d’impôt pour frais de scolarité au collège et au lycée, qui ne bénéficie qu’aux familles imposables (450 millions d’euros /an).

Est-ce un "coup de hache" ? Non. 50% des ménages français ne sont pas imposables sur leurs revenus, et donc pas concernés par cette mesure. On débattra sans fin de savoir où sont les classes moyennes. Statistiquement parlant, on aura quelque peine à confondre les 12% des familles les plus aisées avec la moyenne de nos classes.

La CNAF s'inquiète des quelques ménages que la réduction du quotient familial fera basculer dans l'imposition, avec, à la clé, la perte d'autres gratuités de prestations scolaires ou périscolaires.

Est-ce un démembrement de la politique familiale, de son universalité ? Non. On se demande même pourquoi certains crient en permanence et de façon contradictoire. On a soutenu, ici et ailleurs, l'idée de moduler les allocations familiales en fonction des revenus. Mais il parait qu'attaquer les prestations sociales des plus riches équivalait à mettre à mal notre compromis tout entier, ouvrir une boîte de Pandore qu'il valait mieux laisser fermée... le gouvernement a entendu l'argument. Les plus aisés contribuent davantage, mais toucheront toujours les mêmes allocations. Hollande et Ayrault ont préféré toucher aux niches fiscales.

Assez vite, la critique la plus violente vient des habituels néo-libéraux.

Sur France Info, Nicolas Baverez résume assez bien la charge: (1) il fustige la hausse d'impôts; (2) il critique l'augmentation des dépenses sociales, (3) il dénonce la "fiscalité confiscatoire" qui fera fuir nos 15% des plus riches.

La messe est dite.

A la gauche de la gauche, l'attaque est faiblarde, trop floue et générale pour être incisive. On dénonce, comme Pierre Laurent du PCF, les "injonctions européennes de rigueur budgétaire" et le "coup de rabot". On cherche les exemples les plus symboliques, de quoi sensibiliser les foules.

Pas facile.

Chroniques (politiques)

Réforme de la politique familiale: sauver notre modèle social