Sans savoir que l’un contient l’autre et que chacun est les deux.
Prenons le blouson de suède de ma tante que j’enviais, adolescente. Il lui allait comme un gant. Sentait bon. Était doux. Et lui donnait toute une allure! Évidemment, vous avez compris que je frissonnais d’admiration devant sa désinvolture.
Un beau jour, mon désir d’en posséder un trouva preneur. C’était en 1986. Il trônait dans la vitrine. Tout mon être se figea sur place, comme paralysé par un sortilège d’immobilité.
Le cœur battant, j’entrai pour l’essayer. Merci, divinités de la couture! Le blouson s’entendait à la perfection avec mes courbures. Son brun riche s’harmonisait à ma chevelure. Quelle sublime conjoncture!
Et quelle astronomique facture! Vous aurez deviné qu’un tel objet d’euphorie se détaillait à un prix frisant l’hérésie. Mais l’histoire n’est pas finie! Qui rit d’exaltation, pleurera de déception.
La journée terminée, je marchais fièrement en direction de ma voiture, quand une ondée subite me détrempa les ardeurs. Frissonnant d’incrédulité, je regardai mon suède tout neuf se couvrir de mille points noirs gros comme… mon désespoir!
En plus d’accélérer mon pouls déjà dans le plafond, courir au trot d’une gazelle faisait sautiller la boule d’émotions qui s’était garée dans ma gorge.
Rentrée à la maison, j’appelai ma tante. Elle me rassura, me donna quelques conseils et m’invita à me détendre. Puis, elle me rappela que le suède est l’offrande d’un être vivant qui a connu tous les temps. Calmée, je constatai pour la première fois la présence du fardeau dans le cadeau.
Maintenant, si je convoite un trésor, je prends soin de me rappeler qu’il contient ses effrois et ses joies. Je demeure ainsi maître de mes choix.