Né en Łódź, à 120 kilomètres de Warsaw, son père était membre du conseil de ville et militant activiste pour les droits des travailleurs juifs en Pologne.
Malgré les efforts paternels, la haine face aux juifs est montante et le petit Heniek se fait tirer des roches et humillier par les jeunes de son âge à l'école. Simplement parce qu'il est juif et pour l'époque c'est habituel. Heniek devient Henry afin de paraître moins juif aux yeux des autres. Quand les Allemands envahissent la pologne, un ghetto est créé dans la ville pour les juifs et Henry s'y cache avec son frère et sa mère. Maman est envoyé à Auschwitz et n'en reviendra jamais. Papa a disparu aussi. Henry est envoyé dans un camp de concentration à Dachau avec son frère. Libéré par les alliés fin avril 1945, il a 22 ans et ne pèse que 70 livres. L'année suivante, il émigre aux États-Unis. Il revient en Europe, en Belgique et y vit des années de vaches maigres qui ne l'empêche pas de marier son amoureuse, une prisonnière de guerre qui était à ses côtés à Dachau. En 1950, il prend le bateau pour le Canada.
Installés à Montréal, la femme d'Henry, Chava Rosenfarb, est poète tandis qu'Henry étudie la médecine à l'Université de Montréal. Ils auront une fille suivi d'un garçon.
En 1967, il présente à la chambre des communes un plaidoyer afin de rendre l'avortement légal.
Il est très tôt controversé mais du même coup, il donne des ailes à des milliers de femmes. Ne réalisant pas l'ampleur de la demande, il devient extraordinairement populaire en peu de temps auprès des femmes et des couples aux prises avec des grossesses non-desirées. Mais comme tout ça est illégal, il ne peut que référer ces gens à des médecins pratiquant l'avortement à New York.
Se sentant lâche de les rediriger à New York, ce qu'elle ne font pas toutes, et réalisant que d'autres médecins montréalais sautent sur l'occasion avec incompétence et font mourir des femmes dans le processus, il choisit de risquer la prison (et sa carrière) en s'occupant des avortements lui-même. Dans la bouillante année 1968, il commence sa pratique d'avortements dans sa clinique privée. Pendant 20 ans, il pratique dans l'illégalité. Sa clinique, ainsi que sa personne sont la cible de multiples gestes d'hostilité d'une frange conservatrice de la population.
Quand la contraception est légalisée au Canada en 1969, Morgentaler spécialise sa pratique dans la médecine familiale. Il devient l'un des premiers médecins au pays à pratiquer des vasectomies, à utiliser des dispositifs intra-utérin et à offrir des pillules de contraception pour les femmes nons mariées.
Dès le départ, les problèmes légaux s'accumulent. On joue au plus lâche au pays. Le gouvernement du Québec renvoie le problème au Fédéral et le reste du Canada renvoie la balle au Québec. Québec gagne le concours du plus lâche et envoie la police dans la tumultueuse année 1970. Jusqu'en 1973, Morgentaler performe toujours. Il a l'appui des groupes de femmes. Mais il est anglophone au Québec, province bientôt sous René Lévesque, et l'hostilité est omniprésente. Entre 1973 et 1975, il est accusé en cour trois fois mais chaque fois il est acquitté plaidant chaque fois la nécessité de sa pratique. Il est quand même emprisonné en 1975 quand la cour d'appel du Québec renverse la décision. Bien que la loi canadienne est changée au pays favorisant le verdict original de non cuplabilité, il sert quand même le tier de sa peine. Il purge 10 mois et souffre d'une crise cardiaque en tôle.
La justice pourchasse Morgentaler toute l'année 1976 avant de le laisser "tranquille" en décembre. Entretemps la pratique d'avortements par des porfessionnels reconnus comme tel, est légalisée au Québec. Morgentaler tente de rendre sa pratique légale au Canada au grand complet, sans succès.
Humaniste et inquiets de la situation de centaines de femmes au pays, il défie les lois ailleurs à partir de 1983, (le rappatriement de la charte en 1982 l'aidant dans sa cause), il ouvre des cliniques à Winnipeg et à Toronto. Cette année-là 72% de la population appuie Morgentaler et sa pratique.
Il éprouve encore des problèmes légaux, avec l'Ontario cette-fois, et s'en libère seulement 5 ans plus tard en 1988, après de multiples batailles juridiques, quand l'avortement est officiellement décriminalisé au pays.
En 1989, la Nouvelle-Écosse bannit quand même l'avortement. Morgentaler y court pour pratiquer. Le Nouveau-Brunswick bientôt les suit. Il se bat en justice jusqu'en 1993 sur le sujet. En 1995, les 2 provinces maritimes changent d'idée et permettent aux cliniques pratiquant les avortements d'opérer. En Alberta, la province est punie pour avoir refusé de financer les cliniques pratiquant les avortements.
Les dernières batailles juridiques porteront sur le financement public de clinique pratiquant les avortements.
Me, Mom & Morgentaler, de Montréal, s'inspirent de l'homme et de son univers pour le nom de son band.
En 2009, Morgentaler, agé de 86 ans, travaille sur l'ouverture de deux cliniques dans le Nord canadien.
Il meurt hier, à l'âge de 90 ans.
Il a permis aux femmes canadiennes d'être libres de prendre la décision de mettre fin à une grossesse, protégée de la lutte des classes, de profondes séquelles psychologiques reliées aux capacités économiques et échappant au jugement de la société.
Sauveur de vies pour les uns, le contraire pour d'autres, c'est tout de même un grand homme capable de faire face à toute les adversités et qui a aidé les femmes à être égales aux hommes au pays en leur permettant de prendre le contrôle de leur propre corps.
Un homme qui, à sa façon, a changé le pays.