"Santa Theresa", "Villafranca", "Euréka"… le citron de Menton affiche la couleur

Publié le 31 mai 2013 par Fab @fabrice_gil
Le véritable citron de Menton, avec sa peau jaune vif parfumée et son jus carrément sucré, est devenu une denrée rare cultivée par une poignée de passionnés, convoitée par les grands chefs étoilés.
Depuis près de 80 ans, la ville de Menton rend hommage à son riche passé de port d'exportation mondiale de citrons, en célébrant chaque année la "fête du citron" (mi-février à début mars). L'occasion pour quelque 250.000 touristes de mitrailler sculptures et chars réalisés avec 140 tonnes d'agrumes espagnols...  "Le citron de Menton est un produit rare", précise en effet François Mazet, propriétaire "par passion" de la citronneraie du mas Flofaro, dont la récolte est vendue d'avance à des grands chefs, comme Robuchon, Troisgros, Guérard, Ducasse ou Bocuse. "J'ai essayé de conserver cette tradition, mais peu de gens s'y intéressent", confie un brin pessimiste l'agrumiculteur, qui bichonne ses arbres depuis 45 ans sans produit chimique. L'association pour la promotion du citron de Menton recense une quinzaine d'agrumiculteurs cultivant le citron en complément d'autres activités. Ils produisent une centaine de tonnes par an, avec moins de 1.500 citronniers.
On est loin de "l'âge d'or" -qui a duré environ un siècle, de 1740 à 1840. La région comptait alors 80.000 citronniers, dont les fruits récoltés par les "limoneuses" et emballés dans du papier de soie de Gênes partaient en bateau vers toute l'Europe et l'Amérique. "Le citron de Menton est plus gros, sa peau est plus épaisse et il a des qualités olfactives et gustatives particulières", décrit le monsieur, en grattant la peau d'un spécimen dont le parfum sensuel s'envole soudainement. "Il n'est pas aigre, sa teneur en sucre est quatre fois supérieur à celle d'autres types de citrons". Le citronnier, l'un des rares arbres à produire des fruits toute l'année, est particulièrement fructifère -80 kg annuels- dans ce coin de Méditerranée entre mer et montagne, doté d'un climat tempéré quasi exempt de gel en dessous de 400 m. Les citrons poussent sur des terrains en terrasses ou "restanques", protégés par des montagnes de 800 à 1.200 mètres, qui bloquent les vents du nord. Un important écart de température entre soir et jour provoque une forte humidité qui arrose copieusement le sol calcaire. Mauro Colagreco, un jeune chef argentin doublement étoilé dans son restaurant Mirazur, arrivé par hasard à Menton voici six ans, est un inconditionnel des particularités aromatiques du citron local : "J'essaie de mettre en valeur cet ingrédient typique du terroir", dit le chef qui possède une dizaine d'arbres dans son jardin.
Confitures ou liqueurs au citron, les épiceries fines de Menton regorgent de produits pour les plus gourmets d’entre nous. Mais c'est aussi l'explosion du tourisme sur la Riviera, et son impact sur le foncier, qui fait chuter le citron. Au 20ème siècle, le gel a aussi décimé à deux reprises un grand nombre d'arbres, attaqués plus récemment par la cochenille asiatique (insecte) ou encore le mal-sec (champignon Sicilien).
Les producteurs et transformateurs se battent depuis 2004 pour obtenir "une indication géographique protégée" qui sera réservée au citron de Menton et à d’autres variétés très proches, présentant les qualités génétiques définies par l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) de Corse, spécialiste mondial des agrumes. Une réponse devrait être prononcée au mois d’octobre prochain…Fabrice Gil
Association pour la Promotion du Citron de Menton38, rue Henry Gréville06500 Mentont/+33 4 93 57 01 08www.lecitrondementon.fr