Dans le petit village de Lasquenet, en France, une nouvelle arrivante attire tous les regards, plus ou moins bienveillants. Enfin, c’est moins elle que sa boutique qui suscite l’interrogation. A la place de l’ancienne boulangerie, elle installe une confiserie, au nom évocateur: “La Céleste Praline”. Très vite, la vitrine ornée d’une authentique maison en pain d’épice, de chocolats de toutes sortes, formes et parfums attire les curieux. La propriétaire, Vianne Rocher, est de plus une femme profondément généreuse et semble avoir un don pour détecter et offrir à chaque visiteur sa friandise préférée. A ses côtés, sa fille Anouk n’hésite pas à proposer à ses amis de l’école de venir faire la vitrine ou préparer Pâques. La boutique a vite ses fidèles qui viennent boire un chocolat chaud, comme le vieux Guillaume au petit soin pour son vieux chien mourant ou la vieille Armande, gourmande et pleine de bon sens, qui sent bien que l’arrivée de Vianne ne fait pas que des heureux. Située en face de l’église, en plein carême, la confiserie attire également les foudres des bigotes du village qui trouve cet étalage de plaisir tout bonnement indécent, ainsi que celle du curé du village, le père Reynaud. Pourquoi cette petite Anouk n’a-t-elle ni père ni éducation au catéchisme? Pourquoi s’obstinent-ils à transformer les nobles célébrations du carême et de Pâques en débauches chocolatées?
J’ai ouvert ce roman en espérant avoir l’eau à la bouche, et force est de constater que là-dessus, il remplit sa fonction. Les descriptions des petits friandises sont absolument délicieuses et je me suis souvent surprise à me dire que j’avais oublié combien il y avait de possibilités différentes d’habiller le chocolat. L’auteur se plait à filer toutes les métaphores tantôt sensuelles, tantôt sociales du chocolat, qu’il s’agisse des tétons de Vénus et leur enrobage blanc, des mendiants et leurs amandes, ou du chocolat chaud dont on imagine même pas les multiples saveurs et nuances possibles, du plus noir au plus doux. Le morceau de bravoure de ce thème reste la découverte par le curé lui-même de l’arrière-boutique, de ses odeurs tellement épaisses qu’elles en remplissent la bouche et du plaisir coupable que le chocolat procure.
Mais ce thème gourmand sert de tremplin vers une multitude d’autres thèmes plus grave, à commencer par l’austère sévérité avec laquelle l’église garde ce petit village sous sa coupe. La gourmandise étant un péché capital, on voit vite s’élever des pétitions et des tracts des fidèles contre Vianne et sa boutique, et l’innocente chasse aux oeufs en chocolat de Pâques devient un blasphème. L’improbable affrontement entre l’innocente chocolaterie et la rigueur religieuse est plus que convaincant tant la gourmandise semble être le vice qui conduit à tous les autres. Pourtant, c’est par cette même gourmandise que Vianne a pour ambition d’affirmer sa liberté envers “L’homme noir” et si possible, de libérer également les autres, qu’il s’agisse de la femme battue mais enfermée par le sacrement du mariage, ou d’autres laissés pour compte. L’arrivée d’un groupe de gypsie, personae non gratae dans le village, va encore donner l’occasion à Vianne d’être assimilée à une créature du diable. Pourtant, c’est par les vertus du chocolat, de la douceur et du plaisir qu’elle va, malgré elle, réconcilier les familles, libérer les coeurs et consoler les malheureux. D’ailleurs, ceux qui la traitent de sorcière ne sont peut-être pas si loin de la vérité.
Seul bémol néanmoins : à trop vouloir créer une ambiance, certes efficace, on en oublie un peu l’action et le roman m’a parfois semblé long et se perdre en ramifications secondaires. Pour une période où j’avais du mal à lire, on ne peut pas dire qu’il m’ait beaucoup aidé à retrouvé mon rythme.
La note de Mélu:
Un délicieux moment.
Un mot sur l’auteure: Joanne Harris (née en 1964) est une auteure britannique qui a également la nationalité française, puisqu’une partie de sa famille vient de Bretagne.
Un film existe avec Juliette Binoche et Johnny Depp. A voir!
catégorie “aliment”