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Il reste discret mais se montre beaucoup, bien davantage de semaine en semaine. L'anniversaire du CNR, un déplacement à Rodez, une conférence de presse avec Mme Merkel, une autre intervention télévisée sur la situation internationale. Hollande est finalement partout, et pour tous. Il s'agit de fermer une séquence, celle du mariage pour tous; et accélérer sur le reste et l'essentiel.
Hollande contre les anti-gays
Christine Boutin entame la semaine par une expression dégoutée et dégoutante, "on est envahi de gays." Elle est excédée par la violence d'une énième manifestation contre l'inéluctable, la veille à Paris, et, surtout, par une joyeuse Palme d'or attribuée au réalisateur et aux deux actrices du film "La Vie d'Adèle", en clôture du festival de Cannes. Elle n'a pas vu le film, mais qu'il traite de l'amour de deux femmes lui est déjà insupportable.
La manifestation des anti-mariage gay s'est terminée comme elle devait, dans la violence des slogans et des actes, et les interpellations. Le lendemain, Hollande est accueilli par certains extrémistes devant le lycée Buffon, à Paris, où il vient célébrer le 70ème anniversaire du CNR. On crie aux "collabos", on appelle à la "résistance". Hollande réplique: "Nul n'a le droit d'utiliser ces mots pour défendre des idées – si on peut appeler cela des idées – d'aujourd'hui. Parce qu'il y a un sens, qu'il faut toujours rappeler, de ces mots-là".
Le mariage gay, c'est fait et terminé. Le premier mariage homosexuel du pays est célébré à Montpellier. C'est un moment joyeux... et sur-médiatisé: 230 journalistes, trois chaînes d'information, une couvertuve "Live from Montpellier" l'après-midi durant, jusqu'au "Oui" final.
L'overdose est totale. Mais Hollande est ailleurs. Il nous avait prévenu, quelques semaines auparavant, un matin à l'Elysée. Il faut terminer cette séquence et passer à autre chose.
Hollande commente l'affaire Tapie
L'autre satisfaction vient de la justice. Peut-être existe-elle, malgré les entraves ? La réforme du CSM se réduit à vue d'oeil, à cause d'une droite qui visiblement craint trop l'indépendance des magistrats. Et c'est vrai que la justice accélère. Vendredi, la filiale française d'UBS est mise en examen pour complicité de démarchage illicite. On la soupçonne d'avoir incité de riches Français à planquer leur argent en Suisse et ailleurs. L'enquête avait démarré en avril 2012.
Hollande part à Rodez. Il confie, sobrement "L'Etat défendra toujours ses intérêts en temps utile et pour accéder aux informations". Il n'en faudra pas plus pour que les supporteurs de l'ancien monarque y voient la trace d'un complot politique dans l'affaire Tapie.
Si Christine Lagarde a échappé à la mise en examen après son audition les 22 et 23 mai, deux autres protagonistes de l'affaire connaissent les affres de la garde à vue. L'un, juge-arbitre, est même mis en examen pour escroquerie en bande organisée. Où est le reste de la bande ? Jeudi, un ancien proche de Sarkofrance, Ziad Takkiedine est interpelé alors qu'il tente de fuir la France avec un passeport diplomatique de la République dominicaine qu'il aurait acheté 200.000 euros. L'ancien meilleur ami de Jean-François Copé, intermédiaire du couple Sarko/Guéant en Libye et en Arabie Saoudite dans les années 2004-2007, craint de tout perdre dans le volet financier du Karachigate. Il est placé en détention provisoire, et une nouvelle fois mis en examen, vendredi 31 mai, pour corruption d'agent public étranger et escroquerie.
Les rats fuient le navire.
Nicolas Sarkozy, vers qui tous les regards se tournent, file à Londres lundi. Pour une conférence payée 100.000 dollars par l'une des banques d'affaires les plus honnies au monde depuis le Krach de 2008, Goldman Sachs.
#MDR dirait-on sur Twitter.
Hollande invite Merkel
Hollande tacle tranquillement Oli Rehn un commissaire européen qui croyait pouvoir "exiger" de la France des réformes supplémentaires dès cette année. La France maîtrise la mise en oeuvre, même s'il est serré: "les manières de faire relèvent de la responsabilité du gouvernement et de l'Etat, sinon il n'y aurait pas de souveraineté possible." En France, certains grands parleurs couinent: "ce ne sont que des mots". Justement, le commissaire européen Rehn les a très mal pris. Il se déclare "choqué", "stupéfait", preuve que le message porte. Les mots sont aussi des armes. Mélenchon n'en a cure: "Mais si mon bonhomme, parce que tu as signé le traité budgétaire européen et maintenant tu te fais donner des ordres depuis Bruxelles" lance-t-il à Hollande. "
Il pleut toujours. Nous sommes en mai. Il pleut depuis un an. La météo s'accorde sur le climat économique. Hollande poursuit sa pédagogie: pas de relance franco-française, cela ne servirait à rien. Il pointe deux faiblesses françaises: le "manque de solidarité à l'égard des jeunes et des seniors" et un "défaut de compétitivité". D'autres réclament de l'Allemagne et de l'Europe en général qu'il y ait de la relance. Hollande y travaille, dit-il. Mais il n'y a que les négociateurs de salon et autres adeptes du yakafokon qui ont bien sûr toutes les solutions à tous nos problèmes.
Hollande invite Merkel à Paris. Premier tête-à-tête, premier "aparté" depuis un an. On parle enfin chômage, celui des jeunes. La ministre allemande du travail et son collègue Michel Sapin signent une tribune résumant la proposition franco-allemande: favoriser l'accès au crédit, créer un programme d'échange européens d'apprentis. Les deux sourient aux photographes. Ce n'est pas tous les jours qu'on annonce des initiatives franco-allemande. A l'Elysée, Hollande et Merkel grimacent à la tribune, mais le discours est ferme.
Le nombre d'inscrits à pôle Emploi sans aucune activité a cru de 40.000 en avril. Hollande lance de nouvelles idées - étendre les emplois d'avenir à d'autres secteurs d'activité. Il croit encore à "l'objectif de l'inversion de la courbe du chômage avant la fin de l'année". Merkel se rallie à l'idée d'un gouvernement de la zone euro: un texte sera présenté fin juin. Il inclut les politiques du travail, les retraites, l'accès aux marché, la fiscalité, l'éducation. Merkel accepte aussi et enfin de confier le sauvetage des banques à une instance européenne, un élément clé de l'union bancaire. Les conservateurs allemands y étaient farouchement opposés.
A gauche, certains fustigent le "machin" qui retire encore un peu plus de souveraineté nationale. Pourtant, comment réclamer une relance européenne sans une gouvernance commune qui ne soit pas qu'un flicage des déficits de chacun ?
Et si l'union politique, c'était maintenant ?
Hollande parle rugby
L'UMP se ridiculise. Les primaires parisiennes débutent et quelques heures plus tard, c'est le drame. Deux candidats marginaux dénoncent tricheries et irrégularités. On pourrait en rire si la démocratie pouvait encore supporter sans risque ces mascarades. La préparation des municipales fait d'autres ravages: Robert Ménard, l'ancien patron de Reporters Sans Frontières, vise Béziers, où il déclare avoir le soutien du Front national.
La cote de Hollande se redresse. Mais déjà, ça grince ailleurs. La cigarette électronique, ce "vapotage" qui concerne déjà près d'un million de personnes, est interdit dans les lieux publics. S'agit-il de tuer une alternative à la clope ? Non. Va-t-on demander ce qu'en pense Hollande ? Sans doute puisque le sujet occupe nos médias. Est-ce un sujet d'importance nationale quand la Sécurité sociale manque de ressources ? Non.
Hollande est partout, et même au rugby. Quelques mots de soutiens, au passage, à l'équipe de Castres, et voici que l'entraineur de Toulon, l'équipe rivale qu'elle affronte quelques jours plus tard en finale de Top 14, se déclare "vexé, humilié". Quelle maturité !
Sylvia Pinel, ministre en charge de l'Artisanat, a prévenu d'une prochaine limitation du statut d'autoentrepreneur à deux années d'activité principale. Devant la fronde, elle recule. D'autres appellent cela du dialogue. Ils ont raison. On murmure aussi, à coups de une dans la presse et de conjectures savantes mais non confirmées, qu'Ayrault préfèrerait réduire encore le quotient familial (de 2.000 à 1.500 euros) plutôt que de raboter les allocations familiales des plus fortunés.
Hollande intervient sur le Mali.
Un entretien de 38 minutes pour France 24, RFI et TV5Monde. L'opération malienne est un "succès", selon lui. Il attend beaucoup des prochaines élections. Il souhaite, comme il l'a rappelé au congrès de l'Union africaine le weekend précédent, que l'Afrique se dote d'une force d'intervention.
En France, l'auteur présumé de l'agression au cutter contre un militaire français sur l'esplanade de la Défense voici 10 jours a été arrêté. Hollande s'inquiète de nos services de renseignement: "il faut qu'il y ait un meilleur suivi des informations locales par les services de renseignement". Là aussi, depuis l'affaire Merah, on mesure combien le bilan sarkozyste est simplement mauvais. La centralisation des moyens au sein de la DCRI en 2008 a affaibli le renseignement local.
En Syrie, Bachar el-Assad fanfaronne sur la chaîne du Hezbollah, qui le soutient militairement. Des analyses onusiennes sont en cours sur la réalité des attaques aux gaz contre les rebelles.
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Hollande intervient sur tous les sujets. L'évolution fut lente. Le déclic est venu du constat que cela ne pouvait pas durer.
Il ne s'agite pas comme son prédécesseur. Sarko adorait les tables rondes sans rapport avec l'actualité, "centrer" le débat sur des propositions parfois cocasses. Hollande procède différemment. Il prend la parole sur ce qui se passe. Il commente, assume, ou explique ce qu'il fait.
Cela n'amoindrit pas les désaccords. Mais cela purge au moins le débat politique des élucubrations médiatiques sur son leadership.