Live Report Les Nuits Botanique

Publié le 29 mai 2013 par Bathart

Le festival bruxellois le plus attendu de l’année faisait son retour, le beau temps avec lui, pour sa vingtième édition. Autant dire que cette année, les programmateurs ont mis les petits plats dans les grands.  Avec une programmation aussi éclectique, ils peuvent aussi bien faire mouiller la pucelle de 15 ans (BB Brunes, Ed Banger, Lou Doillon, Fauve…) que le mélomane exigeant et hipster jusqu’au sommet du bonnet. Petit aperçu de ce que j’ai pu me concocter comme programme, le nombre de concerts intéressants étant exorbitant..

Lundi 6 mai

C’est par une fin d’après-midi chaude sur Bruxelles, que démarreront mes Nuits Botaniques. Par chaude, entendez presque 20 degrés.
En effet, le programme de ce soir est alléchant. Le problème de pouvoir voir ou pas les Concrete Knives est réglé puisque j’avais cours, donc loupé. Paraît que c’était bien.
Accompagné par votre rédacteur cinéma, on verra de loin Superlux, pintes à la main. Dans l’ensemble ça a l’air de se tenir, même si la foule suivra timidement.
De toute manière, on le voit bien tout le monde attend impatiemment les new-yorkais de !!! (prononcer Tchik Tchik Tchik).
Définir leur musique n’est pas chose aisée. Il y a de bonnes bases de funk (au niveau des cordes), et pour le reste, on pourrait se rapprocher du punk. Le tout dans une idée novatrice. Oui ça l’est à ce niveau. !!! sur album, c’est un premier album qui défriche un peu (il a 12 ans déjà), un deuxième et troisième album indispensables, et un quatrième et cinquième album largement dispensable eux.

Mais c’est en live que leur musique prend toute sa saveur. Le chanteur, Nic Offer, est une vedette.
T-shirt et short sont de mise lorsqu’il arrive sur scène. Le bonhomme commence sa danse. Et si Simon s’est foutu de moi dans son live report du Printemps de Bourges pour mes danses parfois inattendues, il aurait dû voir Nic Offer lorsqu’il est passé dans sa ville.
C’est simple, il n’arrête jamais. Il danse, viendra à notre rencontre dans la fosse, trois fois de suite. Un véritable entertainer, qui donne forcément envie à tout le monde se trémousser. L’instinct primal que l’on cherche  pendant les concerts est là. Suer, pour la bonne cause. Celle d’un groupe qui a malheureusement perdu son batteur en 2009, suite à un bête accident d’ascenseur. Un groupe qui a également perdu de son aura sur album.
Mais pas de sa superbe en live. Les Nuits commencent bien en tout cas.

Mardi 7 mai

C’est avec la gagnante du concours que je me rends au concert à la salle de l’Orangerie.
La soirée démarre par Kishi Bashi, violoniste américain un peu foufou, mais au projet ambitieux.
Le violon étant sa base, il s’accompagne de backing tracks, ou bien se transforme lui-même, subitement en human beat-box.
Pour faire court, ça ressemble à du Nosfell, pour ceux qui connaissent. C’est très explosif, mais ce n’est pas la partie la plus intéressante du concert. En effet, on pourra distinguer deux parties dans ce set. La deuxième étant plus mélodique et lyrique, le chanteur a beaucoup de coffre mais si le tout sonne parfois (et malheureusement) faux. Mais globalement, le tout est très prenant, et il est loin d’être ridicule. Sceptique au début, j’ai finalement été emporté.
Kishi Bashi a l’air d’être quelqu’un de curieux, puisqu’en plus d’explorer diverses pistes musicales, il n’hésitera pas à faire un tour dans la salle pour les groupes suivants.

Justement, celui qui suit, c’est Cave Painting. Leur musique pourrait s’apparenter au shoegaze, avec des accents de dreampop. Sur papier, c’est cool, mais en live, comme souvent, c’est chiant. Ça ne décollera pas du set, Kishi Bashi étant passé avant, on est donc forcément déçus.

Enfin, la soirée se termine par les stars. Et pas n’importe lesquelles, Darkstar !
Des anglais, dans la plus pure tradition de la perfide Albion. Signés dans l’écurie Warp, les londoniens proposeront, à gros renforts de basses (ça tapait à 115dB parfois), une pop orienté psychédélique, proche de ce qu’a su faire Animal collective sur leurs derniers albums.
Et ça s’apparente également en live à ces derniers puisque Darkstar joue des tracks que l’on a du mal à reconnaître. Si sur album, on trouve ça magique, on regrettera le côté un peu trop fouillis en live (sûrement dû aux basses, omniprésentes).
Le trio anglais quittera la scène sur un instrumental, non sans avoir laissé tourné une bouteille de Jack Daniel’s avant de partir. Sympathique quand même…

Jeudi 9 mai

Une belle soirée s’annonce puisque Superpoze, Yan Wagner et Lescop jouent à l’Orangerie.
Bizarrement, la soirée démarre par le caennais Superpoze, qui démarre un set très électronique. Le maître de la MPC fait à peu près ce qu’il veut. Quand on voit qu’à son âge (la vingtaine), il fait la même chose qu’AraabMUZIK, on se dit que son futur n’en sera que sublimé.
En effet, Superpoze arrive à faire bouger, même les quadras venus pour Lescop, c’est dire. Il maîtrise parfaitement sa MPC, et reste assez simple sur scène.
Pas de chichis pour une musique qui envoie du pâté.

C’est ensuite au tour de Yan Wagner, encore un français, tiens ! Et lui n’écorchera pas le nom de la capitale en disant « Brussel » et non « Bruckselles » tout comme Lescop un peu plus tard, et contrairement à deux de mes compatriotes co-signataires d’une excellente interview croisée Lescop/Wagner il y a peu.
Pour en revenir au fils caché de Richard Wagner, on a eu le droit à une mise en scène simple mais une musique électronique très marquée par les claviers. Elle est en plus de ça relativement envoûtante, entendez par là qu’elle a la capacité de nous emmener haut, aidée par la voix lugubre de Wagner. Une surprise agréable de la part de l’auteur d’un très bon premier album. Forty Eight Hours fera bouger le public sans trop de soucis.

Lescop clôturera la soirée, non sans succès, puisque tout le monde était venu pour lui. Même si la salle n’est pleine, Matthieu Peudupin (son vrai nom) est quand même aidé d’un vrai backing band. La première fois que je l’avais vu, en novembre dernier à la Rotonde, on avait le droit à un ensemble basse/guitare (excellent guitariste d’ailleurs), et une boîte à rythmes. Désormais, cette dernière a été préférée à une batterie, beaucoup plus intéressant pour le coup, au niveau musical déjà.
Lescop jouera tout son album, dédiera Le Vent au récemment disparu Daniel Darc. Une belle soirée sous le signe du coq français.

Vendredi 10 mai

On ne va pas se mentir, je suis venu ce soir que pour La Femme, n’ayant cure du reste, ou presque.
Pale Grey démarre les hostilités, et proposeront une musique fidèle à leur patronyme, soit un rock plutôt pâle et terne. Rien de bien excitant.

C’est au tour de La Femme, groupe français qui nous donne du plaisir depuis 2010, avec un album fraîchement sorti (en avril dernier).
Si l’album ne comportait que cinq inédits, c’est en live que tout se joue pour La Femme. Et les gens sont survoltés. Je m’insère progressivement dans le pogo, bien énervé comme il le faut. A côté de moi, il y a Michel, avec qui je partage volontiers mon J&B. Michel m’avoue être venu là uniquement sur lecture d’un article glorifiant La Femme en live. Il n’a rien écouté d’eux. Pari risqué en effet, mais qui s’avèrera payant. Michel tombera la veste assez rapidement pour prendre part au joyeux bordel.
La Femme a largement eu le temps de se rôder en live et dégaine leur répertoire sans trop de problèmes. Ils entament leur set sur Amour dans le motu, Packshot, Nous étions deux. Puis Sur La Planche, Françoise et le parfait enchaînement avec Paris 2012, It’s Time To Wake Up, Si Un Jour brûleront les calories du public. Enfin, ils nous achèvent sur Antitaxi et Télégraphe, avec de bons gros pogos à la clé.
On ressort de là comme à la fin de leur concert au Sambre à Rennes en décembre 2011, trempés.
La Femme est une machine désormais, et risque de remplir beaucoup de salles sans problèmes à l’avenir.

Ils n’ont joué que 45 minutes, mais c’est bel et bien Chvrches qui aurait dû prendre leur place et leur laisser l’heure de set. Le groupe anglais propose une pop plutôt calme, contrastant avec la musique orgasmique du groupe précédent. Je me casserais même au bout d’une heure, trop lassé par les miaulements de la chanteuse. Problème de programmation, sans aucun doute, Chvrches aurait dû passer avant, mais c’est ainsi.

Dimanche 12 mai

Changement de programme, pour des raisons de travail de fin d’études. C’est à Charleroi que je me rends, plus précisément au Palais des Beaux-Arts pour un concert tant attendu d’un chanteur italo-belge bien connu, Frank Michael.
Débourser 50 euros pour lui, comment dire, ça pique un peu quoi. Bien sûr, notre Frank déroulera son dernier album Quelques Mots d’Amour, mais n’oubliera pas le tube Toutes les femmes sont belles (ce qui n’est pas vrai), insistant sur le fait qu’ « il a été traduit en 30 langues différentes », sous les oh d’étonnement du public. On est un peu mal à l’aise quand il propose de reprendre Mike Brandt en invitant le public à faire « lalala » au lieu des vraies paroles. Mais le plus beau, ce sont toutes les fleurs et bouquets que ramène le public, essentiellement féminin vous l’aurez compris, sur la scène.

En plus de ça, beaucoup d’entre elles sont devant avec des mouchoirs, ou serviettes, on ne distingue pas bien. Frank Michael prend le soin de s’essuyer le visage avec et de leur rendre. C’est beau.
Au bout d’1h45, Frank quitte la scène, les lumières se rallument. Les gens eux commencent  à partir.
A l’arrêt de bus, je parle avec une mamie, qui s’étonnait de me voir là, étant assez jeune (oui même à 25 ans). Je la tchatche un peu, elle est plutôt sympa, et me confiera même pleurer à l’écoute des chansons de Frank, lui rappelant son mari récemment disparu..
Bon au final, ça reste cher pour ce que c’est même si le biquet fait 1h45 avec un orchestre très professionnel. Rien ne dépasse, malheureusement, et on aurait bien voulu voir Frank se mettre à poil, prendre une bière, ou un rail. Même pas..

Lundi 13 mai

Soirée sous le signe du rock sans aucun doute. C’est après avoir interviewé Johnny Hostile, co-fondateur du label Pop Noire (Lescop entres autres, y est hébergé), que je me rends à l’Orangerie.
Clairement, Johnny Hostile, chargé de faire les premières parties de Savages, nous propose un show orienté Suicide. Il ne s’en cache pas, et tente de faire honneur à la bande d’Alan Vega et Martin Rev. La bande qui avait également enregistré dans la capitale belge, 23 minutes over Brussels. Tout un symbole. C’est donc avec des cris, backing tracks que Johnny Hostile nous fait rentrer dans son univers. Ça n’est pas facile d’accès, en effet, mais le groupe Suicide a influencé énormément de groupes, du Velvet Underground à MGMT.

Après ces 30 minutes intenses, place à Savages, quatuor rock féminin. Et si le rock n’est plus masculin, c’est qu’il y a une raison. Ces quatre filles ont tout simplement des couilles. On ne peut pas ne pas avoir à l’esprit Siouxsie & The Banshees, tant la voix de la chanteuse rappelle celle de Siouxsie Sioux. Le post punk de Savages fait mouche, c’est diablement efficace, même si les gens ne sont pas forcément enclins au pogo en ce début de semaine. Savages a pondu un album plutôt efficace et qui va droit au but. Les quatre anglaises se sont réapproprié l’essence même du rock, soit la sueur, le gros son, la batterie qui martyrise les tympans et les guitares qui vont avec. Ça faisait tellement longtemps que ça fait du bien.

Au final, ces Nuits Botanique s’avèrent une bonne façon de découvrir beaucoup de groupes internationaux sur une scène européenne. Ce que l’on regrettera, c’est bien sûr l’absence d’un pass permettant de faire la plupart des concerts, car l’ensemble peut revenir cher à la fin de la semaine.

  Sylvain Piaut