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Lettre ouverte à François Hollande par David 93 sur son blog dans le club de Médiapart

Publié le 30 mai 2013 par Lino83

Lettre ouverte à François Hollande

16 mai 2013 Par david93

Ah, mon cher François, je crains que tu ne réalises pas la situation.

Bardé de diplômes et d’idées, grand commis de l’état Mitterrandien, tu commençais une carrière prometteuse. Consensuel mais debout sur des idées, tu étais un homme d’honneur, certes dévoré d’ambition, mais aussi humain. 

Presque 20 années de travail au sein du Parti Socialiste, ce parti structuré et endurci depuis si longtemps, te permirent d’arriver à son sommet. On peut dire que tu as appris à jouer des coudes et à utiliser ton intelligence dans ce formidable appareil : le jeu du pouvoir, tu connais. Parti que tu dirigeras pendant 10 années. Quel parcours !  Eviter les pièges, choisir avec discernement ses parrains et ses alliances, rassembler à force de consensus, faire évacuer en douceur les opposants, autant de clés qui te permirent cette ascension, puis de te maintenir en place.

Tu n’as plus rien à prouver aux jeux du pouvoir politique.

Mais je me demande si durant ces 30 années, à force de naviguer dans des appareils bien en place, l’état et le PS, des appareils qui ne sauraient être remis en question, comme de gros bateaux qui ne peuvent couler (Too Big To Fail), et que l’on pilote en douceur, par petits coups, en se donnant le temps de voir si l’effet est bien celui qui était escompté, je me demande donc si tu n’a pas un peu perdu de vue l’essentiel : les idées.

En arrivant à la tête de l’état avec un programme raisonnable, dans lequel on reconnaissait bien l’homme consensuel mais debout sur des idées, tu as finalement découvert un navire plus à la dérive qu’escompté. Las, je ne te ferai pas reproche de n’avoir pas utilisé toutes ces années pour faire un diagnostic plus précis. Il faut parfois être au cœur du dispositif pour bien comprendre les choses.

Dans les situations de crises, certains d’entre nous passent en état de « stase ». Comme un déni de la réalité, une vaine attente, sans doute nécessaire pour arriver à digérer les faits. Ou dans l’attente du lendemain, pour bien se convaincre de la réalité de la situation. D'autres suivent le plan, qui devient bouée de sauvetage … alors qu’un plan n’est jamais qu’un outil destiné à mesurer les écarts, et doit être en permanence réévalué. 

Je crains donc, mon cher François, que l’heure des choix arrive.

On le sait, un choix est avant tout un renoncement. Un choix est difficile. Cependant, n’entends tu pas le peuple commencer à gronder, dans cet état qui te confère tant de pouvoir ? N’entends tu pas ceux qui t’alertent sur ta communication défaillante ? N’entends tu pas que ce peuple ne te comprend pas, s'interroge et s’inquiète davantage chaque jour ? N’entends tu pas les voix qui s’élèvent, et te proposent de changer de cap ? 

En plus, je crains que tu sois pris dans une spirale infernale. 

Les sondages étant ce qu’ils sont, quelle est ta légitimité lorsque tu te retrouves en face des instances Européennes ? Comme il leur est facile de t’arrimer à leur cause ainsi ! Car bientôt, ce sont eux qui te donneront la légitimité dont tu auras besoin … Tu connais la suite de l’histoire : ta capacité à agir, à influer, va progressivement se dégrader, et finalement, l’histoire retiendra de toi que tu n’étais pas à la hauteur. En soi, ce ne serait pas si grave si, dans le même temps, tu ne laissais pas derrière toi un pays dégradé, qui attirera bien des convoitises.

Voilà pourquoi, mon cher François, je t’invite instamment à un sursaut salutaire. 

Tu as une immense responsabilité. Et, contrairement à ce que peuvent laisser croire les sondages, la majorité du peuple est prête à se rassembler derrière toi, car elle a bien compris que l’heure des changements était arrivée. Disons le, tu as de vraies cartes en main, à la condition d’arrêter la langue de bois, les demis mesures, les atermoiements. En d’autres termes, pour en revenir aux sources : la politique est au service des idées. 

En tout premier lieu, il te faut revenir sur le programme sur lequel tu as été élu. Revenir aux idées. Tu me connais : je n’aurais pas pris la plume sans proposition concrète. 

Aussi, je t’invite à piocher dans les réformes soutenues par le collectif Roosevelt 2012 : soutenues par des personnalités honorables et plus de 100.000 signataires, elles sont réalistes, elles respectent le droit constitutionnel et les traités, et elles ne viennent pas contredire le programme sur lequel tu as été élu. Tu connais parfaitement ces propositions, mais à toutes fins utiles, voici le lien : http://www.roosevelt2012.fr.

Elles ont aussi l’énorme avantage d’être pleines de bon sens : elles peuvent être populaires, dans le vrai sens du terme. Sous cet angle, elles sont un formidable outil marketing, pour reconstruire une communication à même de rassembler (ce terme que tu aimes tant) derrière toi une majorité. A commencer par tes ministres, qu’il te faut rendre solidaires autour de vraies réformes. Ah, et aussi, je t’invite à envisager de changer de conseiller en communication. Ton naufrage dans les sondages n’est pas une fatalité.

Mets la France en ordre de bataille derrière de vraies réformes. Elle n’attend que cela, et n’est pas seule. Donne l’exemple à l’Europe, en montrant que l’économie peut être au service du plus grand nombre, et non pas pilotée par des algorithmes financiers haute fréquence … Sois celui qui aura aidé l’Europe à se construire, et non l’un de ceux qui aura participé à sa dislocation.

L’Europe est une si belle idée que nous ne pouvons la gâcher.

Voilà, je crois que je t’ai dis ce que j’avais sur le cœur. J’espère que tu sauras discerner dans mes propos à quel point je souhaite ta réussite, mais aussi à quel point je suis inquiet, comme tant d’autres. 

David Lantier


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