Une nouvelle vague de privatisations en Russie ?

Publié le 01 juin 2013 par Edelit @TransacEDHEC

Si en 2009, le vice-Premier ministre russe Igor Chouvalov déclarait « Le temps est venu de revenir aux privatisations », cinq ans plus tard, cela semble toujours d’actualité au Kremlin. L’Etat russe est en effet sur le point de procéder de nouveau à une vente massive de ses actifs.

La privatisation : une priorité

En juin 2011, lors du forum économique international de Saint-Pétersbourg, Dmitri Medvedev déclarait être favorable à la vente des participations de l’Etat dans les compagnies publiques où il détient des participations majoritaires. Les seules entreprises exclues étant celles du secteur de la défense. Cette idée fut formalisée par Vladimir Poutine dans le décret « Sur la politique économique à long terme de l’Etat » en mai 2012, c’est-à-dire juste après son investiture. Ce décret est cependant moins ambitieux que les propos tenus par Medvedev : il exclut désormais les entreprises du secteur des matières premières et des monopoles naturels (les ventes de Gazprom et de Rosneft sont donc interdites). Néanmoins la vente de tous les actifs a maintenant une date limite : 2016.

Que possède réellement l’Etat russe ?

La part du Kremlin dans l’économie n’est pas facile à évaluer. Pourtant on peut s’accorder sur un point : elle est bien trop importante. L’Etat est omniprésent dans les secteurs stratégiques. Sans tenir compte des corporations d’Etat, comme la Rosatom, ou des compagnies publiques, comme les Chemins de fer (RZD), l’Etat possède la majeure partie des plus grands groupes du pays. L’observation des dix compagnies ayant la plus grande capitalisation boursière nous amène à la conclusion suivante : l’Etat détient 62% de leur capitalisation boursière cumulée. Mais la propriété d’Etat ne se limite pas à cela : il possède également un milliard d’hectares de biens fonciers soit plus de la moitié de la superficie de la Russie.

La privatisation : une nécessité ?

Aujourd’hui les compagnies publiques occupent les positions dominantes dans les secteurs clés de l’économie. Lorsqu’elles entrent en concurrence, elles ne le font jamais selon les règles du marché. Ceci a plusieurs conséquences. Premièrement leur efficacité n’est pas maximale et leurs fournisseurs ne sont pas incités à développer leur offre. Mais surtout, les privatisations pourraient susciter des réformes institutionnelles. En effet, aujourd’hui les compagnies et corporations d’Etat sont peu sensibles à l’inefficacité du système judiciaire. Ceci permettrait donc de moderniser l’économie et entrainerait théoriquement une hausse de la croissance. Enfin les rentrées budgétaires permettraient de mettre en œuvre la réforme des retraites qui se révèle être trop coûteuse actuellement.

Et si la privatisation était une erreur ?

Même si Poutine et Medvedev ne cessent de souligner leur attachement à la privatisation, la classe moyenne russe est plutôt sceptique. La raison principale de ce rejet réside dans le souvenir douloureux laissé par la privatisation menée dans les années 1990. L’opinion publique la perçoit comme un échec : la corruption y était omniprésente et elle a été inefficace aussi bien du point de vue des rentrées budgétaires que sur l’efficacité des entreprises privatisées.

Mais que se passerait-il en cas d’ajournement des privatisations ?

La réponse dépend de l’évolution des cours du pétrole. Si ceux-ci augmentent, la privatisation serait profitable. Toutefois l’incitation serait moindre car l’Etat n’aura pas besoin de rentrées supplémentaires d’argent à court terme. Mais si les cours chutent et demeurent bas, le Kremlin devra se résoudre à privatiser pour pouvoir faire face aux dépenses sociales, domaine très sensible en ce moment. Le problème étant qu’à ce moment-là, les actifs russes verront leur prix baisser. Un autre risque lié à l’ajournement des privatisations est de nature politique. Vladimir Poutine a insisté lors de sa réélection que son mandat serait placé sous le signe de la transparence. Ignorer ses promesses relatives à la privatisation ne manquerait pas d’affaiblir le soutien au président au sein de la classe moyenne. Les privatisations semblent donc s’imposer.

AV