03 juin 2013
Il suffit de descendre le boulevard Saint Michel et de bifurquer un peu à droite ... pour retrouver l'extraordinaire cadre du musée du Moyen-Âge, encastré dans ce qui furent les thermes de la ville romaine du IIIème siècle. En ce moment, on ne peut voir le cycle des tapisseries de la "Dame à la Licorne", mais une exposition tout à fait passionnante, sur l'éclosion du style "1200" ... comme on dirait du style "1900".
L’exposition, organisée en parallèle avec celle du musée Sandelin de Saint-Omer qui à prêté à Cluny deux pièces majeures, présente un florilège d'objets créés autour de l’an 1200, une époque particulièrement féconde où l’épanouissement de l’art fut favorisé par le contexte politique et économique dynamique, où l'on assiste à l’éclosion d’un style « international » ni tout à fait roman, ni encore gothique.
Enluminures, pièces d’orfèvrerie, sceaux, émaux (ici à gauche : operatio, retable de St Renacle, abbaye de Stavelot), vitraux, ivoires et autres sculptures révèlent le dynamisme exceptionnel de ces régions d'important transit commercial.
A l’âge d’or des foires, les courants commerciaux drainent entre les villes drapières du Nord et de l’Est, Flandre, Picardie, Artois, Champagne, région mosane, et les cités italiennes, des marchands venus de très loin. L’aristocratie tient à tenir son rang et à manifester, par un mécénat éclairé, sa supériorité sur ses voisins immédiats, voire sa rivalité avec le roi de France.
Tout mécène doit doter sa cathédrale ou son abbaye de reliques destinées à être montrées au peuple des fidèles : les reliquaires-phylactères en forme de croix somptueusement ouvragés, parfois portés sur la poitrine ou posés sur un pied (ici à droite, le reliquaire de la dent de Saint Maclou), chargés de pierres précieuses, renfermant des brisures de la sainte croix ou des clous du Christ f
L’enrichissement de la société profite à l'Eglise. Chez les ecclésiastiques, l’abbé Wibald de Stavelot, abbaye impériale du diocèse de Liège, apparaît comme l’un des grands commanditaires, au même titre que son contemporain Suger.
La mobilité des artistes entraîne des influences réciproques fécondes : les peintres anglais, notamment, ont beaucoup fréquenté à la fois les cours princières et les scriptoria des abbayes. Les artistes réinterprètent les thèmes classiques, avec des échos de la technique romane et même byzantine. Sensibles aux œuvres de l’Antiquité gréco-romaine, ils reprennent leur sens du drapé et la souplesse des attitudes. Ils innovent en portant une attention accrue au monde : les humains, le règne animal, la nature, créant un répertoire dans lequel stylisation et naturalisme coexistent.
Pour les Commissaires de l’exposition, ce « style 1200 » constitue une étape importante dans l’histoire esthétique des régions concernées. Il suffit de contempler la châsse de la Vierge conservée dans le trésor de la cathédrale de Tournai, œuvre majeure du maître Nicolas de Verdun. Autre merveille : le pied de croix de Saint Bertin, emprunté au musée de Saint Omer, avec les quatre évangélistes écrivant leur œuvre sur leurs genoux, en une harmonie délicate d’émaux et d’argent doré.
Une Renaissance. L’art entre Flandre et Champagne. 1150-1250, exposition jusqu’au 15 juillet au musée de Cluny, 6 place Paul-Painlevé, 75005 Paris.