Soyons honnêtes, Zhuhai ( 珠海), je n'en avais jamais entendu parler, comme des centaines de bourgades de plus d'un million d'âmes en Chine. On y est tellement vite au million par ici.
Coup sur coup, preuve qu'il n'y a pas de hasard, j'entends parler de Zhuhai. D'abord par mon amie Kelly. Mais voyons où se trouve cette ville : sur la côte sud de la province du Guangdong en Chine, limitrophe de Macao, située dans le delta de la rivière des Perles. Zhuhai a été l'une des premières zones économiques spéciales des années 1980. Autrefois petit village de pêcheurs à l'ombre de Macao, c'est désormais une puissance économique et une destination touristique renommée de la Chine, la « Riviera chinoise ». En 2010, la population totale est de 1 560 229 habitants,
La fille du pêcheur tenant une perle, emblème de Zhuhai
Je reprends mon histoire. Kelly, originaire de la province de Hubei, vit à Shanghai. Elle souhaite se rendre à Macao jouissant du statut de Région Administrative Spéciale, rétrocédée à la Chine conformément au principe "un pays, deux systèmes". Le pays, c'est la Chine. Pourtant les Chinois doivent être munis d'un visa pour y entrer. Or, obtenir un visa n'est pas aisé; il faut se rendre dans sa province d'origine, qui n'est pas forcément toute proche. Nous avons réfléchi ensemble à diverses solutions, bien que mes suggestions n'aient pas été très utiles. Je ne sais pas ce que c'est que de ne pas avoir de visa, d'avoir des difficultés pour en obtenir un. C'est donc toute seule qu'elle a trouvé une solution : aller à Zhuhai, là où il y a des tas d'agences qui "offrent" des visas, on regroupe les demandeurs et on les fait passer pour un groupe (apparemment les visas pour groupes sont moins problématiques) pour franchir la frontière en traversant un pont. "Il y a un aéroport?" Question idiote, rien que ce "trafic" de personnes justifierait un aéroport...
A cela s'ajoute le lendemain un article sur cette même destination. Que je lis avec grand intérêt. L'octroi de visas touristiques temporaires ne semble pas être la seule industrie de Zhuhai,
Reuters nous décrit l'activité principale de la place : des banques "undeground" pour les clients chinois de Macao. On les attire "Good rates. Better than the banks." Pourtant ces commerces sont inscrits comme magasins de boissons alcoolisées, exposant cigarettes et vins chinois devant et gérant leurs affaires bancaires dans les arrière-boutiques. "C'est bien simple", explique un agent en servant du thé, "vous me donnez des yuans ici, nous vous fournissons des dollars HK à Macao. Nous pouvons déplacer des tonnes de millions chaque jour." Il ne plaisante pas, un milliard de yuans est transféré quotidiennement sous le manteau par une centaine d'agents rien qu'à Zhuhai, une parcelle de l'affluent Guangdong dans le delta de la Rivière des perles, dont les autres perles sont Shenzhen, Guangzhou and Dongguan qui se consacrent aussi partiellement au même commerce souterrain, et représentent, par les autres activités, un quart du commerce international de la Chine.
"Il doit y avoir de blanchiment d'argent sale", conclut l'agent. "Mais nous ne sommes pas des criminels... Nous rendons la vie des gens plus agréable. On déplace leur argent."
Sans le savoir, c'était Zhuhai que j'ai
photographié depuis Macao
Et dire qu'il y a en ce moment même dans le monde des tas des spécialistes qui planchent sur des lois pour taxer l'argent déplacé, rendre la vie dure à ceux dont les billets auraient la bougeotte et les traiter en criminels, eux et ceux qui leur donne un coup de main.