Une année de vie en yourte

Cela fait maintenant un an que j'ai tourné le dos au confort "standard" d'une maison moderne, pour expérimenter la vie à la dure dans une yourte non équipée, c'est à dire avec les sanitaires et bloc cuisine à l'extérieur.

Et bien je dois dire que l'adaptation a en fin de compte été bien plus facile que prévue. Moi qui avait  toujours vécu avec les commodités de base, j'ai appris sur le tas à vivre, et bien vivre, sans eau courante, et en comptant les ressources en électricité.

Passer du climat de la garrigue méditerrranéenne à celui de la basse montagne m'a demandé davantage d'efforts, non à cause du froid, mais surtout pour faire face à l'humidité de l'automne et du printemps. J'ai mis quelques semaines à me roder et à trouver la bonne organisation pour vivre confortablement.

L'anticipation est le plus important

quand on se chauffe et cuisine au bois exclusivement, on a intérêt à ne pas en manquer... Vivant entourés de forêts de chataigners, la matière première est amplement disponible . Le travail de ramassage de petit bois pour l'allumage et la cuisine, se fait en famille, ce qui donnait prétexte à bien des jeux et des explorations. Au moins deux fois par semaine nous allons remplir 2 gros sac de bois, parfois plus histoire d'avoir des réserves avant les pluies. L'homme se charge de découper à la tronçonneuse les grosses bûches qui nous chauffent. Pour le bois moyen, c'est la mère Alisabel avec sa scie et son chevalet qui s'en charge bien souvent, parfois aidée de son biboudemars, heureux de se voir confier des vrais outils de grand. Il faut aussi penser à stocker et faire sécher les feuilles et les brins de genêt pour l'allumage, et bien sûr les allumettes, qu'on doit garder au sec.

Les outils sont un élement très important dans cette vie .... Aussi il faut constamment veiller à ce qu'ils soient rangés, protégés, et utilisables immédiatement.

J'ai compris aussi dès octobre un point incontournable pour résister à l'humidité : tout avoir en double. Soit pour chacun deux manteaux, deux paires de bottes, deux paires de gants , avec toujours l'un des deux équipements en train de sécher au dessus du poêle.

Vivre en espace restreint :

passer de 90 m² habitables à moins de 40 m², ça fait drôle.

Moi qui ordinairement aime m'étaler, j'ai vite pris de nouvelles 'habitudes, et mon cerveau est tout de suite passé en mode "rangement automatique". Dans une yourte, la moindre place peut être exploitée : des étagères de rangement accrochées au treillis, le linge suspendu aux perches dans des petits hamacs en tissu, des malles en osier empilées dans chaque recoin, on arrive avec un peu de créativité et de discipline à se trouver aussi à l'aise que dans une grande maison.

Et puis même si c'est petit dedans, dehors c'est vaste ...le dessous de la yourte sert de frigo naturel, de rangement pour les outils, la machine à laver est installée à l'extérieur, abritée et isolée avec du feutre. La cuisine se fait souvent dehors en journée, grâce à  au fourneau à bois et  à un petit foyer aménagé contre un muret. L'evier pour la vaisselle se trouve  près du cabanon des toilettes sèches, et à défaut d'eau courante, est alimenté par deux grosses cuves à l'epreuve du gel.

mon fidèle fourneau Loralty, en récup, qui m'a beaucoup servi cette année. Je pense en fabriquer un autre modèle plus grand et plus stable.

la simplicité volontaire poussée plus loin

vivre sans electroménager, sans frigo (j'ai tout de même une cuisinière à gaz depuis quelques jours, pour les cas de pénurie ou d'urgence) , ça se fait ...et facilement, si on est bien organisé. J'ai divisé par 2 le nombre de mes ustensiles de cuisine, j'ai pris les mêmes habitudes que nos grand mères : avoir toujours une marmite d'eau chaude sur le poêle ou du linge en train de tremper au chaud. la lessive à la cendre toujours en train de macérer sous l'evier....Tout ce qui peut être récuperé et rationnalisé doit l'être si l'on veut vivre bien.

En ce qui concerne l'hygiène

pas de salle de bains, et alors ? J'avais déja l'habitude dans la maison en bois, de me laver avec une bassine de 3 litres d'eau chaude, rien n'a donc changé pour moi, j'ai juste dû apprendre à me laver les cheveux autrement, avec 3 bouteilles d'eau et une cuvette. Seuls les petits ont pu continuer à prendre des bains, avec l'eau chauffée sur le poele, dans un grand baquet souple en plastique. Pour notre nouveau lieu je compte bien installer une salle de bains couverte avec une baignoire en fonte, chauffée par un foyer en dessous.

La machine à laver dehors fonctionnait sur le solaire ou sur l'électricité du voisin quand il le voulait bien. Du coup notre linge est lavé à froid, après avoir été minutieusement savonné et avoir passé plusieurs heures de trempage dans des cristaux de soude. Certaines choses comme les lingettes ou les chaussettes sont lavées à la main à l'eau chauffée sur le poêle. Nos eaux grises sont évacuées et recyclées via un filtre de cailloux et de terre.

comment organiser son intimité ?

Vivre à 4 ou plus dans une yourte se fait facilement, pour peu que chacun respecte l'espace des autres. Les enfants ont leur mezzanine, qui accueille leurs lits, leurs toilettes sèches, et une partie de leurs jouets. La chambre des adultes a naturellement trouvé place sous celle des enfants , close par des rideaux. D'autres rideaux isolent un coin toilette, près du poêle, avec les bidons d'eau, des bassines et tout le nécessaire pour l'hygiène quotidienne. Pour les beaux jours nous avons des douches solaires dehors.

le contact avec la nature  

c'est là l'expérience la plus forte de la vie en yourte, celle qui fait se rendre compte qu'on est connecté de façon permanente à l'environnement naturel.

Une yourte vit avec le climat, bouge avec le vent violent (nous étions sur une crête) , prend la pluie parfois  si elle est mal arrimée ou mal orientée, au moment des épisodes cevenols. Dans une yourte, la frontière entre le dedans et le dehors est moins marquée que dans une maison "en dur". Aussi on est plus enclin  finalement, à vivre au grand air, à profiter des merveilles qui nous entourent. Les bibous ont vite appris à réguler leur température et se sont adaptés au froid extérieur. En ce qui me concerne j'ai pris le pli de superposer les pulls et les chaussettes, et de me couvrir d'un manteau bien fermé, pour aller boire un thé dehors même par des températures négatives, et admirer la mer de brume, ou encore faire la vaisselle sous la voûte étoilée.

J'ai pris chaque jour ou presque, avant de me coucher, un petit temps de recueillement contemplatif dehors, afin de m'imprégner de l'energie du lieu et de me ressourcer au bruit du vent et des animaux nocturnes.

Après un an d'expérience, il y a bien des choses que je commence à changer pour me simplifier la vie, comme installer un autowash pour la vaisselle, à portée de bibous (ils adorent! pour l'instant ...) et aménager une cuisine couverte avec plusieurs moyens de chauffage : à gaz et à bois, un fourneau et une cuisinière, afin de faire face à toutes les situations.

Nous allons avoir aussi davantage d'electricité pour couvrir à la fois les besoins domestiques et ceux de l'atelier.

Je pense aussi creuser une mini cave pour stocker nos conserves et nos fruits séchés...

A suivre ici, d'ici quelques mois, les différents aménagements que nous allons faire sur notre nouveau lieu.