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Cinéma: "Le bonheur" d'Agnès Varda

Publié le 31 mai 2013 par Paulo Lobo
Quel beau, triste et lumineux film que "Le bonheur" d'Agnès Varda! Il date de 1965, et il semble avoir été fait aujourd'hui, tellement la concision, l'émotion, la candeur, l'ironie et la poésie y sont mêlées.Et puis, elles sont plutôt rares les oeuvres qui ne vous donnent pas toutes les réponses, qui vous hantent après qu'on les ait vues, qui émerveillent et interrogent. Qu'est-ce c'est que cet étrange objet filmique, étrange et implacable? Agnès Varda est libre, et elle regarde la vie et le bonheur couler sous son regard, couler, s'épanouir, se flétrir, renaître... Il y a dans sa caméra une façon naturaliste et aimante de raconter l'histoire. Et surtout de rendre les impressions. Car il n'y a pas ou presque pas d'histoire dans ce film. Il y a principalement les mille petits gestes de l'existence. Il y a les jours tranquilles et éternels, tant qu'ils durent. Il y a une famille, un jeune couple et leurs deux enfants. Ils sont heureux. Mais sans entourloupe souterraine. Ils sont vraiment heureux, et Agnès a l'art de nous faire ressentir pleinement ce bonheur. Sans ironie, sans moquerie, avec tendresse et aussi une indicible tristesse. Agnès nous fait croire au bonheur de cette famille claire comme l'eau de roche. Par ses images belles comme des peintures, ses plans composés au cordeau, sa distance par rapport aux situations et aux êtres, sa façon de filmer la nature et les hommes, la musique de Mozart, grave et légère, qui illumine la forêt, les feuillages, le déjeuner sur l'herbe.Tout ça est trop beau, trop simple, trop vrai, et pourtant on l'a goûté tous un jour.Le malheur va s'infiltrer sans cri ni heurt. Il va survenir, tout naturellement, sans que personne en soit désigné porteur. Mais quand ce malheur se révèle, croyez-moi, on ne peut empêcher sa larme.A qui la faute? Pourquoi? Où se trouve l'erreur?François, le mari, sera jugé par chacun selon son point de vue moral. Agnès Varda nous le livre dans toute sa splendide générosité. Il croit aux amours qui s'additionnent, aux bonheurs qui se démultiplient. Il veut prendre tout ce que la vie semble lui donner. Thérèse, son épouse, n'est probablement pas du même avis.Tourné en 1965, ce film m'apparaît presque comme une métaphore préludant l'opposition idéologique et morale qui va s'exacerber dans la société française (et occidentale) de l'après-mai 68. La liberté totale de l'individu face aux carcans moraux et face à sa responsabilité par rapport à ceux qui l'entourent.C'est une lecture possible.On peut aussi voir dans "Le bonheur" tout simplement une critique de l'homme volage sûr de sa domination et de son charme.Peut-être... Agnès Varda nous livre quelques pistes, mais se garde bien d'affirmer un jugement. Ce qui demeure par-dessus tout, c'est l'immense tragédie résultant d'un malentendu affectif.Film cinq étoiles, sans aucun doute!

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