L’amour près du sommeil c’est l’ombre auprès de l’ombre
sacrifice des nuits les étoiles longtemps
ont neigé sur ton corps endormi parmi les roches brûlantes
Du ciel écroulé sur ton sourire secret
ton sommeil sous tes bras en mousses scintillantes
ton sommeil dans ta maison où tourne un astre familier
qui distille du songe au bord de l’oreiller
ton sommeil qui la tête sous l’aile
défend aux grands chevaux blancs de hennir
car il est une plante magique qu’il importe de ne pas réveiller
Arbre noirs de la nuit j’entends chanter vos oiseaux aveuglés
et TOI femme songe de pourriture et de cheveux dénoués
tu dors sur mon bras nu comme dorment au printemps
les nuages et à l’automne les raisins sous les feuilles
et l’hiver les anges fatigués et l’été
les grands incendies de montagne dont les journaux sont illuminés
Et tu t’en vas revoir tes rivières originelles
les meubles étonnants qui t’ont vue petite fille
et moi je reste là dans les draps
trompé par la forme de cadavre et par la lueur douce de tes bras
Les fantômes des morts de ta Maison
promènent sur ton front
leurs longs sourires – tristes mains d’ombre-
Je devine celui auquel le tien répond
C’est celui du beau capitaine tué par la foudre
le 23 juillet 1789
Alors pour écarter tous ces visages anéantis
qui viennent dérober ta figure à la mienne
Je m’endors, moi aussi, entouré des fumées
d’amour qui s’élèvent de tes yeux fermés
***
André de Richaud (1907-1968) – Le Droit d’asile (1937)