Le mocassin

Publié le 30 mai 2013 par Fabricegil @thenewreporter
Il est né sans bruit au fond des forêts nord-américaines, il s'affiche plus que jamais dans les collections printemps-été. Itinéraire d'un compagnon du vestiaire masculin aux multiples facettes.

Modèle Larson Burgundy - G.H. Bass Shoes

Soyez souple et sexy, mettez tout le monde à l'aise et tâchez d'être chez vous partout: voilà la recette du succès. Preuve en est, le triomphe du mocassin, seul chaussant d'homme qui ait suscité quarante ans d'engouement, est devenu un status symbol de la décontraction bourgeoise, avant que les créateurs ne le revisitent dans tous les styles.Le mocassin est né sans bruit, au fond des forêts canadiennes. Dans leurs cités de tentes, les Algonquines cousaient, en fumant la pipe, des petits sacs en peau pour y loger les pieds de leurs maris. Une pièce de cuir rabattue sur les côtés, quelques coutures: ça tenait aux raquettes et ça n'esquintait pas le canoë. Quasi-chaussette en été, le makasen devenait chaussure fourrée l'hiver et se fixait à des jambières. Si les guerriers y accrochaient une queue de renard pour effacer leurs pas, ces chaussures étaient plutôt fabriquées pour être remarquées.  Ce modèle va-nu-pieds attend les années 1920 pour inspirer George Bass, chausseur du Maine aux US. Cuir résistant, bonne semelle et languette de maintien, le makasen se trouve un sobriquet civilisé loafer, c'est-à-dire "flâneur", ou encore slipper, soit "qui s'enfile". Les jeunes hommes se l'approprient en y coinçant une pièce d'un penny sous la languette : le penny loafer règne sur les campus, accompagne le style Ivy League-pantalon large, veste à épaules tombantes- dont Kennedy sera la parfaite illustration. Alors que le Vieux Monde le réservait encore à ses week-ends en pantalons de golf, "dans les années 1930, il marquait l'anglomane moderniste", rappelle au Guardian le chausseur Raymond Massaro. A la Libération, Weston élabore un modèle habillé qui concurrence les derbys et les richelieus. Pari de génie, qui va ouvrir la voie à quelques coups de force dans l'histoire du soulier.
Le premier sacre a lieu en Italie. En 1952, Gucci sort un "moc" à porter pieds nus, où la languette devient mors de cheval en laiton. La prestation d'Alain Delon dans Plein Soleil (1960) rappelle qu'il fit fureur sur les yachts de Capri. Tout Hollywood s'enflamme pour ces loafers chics avec lesquels Fred Astaire a chanté sous la pluie. Et au début des sixties, 1.800 clients se rendaient encore chaque jour dans la boutique romaine du chausseur.  Sacre n°2 : Paris, les années yé-yé. Les lycéens du 16èmeparisien en faction au Drugstore des Champs-Elysées prient Renoma de rajeunir leurs costards: épaules hautes, pantalons fins... La bande des "minets" fétichise le mocassin Weston, qui devient durant vingt ans le soulier des jeunes bourgeois.  Sacre n°3 : Italie, années 1990. Le mocassin à picots -un soulier pour automobilistes ramené des Etats-Unis et recréé en 1978 dans la cordonnerie familiale de Diego della Valle- est adopté par des prescripteurs d'élégance, comme Giovanni Agnelli. Baptisé Tod's, ce gant de pied sur coussin d'air devient l’emblème de la décontraction "discrète". Objet de mode, il varie formes et couleurs en osant tous les métissages...
Adopté par les as de la déchausse -Arabes et Japonais- le mocassin reste en France une icône bobo. L'heure est venue de l'épointer en exaspérant couleurs et matières… tant pis pour les puristes. Porté sexy -c'est-à-dire nu pied- allant partout, il pimente de son chic souple l’été prochain.Fabrice GilMocassin G.H. Bass, du 39 au 49 - à partir de $109 (€85)Achat online www.bassshoes.com