Sans cesse tiraillé entre les cimes d’un univers magnifique et les profondeurs d’une romance stéréotypée, Upside Down arrive tour à tour à nous envoûter et à nous décevoir. Le spectateur, plein d’espoir, est rapidement frustré. Pourtant, le monde créé par Juan Solanas est une véritable pépite de poésie et d’imagination.
Synopsis : Le monde d’Adam se trouve juste en dessous de celui d’Eden, si près qu’il peut le voir en regardant le ciel. Mais cette proximité est trompeuse : tout échange est strictement interdit.
Juan Solanas se construit un espace de jeu paradisiaque pour cinéaste rêveur. Upside Down est l’un des très rares films à créer de toute pièce un monde au fonctionnement unique et original. Visiblement à l’aise avec sa fabuleuse idée, le réalisateur mexicain réussit parfaitement sa mise en image. La caméra est aérienne, elle passe d’un espace à l’autre avec une légèreté renversante, on s’émerveille des logiques spatiales contradictoires sans jamais avoir mal au cœur.
Les idées de mise en scène sont nombreuses, l’étage 0 de TransWorld est un lieu magique qui marque pour longtemps notre mémoire de spectateur, tout comme ces montagnes qui se touchent presque, ou encore cette salle de bal où chaque monde danse sur le plafond de l’autre.
Pourtant, la magie n’est pas totale, la faute à une histoire d’amour mièvre qui n’est presque jamais crédible. Non pas que les péripéties soient forcément mal scénarisées (même si la loi fondamentale sur la matière inverse est sans cesse transgressée, laissant des incohérences un peu partout dans le récit), mais Juan Solanas échoue complètement à dessiner ses personnages et les relations qu’ils entretiennent.
Chaque tête à tête entre Adam et Eden, entre Adam et ses amis est un cliché, un passage narratif obligé sans épaisseur et sans authenticité. La pauvreté des dialogues renforce encore cette impression de vide psychologique : les personnages agissent mais ne pensent pas, leur comportement semble toujours déterminé à l’avance, ils n’ont aucune vie propre et se contentent d’être utiles à la progression de l’histoire. Adam dit "je suis amoureux", l’homme qui l’a élevé dit "je suis inquiet" et les patrons de TransWorld disent "respectez les règles sinon vous êtes mort". C’est aussi plat et artificiel que cela.
Conséquence directe : la poésie visuelle du film est sans cesse contrebalancée par un pathos d’une rare grossièreté. Les personnages sont des archétypes qui nous empêchent de croire en eux, en leur amour, en leur quête. Ce qui est d’autant plus gênant que le film fait le choix de tout miser sur la romance, parfois au dépend d’enjeux majeurs (politiques, sociaux, éthiques) à peine esquissés et qui auraient pourtant pu nous passionner.
Avec le potentiel et l’apparence d’un véritable chef d’œuvre, le film de Juan Solanas est un terrible échec narratif. On est tour à tour scotchés par la beauté créative des images, rendus indifférents par la banalité des répliques, captivés par ce monde extraordinaire, déçus par les poncifs mélodramatiques qui s’accumulent. Sans cesse ballotés de bas en haut, puis de haut en bas. Upside down.
Note : 6/10
Upside Down
Un film de Juan Solanas avec Jim Sturgess, Kirsten Dunst et Timothy Spall
Science-fiction – Canada, France – 1h45 – Sorti le 1er mai 2013