(De notre correspondante à Mandelieu-La Napoule)
L'époque est fertile. Le Festival de l'Image et des Sons s'est donc achevé sur une consécration, celle de M. Abdoulhamid El-Chiche et de son beau portrait de femmes, « Lèvres tant baisées », qui remporte le Brasier d'or 2013. Le jury n'aura pas résisté longtemps au chaud talent de ce réalisateur franco-maltais, à qui l'on devait déjà «Couscous à l'Oignon» et «Par hasard mon Amour». Chair et âme de ce succès, l'infatigable performance des deux jeunes comédiennes, Adèle Gougnotte et Minou Leychedoux, l'une et l'autre incandescentes de sensualité, porte le film pendant 5 heures 40 sans qu'on songe un instant à rajuster sa jupe, ou à éventer son intimité. Cette scène d'amour de 17 minutes et 28 secondes, particulièrement, aura laissé la salle pantelante et au bord du ravissement. Il fallait bien tout le savoir-faire d'Abdoulhamid pour obtenir de ses actrices un tel abandon à la jouissance exhibée — et, de leur part à elles, une bien belle et innocente générosité. Du grand art.
Un fait n'aura échappé à personne : cette ode aux alanguissements de l'entre-soi féminin, épurée de tout — et d'abord de l'hypocrite pudeur qui nous a tant aliénées, nous les femmes —, nous est livrée brûlante, grand écart sur grand écran, en même temps qu'est promulgué en France le mariage homogonadique. Comment ne pas voir dans cette conjonction l'espoir que prochainement la civilisation émerge de son âge archaïque ? L'air des Temps Nouveaux paraît souffler enfin, débarrassé des vieilles pruderies. Libéré des carcans et culottes, que l'art épidermique d'Abdoulhamid El-Chiche, au doigté si fouillé, incarne joliment. Quel autre aurait su magnifier à tel point ces rencontres de lèvres et de langues, qu'on cantonnait sans imagination aux vidéos du X ?
Comment ne pas la croire venue cette émancipation, quand la programmation du Festival 2013 nous offrait par ailleurs, dans une symétrie des jouissances monochromes, cet autre bouquet de feu, de sueurs et de vaseline : « Around your Candelabra », de Steeve Südorberg, sur la rencontre improbable d'un accordéoniste gay de Los Angeles et d'un cadet de West Point ? Et pour que les adeptes du sexe antagoniste, s'il devait en rester, y trouvent aussi leur content, on aura pu admirer la veille de la clôture Nicky Schtruskin, l'ancien manager du Sofitel de New-York, gravissant tout sourire les marches rouge-suçon du palais des festivals, accompagné de Cindy Troulala sa nouvelle girl friend...
Décidément, une bien belle époque. Que restera-t-il aux fâcheux, sinon se taire ?
Delphine Salès-Fobos, © « L'Art fait prout »