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Le numérique : nouvelle ère, nouvelles guerres ?

Publié le 03 juin 2013 par Infoguerre

Graphic of address bar on computer with cursor arrow, overall blue tint.La déstabilisation d’une nation, d’une firme ou d’une institution via une manipulation des données ou un sabotage des réseaux numériques est maintenant réalité. Les intrusions informatiques se généralisent et démantèlent un peu plus, chaque jour, la notion même de sécurité des systèmes d’information (SI). Problème, les SI conditionnent tout, du nucléaire au pétrole, en passant par l’aérien, les marchés financiers ou encore la défense. Quid de la sécurité et de la guerre dans cette nouvelle ère ?

Trois évènements ont, en tout cas, significativement marqué la perception des dirigeants face au risque maintenant bien réel de cyber-guerre : avril 2007, août 2008 et juin 2010.

Le 27 avril 2007, une salve de cyber-attaques frappe les administrations, banques et médias estoniens. La petite république est littéralement envahie par des milliers de machines zombies qui démantèlent à tour de bras les sites névralgiques du pays. La densité de l’offensive est sans précédent et dépasse de loin l’éventualité d’une opération individuelle voire mafieuse. Le numéro des urgences de l’ex-république soviétique est même rendu indisponible. L’ACTA, Asymmetric Threats Contingency Alliance, affirme que l’offensive est d’origine russe. En cause, le déplacement du soldat de bronze, emblème de l’occupation soviétique, vers le cimetière des forces de défense de Tallinn. Une marque d’émancipation, ajoutée à l’entrée du pays balte au sein de l’OTAN, que n’a visiblement pas apprécié le Kremlin. Toucher l’Estonie au cœur de ses réseaux n’a rien d’anodin. Le pays compte parmi les plus connectés d’Europe et s’avère de fait particulièrement sensible à la bonne marche de son infrastructure numérique. L’OTAN, en dépit des impacts significatifs sur le fonctionnement du pays, n’a pas jugé la cyber-agression comme un acte de guerre. Mikko, porte-parole estonien de la défense, répliquera en soulignant que « si un aéroport ou une banque sont attaqués au missile, on parle de guerre. Mais si l’on fait la même chose avec des ordinateurscomment appelle-t-on cela ? ». Le président estonien a quant à lui clairement répondu en qualifiant l’offensive d’acte terroriste.

Le 8 août 2008, c'est au tour de la Géorgie. La Russie déclenche une vaste offensive numérique pour neutraliser l’architecture stratégique officielle et civile du pays. L’opération digitale précède une incursion militaire qui s’inscrit dans une nation déréglée et incapable de mener à bien une défense informationnelle opérationnelle. Le site des affaires étrangères affiche une caricature du président Saakachvili sous les traits… d’Adolph Hitler. Les autorités géorgiennes fuient partiellement la parade en trouvant refuge chez des hébergeurs étrangers. Civil.ge, principal site d’information géorgien, migre sur le domaine Blogspot de Google. L’Estonie, encore marquée par l’offensive de 2007, a quant à elle hébergé le site du ministère des affaires étrangères. Les russes boucleront néanmoins l’embargo informationnel en bombardant les antennes relais des services de téléphonie mobile. La Géorgie pratiquement coupée du monde est, à cet instant, à la merci des forces armées du Kremlin.

Non loin de là, le 15 juin 2010, Téhéran découvre qu’un virus informatique sème le chaos dans le programme nucléaire national. Un ver espionne et reprogramme des milliers de systèmes informatiques entraînant le dérèglement de moult procédés industriels et la destruction de centaines de centrifugeuses. Le virus baptisé « Stuxnet » est d’une puissance inégalée. Il résulte d’une collaboration acérée entre des programmateurs de la National Security Agency (NSA) et l’unité spéciale de guerre électronique de Tsahal. La maison blanche autorisera, deux années plus tard, deux nouvelles offensives via un virus encore plus perfectionné qui détruira plus de mille centrifugeuses ultra-modernes de type Ir-2. Ralph Langner, expert en cyber-sécurité, estime que la campagne israélo-américaine est digne d’un « chasseur F-35 débarquant sur un champ de bataille de la première guerre mondiale ». Les nombreuses intrusions entretiennent en outre la paranoïa au sein des multiples départements visés : le virus est-il encore présent ? Qui l’a introduit ? Le département est-il infiltré ? Bref, autant d’interrogations qui semblent littéralement embrouiller les souterrains de Natanz et les laboratoires de la capitale. Les experts du Pentagone estiment à ce titre que l’opération a permis de retarder le programme d’au moins 18 mois. Le cyberespace est maintenant « aussi essentiel aux opérations militaires que la terre, la mer, l’air ou encore l’espace » écrit William J. Lynn III, secrétaire à la Défense adjoint des Etats-Unis

2007, 2008 et 2010, trois dates, donc, qui marqueront à jamais l’histoire de la cyber-guerre. Nous pourrions y ajouter moult opérations d’espionnage et de déstabilisation plus discrètes mais non moins inquiétantes qui, chaque jour, ciblent nombre d’institutions économiques, politiques ou encore diplomatiques du monde entier. Les récents raids informatiques contre la FED, le Wall Street Journal, le Pentagone ou encore la Maison Blanche n’en sont qu’une brève illustration. 60 000, c’est le nombre de logiciels malveillants détectés chaque jour sur les réseaux américains, alerte James R. Clapper, directeur du renseignement étasunien. Résultat ? Des millions de données bancaires, stratégiques ou encore militaires basculées… on ne sait où… conférant ainsi à nombre de groupuscules, institutions ou gouvernements potentiellement agressifs, les moyens de déstabiliser significativement les Etats-Unis.

Le Pentagone recrute, en réaction, des milliers de programmateurs, hackers et autres spécialistes de la sécurité pour développer le cyber-département le plus puissant au monde. La maison blanche a voté il y a quelques mois un budget de 3,4 milliards de dollars pour financer le projet. Le New York Times affirme, en outre, que Barack Obama peut, en cas de menaces, lancer des cyber-attaques… préventives. Nous assistons de fait « à une véritable montée en puissance du lobbying « cyberwar » au sein du Pentagone et de la maison blanche, dopée par une peur panique d’un déclassement technologique dans le domaine de la guerre informatique » note Alexis Bautzmann, directeur du Centre d'Analyse et de Prévision des Risques Internationaux. La guerre numérique n’a paradoxalement plus grand-chose de virtuel…

Romain Zerbib


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