Je n’aime pas les pubs Orangina. Mais pourquoi ? Je suis pourtant dans la cible. Et je suis généralement touchée par tout ce qui cherche à être original.
J’ai décidé de faire un effort à l’occasion de la sortie de leur toute dernière campagne de communication. Je vais essayer de comprendre leur démarche. C’est donc l’occasion de revenir sur l’histoire de la communication hors normes d’une marque.
Orangina n’a pas la tâche facile à vrai dire. La concurrence est rude dans le marché du soda. Coca-Cola et Pepsi sont les leaders incontestables et font rêver les jeunes, cible commune aux trois marques, en représentant l’Amérique. Orangina a donc misé depuis toujours sur sa communication décomplexée, déjantée et à contre-pied pour se faire une place. Et quoique l’on puisse penser des publicités, les résultats sont là.
La saga a commencé en 1972, avec le garçon de café qui a été une constante de la marque pendant plusieurs années. C’est là qu’est né leur premier concept : il faut bien secouer sinon la pulpe elle reste en bas. Et comme par magie, le défaut que pouvait avoir la boisson a été transformé en valeur ajoutée. Le concept est créatif mais ne parle pas forcément à la cible : les ados.
Orangina a alors décidé de changer son positionnement et a fait appel à Jean-Paul Goude (celui qui est aujourd’hui connu pour ses créations pour les Galeries Lafayette) pour donner une image plus rythmée et plus sexy. Eh oui, ils ne pouvaient pas miser sur le rêve américain, ils misent donc sur le rêve exotique, très à la mode dans la fin des années 1980. D’ailleurs Orangina profite du tube de l’époque pour secouer ses bouteilles sur le rythme de la Lambada. Le changement permet de redynamiser un peu l’image de la marque mais n’atteint toujours pas la cible. Un changement de positionnement radical s’avère donc indispensable.
C’est à ce moment, dans les années 1990, que l’homme bouteille apparaît. Orangina mise alors sur l’humour pour se démarquer, et choisi comme égérie Alain Chabat. Il représentera la marque pendant 9 ans, à l’apogée de son succès médiatique. La personnification de la bouteille lui donne une image plus sympa, plus accessible et parle enfin aux jeunes. Tour à tour bon looser ou méchant, l’homme bouteille n’hésite pas à parodier certains films qui connaissent alors un succès. En 1996, l’Orangina rouge sort et la marque garde le même concept. Leur slogan de l’époque est aujourd’hui encore célèbre : « Mais pourquoi est-il si méchant ? … Mais PARCE QUEEEEEEEE !!!!!!!!!! ».
Mais au fur et à mesure des années, le concept publicitaire a été trop exploité et commence à s’essouffler. Les ventes diminuent. C’est ce qui arrive à de nombreuses marques quand il n’y a pas de renouvellement régulier. Je pense notamment à Nespresso qui connait le même dilemme aujourd’hui avec Georges Clooney. Orangina aurait alors pu choisir de changer de positionnement en douceur, mais a favorisé l’électrochoc publicitaire.
C’est là qu’apparaissent les célèbres animaux à l’allure humaine, qui, aujourd’hui encore, représentent la marque. Le changement d’univers est brutal. Désormais Orangina joue le jeu de la profusion et de la légèreté, que l’on retrouve dans le slogan « Naturellement pulpeuse ». Le côté naturel est là pour répondre à une tendance croissante à laquelle les boissons comme Coca-Cola ou Pepsi ne peuvent pas répondre, tandis que la sophistication et l’humour permettent à Orangina de se créer une identité remarquable et singulière.
Les animaux d’Orangina adoptent un comportement érotique qui vise à déranger, voire choquer. Utiliser l’image des animaux permet d’allier le côté absurde au politiquement incorrect, mais cela permet également de ne pas être censuré. Imaginez le même spot avec des acteurs humains … En Grande Bretagne, la campagne a été jugée trop déplacée et a été censurée. Alors qu’en France, elle a été récompensée et louée par de nombreux professionnels du domaine.
On peut légitimement se demander sur l’objectif d’Orangina n’était pas seulement de faire adhérer le public à sa marque, mais plutôt de créer une polémique qui ferait parler des publicités.
En 2010, ces animaux sont repris dans une nouvelle campagne qui vise à parodier les stéréotypes publicitaires des grandes marques de distribution. Cette fois-ci, ils côtoient des humains, ce qui permet au spectateur de s’identifier malgré tout et ce qui accroît l’effet de choc.
Ces publicités travaillent sur l’image d’Orangina. En effet, la notoriété est telle qu’il ne leur est plus nécessaire de communiquer sur le produit. L’image souhaitée est décalée et à contre-courant de tout ce qu’il peut faire. Je pense qu’ils ont utilisé la méthode de disruption que Jean-Marie Dru a rendue célèbre parmi les publicitaires. Ici encore, l’objectif est de créer buzz et polémique, mais c’est également de nous dire « Nous sommes supérieurs à toutes ces marques qui suivent le courant sans jamais innover ». D’un côté, ces publicités s’apparentent aux fables de la Fontaine, en utilisant des animaux pour critiquer de grands intouchables.
Je mets également un bémol au niveau du ciblage. Orangina cherche à attirer des adolescents, alors qu’il me semble qu’à l’âge de leur cible, on souhaite s’intégrer dans un groupe et répondre à des normes, même si celles-ci sont underground au premier regard. La communication est peut être donc trop excentrique et trop border line puisqu’elle ne peut être associée à aucun codes connus.
La publicité avec le puma va plus loin en mettant en scène l’émancipation des couples homosexuels. Elle prise ainsi des tabous publicitaires qui durent depuis toujours, se moquant ainsi de ces fausses pudeurs. Pour le coup, je trouve que c’est vraiment bien joué.
En 2012, Orangina fait preuve de moins de tact avec ses spots « Miss O » pour vendre de l’Orangina sans sucre. Leur objectif était de se moquer des stéréotypes sexistes, en inversant les rôles habituels. Le problème, c’est qu’en réutilisant ces codes, on peut avoir l’impression qu’ils les cautionnent. En effet, selon Orangina, le sexe fort est donc macho, infidèle, grossier et con, tandis que le sexe faible est stupide, crédible et passif. Et une pub qui se voulait antisexiste s’est faite accuser par tous de machisme.
Cette année, l’agence Fred & Farid restent dans la continuité de cette « communication animalière » en sortant sa campagne sur les « statistiques », qui a des petits airs de Meetic. On reste dans l’absurde et la fantaisie, en mettant cependant un peu de côté toute la provocation et le choc. C’est aussi peut-être pour cela que les publicités ont eu moins d’écho dans les média … Peut-être est-ce que le temps d’un nouveau changement de communication est-il venu ?
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