Deuxième volet donc de cette itv participative
Pour relire la première partie c'est ICI
Ingrid elle est toujours là
Je laisse son texte d'intro, il me fait trop rire !
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Blanc. Il n'y a que du blanc autour.Immaculé comme la page qui ne s'encre pas.Vierge comme l'esprit qui ne s'ancre plus.Et puis il y a ce silence oppressant que même les voix ne parviennent pas à habiter. Que disent-elles, d'ailleurs ? Elles parlent toutes en même temps. Certaines crient, d'autres pleurent. Mais toutes s'accordent à répéter, dans leur angoissante cacophonie, qu'il y a danger, qu'il faut s'enfuir.
Duuuuuupinette !Phooooooooka !
Ça ne veut rien dire, c'est la preuve que quelque chose ne tourne pas rond dans sa tête ! Elle se demande si tel a toujours été le cas et depuis combien de temps elle est là, à se balancer d'avant en arrière, les mains dans le dos. Quelle drôle de position ! Inconfortable. Est-elle restée coincée dans cette posture alors qu'elle essayait de se gratter le dos, ou de s'apporter un peu du réconfort que son travail en solitaire lui interdit, en essayant de s'enlacer elle-même ? Il paraît bien que quand on louche, un seul coup de vent peut vous figer dans un strabisme définitif ! Du moins c'est ce qu'on raconte aux enfants, croit-elle se souvenir... bien que les histoires pour enfants, ce ne soit pas son fort. Mais l'hypothèse ne tient pas la route : il n'y a pas le moindre courant d'air ici. C'est même un miracle qu'elle respire encore tant tout semble confiné, immobile.Elle regarde autour d'elle et soudain, elle comprend !Les murs sont capitonnés. Il n'y a pas de fenêtre. Juste une porte minuscule qui doit être cadenassée.Panique.Elle voudrait crier, mais les voix dans sa tête l'en empêchent et insistent, comme pour la mettre en garde :
DUPINETTE !!!!!PHOOKA !!!!
Ces noms-là semblent familiers. DUPINETTE ? Est-ce un code secret visant à l'avertir d'un danger imminent ? Au prix d'un effort surhumain, elle attrape les lettres au vol, s'y accroche, les mélange, les goûte et les recrache dans l'espoir de résoudre l'énigme... Dupinette = dépit tenu ? Non. Elle cherche d'autres anagrammes, se rappelle qu'après tout, c'est un peu sa spécialité, sa marque de fabrique... Mais il y a cette migraine qui menace de se déclarer si elle continue, avec des promesses de sévices si vicieux que nulle molécule, si puissante soit-elle, ne lui sera d'aucune aide. Dupinette = Tête du pin ? N'importe quoi ! C'est plutôt sa propre tête qu'elle est en train de perdre !– Mais concentre-toi, à la fin, s'invective-t-elle !Le son de sa voix la surprend un peu. Il faut dire qu'elle a plus l'habitude de se lire que de s'entendre... Mais elle continue. S'acharne. La migraine se déclare, s'installe, lui électrise les neurones un à un. Elle a le sentiment que son cerveau cogne à l'intérieur de son crâne pour s'en échapper. Dupinette, Dupinette. DUPINETTE = UN PETIT DÉ ! Dé ! Comme dans les dés sont jetés, comme dans Alea jacta est ! Comme pour dire que le destin est en marche et que rien ne pourra l'entraver... Encore moins une malheureuse en camisole !La douleur lui chignole les tempes, ses yeux sont en feu :– Pitié, que quelqu'un éteigne la lumière, hurle-t-elle enfin, à bout de forces !
Mais personne ne vient.Elle perd connaissance.
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Dans le couloir vert sapin, une femme en blouse blanche. Autour d'elle, quelques internes « hôtes » qui prennent frénétiquement des notes.– Le spécimen que nous allons observer aujourd'hui présente de grave troubles du comportement, mais cela vous fera un merveilleux sujet d'étude.– De quoi souffre-t-elle, exactement, se risque un étudiant ?– Syndrome de personnalités multiples, accompagné d'une forte mégalomanie et de pulsions sadiques.– Et quel est son crime ?– Le sujet se prend pour Dieu et crée des mondes parallèles où elle torture ses personnages comme de vulgaires poupées... Elle est dangereuse. Posez-lui toutes les questions que vous voudrez, mais ne la regardez jamais dans les yeux, c'est bien compris ? JAMAIS ! Elle pourrait vous les crever, ce ne serait pas la première fois...
Tous acquiescent en retenant leur souffle. Le médecin ouvre doucement la petite porte sur laquelle le nom de la patiente contraste en lettres de sang et s'engouffre dans la pièce, accompagnée de deux infirmiers bâtis comme des bibliothèques normandes.
– Bonjour Ingrid, comment allez-vous aujourd'hui ?– Qui... qui êtes-vous ?– Vous ne me reconnaissez pas ? Je suis la gardienne de Book en Stock et vous êtes ma pensionnaire !– Je... ne suis pas un book en stock, je suis un être humain, proteste la pauvre folle !– Bien sûr...– Qui êtes-vous, répète-t-elle ?– Vous le savez, voyons !
La patiente se concentre, le visage tordu, déformé par l'angoisse.Le temps semble s'être arrêté. Le silence le dispute aux voix qui hurlent dans sa tête. Enfin, elle risque la réponse qui l'effraie tant, lèvres tremblantes :
– Phooka ?– Docteur Phooka, la corrige la femme en blanc, avec un drôle d'accent.
Phooka. Ce n'est pas un nom ça, c'est une maladie ! Mais la malheureuse a beau mettre les lettres sens dessus dessous, il n'y aucune anagramme à ce mot. Alors elle tente les associations d'idées. PHOOKA = Fou cas ? Pour un psy, ça se défend, mais elle pressent qu'il y a autre chose, une signification plus terrifiante encore, et continue. Tant pis pour sa migraine qui ne peut, de toute façon, pas être pire. Fou cas = Fou « K » ? Fou, si on le prononce sans l'accent étrange du médecin, c'est Fu. FU-K = Fuca. FUCA !Horrifiée, elle regarde sa geôlière qui lui adresse en retour un sourire narquois.
– Eh oui, ma chère. Avec moi, vous allez en chier.
Ingrid Desjours pousse un long cri, mais personne ne l'entend. Les
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Dup :
Tu parles de ton métier d'avant. Moi je sais, mais pourrais tu être plus explicite pour ceux qui ne te connaisse pas ?Ainsi que le cursus que tu as employé, je me souviens te l'avoir déjà posée cette question pour ma fille qui voulait suivre cette même voie.
Ingrid :Disons que dans une autre vie, j'ai été psy (d'où ma fâcheuse manie de parfois répondre à des questions... par d'autres questions !) et plus précisément une psy spécialisée en sexo-criminologie. Je faisais du profilage et participais à des expertises. La "clientèle" comme on l'appelait était variée : pédophiles, violeurs, exhib', tueurs... Mon cursus a d'abord été classique ; j'ai fait des études de psychologie clinique auxquelles j'ai ajouté des spécialisations en psychologie sociale et en psychologie systémique (la masse, le groupe m'intéressent aussi énormément), pour m'orienter finalement vers la psychopathologie et la criminologie. J'ai alors eu l'opportunité de travailler en Belgique, dans un centre spécialisé dans les criminels sexuels : c'est là que j'ai tout appris !
Dup :
Le terme d'avant* signifie t'il qu'aujourd'hui tu vis de ta plume ?
* Cf la réponse d'Ingrid à Wal dans la partie 1
Ingrid :Je dis "avant" parce que j'ai tiré un trait sur cette partie de ma vie, bien que je sois parfois sollicitée pour reprendre du service... (mais la réponse est non !). Déjà parce que ça fait bien longtemps que je n'ai pas pratiqué et que ça ne me correspond plus. Et qu'aujourd'hui, être auteur me satisfait pleinement. C'est une vraie vocation que je ne veux pas lâcher, même s'il est difficile d'en vivre...
Hécléa :
Bonjour Ingrid
Et tout d'abord bravo, vous m'avez scotché avec ce thriller très noir, surprenant, très fort, par moments glauque et dérangeant, mais avec des personnages pourtant très touchants.
Une petite question comme cela en passant... Aimez-vous lire des thrillers ? Avez-vous un auteur favori ? Quelqu'un qui vous inspire ?
En tout cas, ce mois va être passionnant !
Ingrid :Merci Heclea, je suis heureuse qu'ils vous aient touchée !
J'avoue avoir un faible pour Thierry Joncquet et Pierre Lemaître : tous deux ont cette capacité de vous faire vivre une même intrigue sous des angles différents et vous faire changer de point de vue et d'opinion juste en déplaçant l'éclairage.
Mais en règle générale, j'évite de lire mes contemporains et a fortiori s'ils commettent le même genre que moi ! J'aurais trop peur d'être influencée et de plagier à mon insu, et ça, je ne le supporterais pas.
Sinon, je lis plutôt des essais ( j'aime beaucoup Philippe Muray ) et du fantastique ( Stephen King, bien sûr...) !
( et je suis accro aux séries ! )
Deliregirl1 :
Bonjour Ingrid,
Je viens tout juste de lire votre dernier roman que j'ai adoré. Je n'avais pas encore eu la chance de découvrir vos autres romans et ce fut un vrai plaisir de vous lire.
Alors petite question :
Lorsqu'on vous lit, on découvre un auteur assez cash, qui n'as pas peur des mots crus ou des situations très gore. Vous n'avez jamais eu peur de restreindre votre lectorat en faisant ce choix. Car tout le monde ne peux pas forcément supporter des scènes parfois vraiment très dures psychologiquement.
Ingrid :
Bonjour Deliregirl1
Merci pour le plaisir :)
Je ne me rends pas forcément compte que ce que j'écris est cash... on me dit parfois que c'est d'autant plus surprenant que je suis une femme, remarque que je trouve moi-même plutôt étonnante, parce qu'en matière de violence et de cruauté, je pense que nous n'avons rien à envier aux hommes, non ? ;)
En fait je ne cherche pas à faire dans le cru, ou le choquant. J'écris les choses comme elles me viennent et parfois, les scènes nécessitent qu'on s'y attarde, qu'on s'attache aux détails. Autant je préfère suggérer une scène d'amour parce que je sais que chacun a ses propres références en la matière et saura y mettre ce qui lui plaît, autant je ne pense pas qu'un viol, par exemple, soit si évident à s'imaginer. Et quand Barbara se fait violer, on est loin de certaines scènes de film où les agressions sexuelles sont presque excitantes à force d'être érotisées et peuvent laisser un doute sur la part de responsabilité de la victime. Ici on est dans la réalité, il y a les mots, les gestes qui font mal, l'humiliation, l'odeur. Oui, c'est pénible à lire je suppose, mais je ne peux pas tricher et édulcorer.
Et si ces scènes un peu dures ne sont le fruit d'aucune démarche (je ne cherche pas à intellectualiser mon écriture, je partage un ressenti, tout simplement) je refuse encore plus d'avoir celle de me censurer, d'arrondir les angles et de mettre trop de vernis pour ne pas déplaire à la majorité, voire lui plaire. Je ne suis pas une "faiseuse" et je pense que les concessions, quand il s'agit de créer, c'est ni plus ni moins de la compromission. Et ça, je ne peux pas. Peut-être ai-je un ego démesuré, mais je refuse de baisser ma culotte et de rogner mes mots, de renier ce que je pense. Vous savez, écrire c'est jouir d'une liberté formidable, on peut en effet aller très loin, plus que dans un film où l'image peut être un frein. Alors je n'ai pas envie de renoncer à cette liberté, ça me donnerait d'ailleurs l'impression de trahir mes lecteurs, de les prendre pour des cons si d'un coup je me mettais à écrire de façon plus sucrée. Et puis, si je ne plais pas à Mme Michu parce que je la choque trop eh bien tant pis pour elle et même tant mieux pour moi ! =)
Je vais maintenant vous faire un méli mélo de Wal et Ingrid :))
Wal :
Merci pour ces réponses ô combien intéressantes :)Ce sont les questions qui font les réponses ;)
Je suis pleine de curiosité et je trouve intéressant de pouvoir décortiquer un auteur,
(j'ai un passé de thanatopracteur aussi je manie fort bien le scalpel !)Attention, je pourrais bien vous solliciter un de ces 4 ! ;)
-Vous écrivez depuis petite: est-ce-que vos professeurs de français vous trouvaient douée en rédaction ?
(je connais un prof qui fait rédiger des nouvelles fantastiques à ses sèmes, vous auriez fait sensation !!!)La première personne à croire en moi fut ma prof de français de 4e et 3e. Elle m'a beaucoup encouragée, tant à bosser ma grammaire (j'étais une brêle quand j'ai débarqué dans sa classe) qu'à écrire... elle m'avait d'ailleurs proposé de rédiger un texte sur un crime raciste qui avait eu lieu dans ma ville et l'avait placardé sur la porte de la classe ! J'étais extrêmement fière et j'ai fait de mon mieux pour ne pas la décevoir ! D'ailleurs, je la remercie à la fin d'Echo : je suis convaincue qu'elle a participé à me filer le virus de l'écriture !
-Une autre question absolument incontournable: aimez-vous le Nutella ?
Je suis une vraie chocolatomane vous voulez dire ! Mais je ne fais pas partie de cette caste un peu pisse-vinaigre qui ne jure que par le noir et prétend que quiconque préfère le lait n'est qu'un rustre ! J'aime le chocolat au lait, le chocolat blanc, le praliné... et le noir me fait faire la grimace ! Pour ce qui est du Nutella... oui j'aime évidemment. Mais beaucoup moins depuis que j'ai découvert son maître, mon Dieu, Ze pâte à tartiner qui déchire tout (même la balance... hum), j'ai nommé : la Chocolade Crunchy Jean Hervé (chez Naturalia). Une pâte à tartiner au vrai goût de chocolat, avec des morceaux de noisettes qui croustillent. En plus c'est bio. Alors, ça ne peut pas faire de mal (ou comment s'en enfiler des louches sans culpabiliser... ou presque). Essayez ! Vous m'en direz des nouvelles (je vais peut-être leur demander une com' au passage)...