Enfin le « Oui, nous le voulons » se transforme en « Oui, je le veux » !
Exercice intimiste que de livrer ses pensées matinales mais aujourd’hui est un jour particulier, de ces jours qui font l’histoire. Aujourd’hui est un grand jour : le premier mariage entre personnes de même sexe en France. Le premier mariage légal.
Alors, en me réveillant ce matin, mes premières pensées sont allées vers ce couple qui doit attendre avec un mélange d’anxiété et d’excitation ce jour, individuellement et collectivement historique. Un jour de bonheur pour Vincent et Bruno mais aussi pour cette France de progrès qui pense qu’un pays doit œuvrer vers et pour ses valeurs : Liberté, Egalité, Fraternité… des jolis mots malheureusement piétinés au pied de ces milliers de manifestants prétextant un débat démocratique pour mieux exprimer une homophobie à peine larvée.
Alors oui, enfin, me dis-je. Enfin notre pays met fin à cette discrimination étatique. Enfin la France reconnaît l’égalité de nos amours. Enfin notre pays va protéger ses milliers d’enfants élevés avec bonheur par ces familles homoparentales, familles que l’on préfère ignorer. Pourtant, on le sait tous, l’ignorance est une bien piètre conseillère ….
Alors que je me rase, mes pensées s’évadent. Non pas comme il est de bon ton de le dire vers une ambition personnelle… Non je pense sincèrement et simplement à tout le chemin parcouru. De la dépénalisation, au combat pour le PACS. Du mariage de Bègles à la loi sur la pénalisation des propos homophobes...
Des années que, comme tant d’autres, je me bats pour l’égalité entre les personnes de même sexe. Des années que je défends une vision mêlant égalité des droits, prévention, acceptation et éducation. Aujourd’hui, ce n’est pas une victoire pour les militants. C’est une victoire de la France, de notre pays, du pays des Droits de l’Homme.
Je sors de chez moi. J’ai envie de sourire. Uniquement de sourire. Parce que c’est juste beau que le « Oui, nous le voulons », revendication collective se transforme dans quelques heures en un beau et heureux « Oui, je le veux ! ».
Pourtant, j’ai du mal à sourire totalement. En fait, j’en suis empêché : je regarde l’avenir bien sûr avec espoir mais aussi avec une pointe d’inquiétude. Espoir car je me dis que, quand la cause est juste, nous pouvons renverser des montagnes.
Inquiétude car j’ai encore en mémoire ces milliers de manifestants hurlant leur haine de l’Autre.
Inquiétude quand je me revois devant Laurent Wauquiez qui, déstabilisé durant le direct de ce débat télévisé qui ne fait de fait que révéler sa vérité - hors langue de bois, hésitera puis affirmera clairement que l’homosexualité est contraire à ses valeurs.
Inquiétude car je ressens encore l’effroi qui était le mien quand j’ai découvert le visage de Wilfred, agressé sauvagement et tabassé simplement parce qu’il était coupable d’aimer. Wilfred a eu le courage avec son compagnon, Olivier, de témoigner, de donner un visage à la violence homophobe. Inquiétude quand aux nombres messages de haines homophobes, d’appel à la mort reçus sur les réseaux sociaux mais aussi dans la rue. Cette inquiétude m’appelle à la vigilance. Vigilance parce que les plaies causés par ces mois de débats homophobes me semblent encore béante… A nous de les refermer.
Nul doute que la joie et les sourires des premiers mariages entre personnes de même sexe seront un remède efficace !
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