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Fraude fiscale et évasion fiscale : le cancer d’une France endettée

Publié le 03 juin 2013 par Cahier

 

Il y a dix jours mercredi 22 mai, la commission européenne a réuni les dirigeants des 27 pays membres avec pour objectif de renforcer la lutte contre l’évasion fiscale (profiter des failles juridiques pour diminuer l’imposition) et la fraude fiscale (la décision de cacher certains revenus à l’administration). Selon les estimations les plus prudentes, la conjonction de ces deux phénomènes représenterait une perte d’environ 1 000 Mds d’euros par an au niveau européen. Une somme qui, si elle était récupérée, permettrait d’effacer près de 55% de la dette française ou de financer le budget de l’UE pendant plusieurs années.

Sujet revenu sur le devant la scène après l’affaire Cahuzac mais aussi après les polémiques suscitées par le très faible niveau d’imposition de certains géants du net, la question du « manque à gagner » est désormais une priorité pour le gouvernement, bien conscient qu’en période de crise il lui sera très difficile de dégager des marges de manouvres sans aucune croissance et sans ressources supplémentaires.

Selon un récent rapport, le montant de la fraude fiscale en France se situerait en réalité entre 60 et 80 Mds€, par an, soit une évaluation qui a tout simplement doublé. En première ligne de la faudra fiscale on trouve les entreprises avec l’utilisation de mécanismes financiers  (remboursement de la TVA, société fantômes, prix de transfert, etc.) mais également les particuliers avec le travail au noir.

Une récente étude de l’Institut CSA pour Atlantico revient sur la réalité de ce phénomène et l’opinion des Français en la matière. Au-delà des résultats qui précisent l’étendue du phénomène se posent de vraies questions sur l’attitude des Français à l’égard de l’impôt.

De la difficulté (méthodologique) de mesurer l’infraction ou le comportement déviant

Avant d’évoquer les résultats de cette enquête et de mettre en lumière les enseignements que l’on peut en tirer d’un point de vue sociétal et politique, il est intéressant de se pencher sur la méthodologie utilisée. Dans le cas présent la méthode Internet a été préférée, sans doute pour le prix (Atlantico est un pure-player et dispose de moyens limités) mais plus vraisemblablement pour l’anonymat (perçu) qui est clairement supérieur via ce canal ; comme hier entre le face-à-face et le téléphone

En effet, les informations dites « sensibles », qu’il s’agisse du vote FN (bien que de moins en moins distinct), de la fréquence de consultation de sites pornographiques ou de l’inclinaison à cacher une partie de ses revenus, sont plus aisées à mesurer quand ce n’est pas via téléphone. De plus, et de manière ironique, on pourra douter de la franchise des répondants face à une enquête CSA dont une partie des Français pensent encore qu’il s’agit du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, institution publique…

 

La confirmation que la fraude fiscale est un vrai sujet en France

Selon le sondage de l’Institut CSA les Français sont quasiment irréprochables sur leur déclaration de revenus : seuls 4% des personnes interrogées ont indiqué avoir déjà manqué de déclarer une partie de leurs revenus à l’administration fiscale ; soit environ 2 millions de Français âgés de 18 ans et plus.

Alors que plus de 45% des Français ne payent pas d’impôt sur le revenu au regard du niveau de leur rémunération on peut donc considérer que ce chiffre est vraisemblablement minoré si l’on considère les personnes effectivement concernées par cette question.

Sans doute plus proche de la réalité, 20% des Français confient avoir recours au travail au noir ; une pratique plutôt masculine (23%) et qui semble positivement corrélée avec l’âge (29% des personnes âgées de plus de 65 ans) et avec le niveau de revenus (30% chez les personnes ayant un revenu supérieur à 4500 euros  brut/ mois).

Enfin, 23% des Français estiment que la fraude fiscale peut être justifiée en cas d’urgence, notamment si elle est liée à un problème familial (logement, alimentation). Un jugement qui divise les Français selon leur sympathie partisane : 12% pour les proches du Modem et 31% pour ceux du Front National, symbole d’une extrême droite a tendance autocentrée et individualiste et d’un parti héritier du radicalisme des années 1900.

Autant de chiffres indiquant que la question de la fraude est bien un sujet au sein de la société française et que cet élément contribue à creuser un fossé entre les « riches » qui estiment payer déjà assez et tentent de se soustraire à l’impôt et les « pauvres » qui  ne peuvent tolérer qu’un acteur, un chef d’entreprise ou un footballeur soit payé 120 fois plus qu’eux.

 

Derrière la fraude et l’évasion fiscale la question de la moralité et de la bonne utilisation de l’impôt

Si les résultats de cette étude confirment la nécessité de s’atteler à la lutte contre la fraude et l’évasion  fiscale, il s’agit cependant de prendre du recul sur ce sujet. En effet, la France est un des pays où la pression fiscale est parmi les plus élevées au monde et où la culture de la « triche » vis-à-vis de l’Etat est un sport national, que cela soit dans une queue à la mairie, dans les transports en commun ou au moment de s’acquitter de l’impôt.

Mais il faut sans doute aussi un choc de réalité sur cette question de l’impôt en général dont on a tendance à oublier qu’il constitue l’intégralité des revenus de l’Etat. « There is no such thing as public money » comme le rappelait Margaret Thatcher et c’est sans doute là que se situe le problème. En effet, les Français tous autant qu’ils sont ont tendance à frauder ou à s’évader (physiquement ou leur argent) en premier lieu parce qu’ils manquent de visibilité sur ce que l’Etat fait de cet argent. Là où les Suisses multiplient les votations pour chaque tronçon d’autoroute, les Français souffrent d’un manque de lisibilité sur ce qu’il advient de leurs deniers taxé par l’Etat.

La Gauche et les think-tank comme la Fondation Jean-Jaurès se sont fortement mobilisés au cours des dernières années pour surveiller la dépense publique et identifier les économies à réaliser. Le rôle croissant joué par la Cour des Comptes depuis la période Séguin et le Président Didier Migaud démontre aussi l’impératif besoin de transparence exigé à tous les niveaux.

A droite rien. Pour le moment il n’existe aucun organisme ou institut qui suit les politiques publiques et la dépense de l’Etat à l’exception de la Fondapol sur certains points. Une nécessité si l’on veut éduquer, informer et concerner les Français. In fine c’est en suivant ce chemin que l’on réduira l’évasion fiscale.


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