1984 c’est maintenant ! (une suite…)

Publié le 30 mai 2013 par Cdsonline

Bath time, 1957 - Henk Hilterman

La neutralisation programmée par le gouvernement français en 2013 des mots "père" et "mère" dans le Code civil, qui devrait être suivie de l'éradication du mot "race" de la Constitution française (cf. ici) a un corollaire quasi-systématique: le recours aux slogans.

L'arrivée d'un slogan aussi faussement universel que le fameux "Mariage pour tous!" (cf. là) est directement imputable au rôle prépondérant joué par les Cultural Studies dans les formations [(dés)information(s)] de l'opinion occidentale, massivement abreuvée par les médias charriant l'idéologie (déniée) de la "fin des idéologies" qui sous-tend le néolibéralisme hégémonique des sociétés occidentales post-politiques…

Son fer de lance, la Gender Theory (théorie des genres), dominante dans les universités américaines — et in fine dans l'Université tout court  — s'origine sur ce que les anglo-saxons ont appelé French Theory (incluant les travaux de Foucault, Derrida, Deleuze, Levi-Strauss, Althusser, Baudrillard, etc. jusqu'à… Lacan ! ) pour accoucher d'une argumentation fine et détaillée sur la différence qu'il faut faire entre:

• la dimension faussement "destinale" du  SEXE en tant qu'anatomique, "biologique": homme / femme)
et
la construction sociale du GENRE en tant que discursive, culturelle: masculin / féminin

Cette réflexion, fallacieusement présentée comme d'origine "psychanalytique" et "marxiste" en trahit en vérité doublement les (prétendus) fondements théoriques par:

1/ la méconnaissance de la pensée freudo-lacanienne dans son essence, et donc dans son radical antagonisme aux présupposés philosophiques courants
et
2/ une approximation opportuniste de la pensée marxienne, qui ne prend pas en compte le dernier Marx, notamment dans sa redéfinition du prolétariat et son rôle d'agent historique…

Cette erreur de perspective est suffisamment fréquente pour être devenue la norme, les tenants du discours universitaire s'avérant incapables de saisir l'écart fondamental entre la philosophie et la psychanalyse sur la "différence sexuelle".

Ainsi, l'homme, l'être, l'individu, la personne, le da-sein, le sujet… ce sont des mots qui définissent un certain horizon de sens. Et de non-sens.

Dans la tradition philosophique pré-lacanienne, ce qui s'appelle sujet (cf L'herméneutique du sujet de Foucault) n'est pas en soi sexualisé, la sexualisation c'est quelque chose qui se passe au niveau empirique, contingent, il y aurait ainsi d'abord un sujet, et ensuite sa sexualisation…

Dans la théorie psychanalytique, c'est l'inverse, c'est la sexuation qui est la condition formelle a priori de la constitution d'un sujet, raison (entre autres) pour laquelle le sujet de l'inconscient, le sujet de la psychanalyse, est un sujet divisé, un sujet clivé, un sujet barré, inconsistant, qui se note $.

La différence sexuelle thématisée par Lacan, avec son inéluctable sexuation des "parlêtres" ne peut donc jamais coïncider avec la problématique déconstructionniste de la "constitution sociale du genre", un gouffre séparant les deux approches…

Lorsque Lacan dit que la différence sexuelle est "réelle" il ne DIT PAS que si vous n'occupez pas la place qui vous est attribuée par l'ordre hétérosexuel en tant qu'un "homme" ou en tant qu'une "femme", vous êtes exclu du domaine symbolique, il dit qu'IL N'Y A PAS DE NORME SEXUELLE.

La différence sexuelle est "réelle", cela veut dire qu'elle est IMPOSSIBLE.
Impossible à dire, impossible à formuler, impossible à exprimer en éléments de la chaîne signifiante, impossible à articuler. Définitivement.