Voici une attaque très claire contre la dérive droitière observée ces
dernières années à l’UMP. En ligne d’horizon, l’élection présidentielle de 2017 et le projet du futur candidat de l’UMP.
Après l’accord sur l’organisation d’une primaire présidentielle
ouverte prévue pour 2016 et l’acceptation "molle" de laisser Jean-François Copé présider l’UMP jusqu’en septembre 2015, les fillonistes ne désarment pas et continuent la pression sur les copéistes.
Après le manque de leadership soulevé par Laurent Wauquiez le 26 mai 2013, voici qu’un autre baron du fillonisme embraie de manière très explicite sur les valeurs.
À bientôt 48 ans, le député-maire de Troyes, successeur attitré de Roger Galley, disparu le 8 juin 2012, l’un des recordmans de longévité ministérielle (entre le 30 mai 1968 et le
13 mai 1981), François Baroin a tout pour être heureux.
Au look perpétuel de Harry Potter, compagnon de la comédienne Michèle Laroque, François Baroin était avant
tout le protégé du Jacques Chirac qui l’a nommé ministre lorsqu’il avait à peine 30 ans. Après avoir été
sorti du gouvernement quelques mois plus tard avec les "Juppettes", François Baroin a poursuivi une carrière politique classique qui l’a ramené au gouvernement de Dominique de Villepin du 2 juin 2005 au 15 mai 2007 puis, bien que chiraquien, il fut rappelé après la défaite des régionales, le 22 mars 2010 par Nicolas Sarkozy à Bercy, d’abord au Budget puis à l’Économie et aux Finances.
Après un passage éclair
à l’Intérieur (26 mars au 15 mai 2007), François Baroin avait réussi à entrer dans la cour des grands le
29 juin 2011 en succédant à Christine Lagarde nommée directrice générale du FMI après la démission
tonitruante de Dominique Strauss-Kahn. Place Beauvau et Bercy sont deux places fortes ministérielles
essentielles pour les personnalités ambitieuses (qu’avait obtenues notamment Nicolas Sarkozy entre 2002 et 2007).
Partisan d’une droite modérée et d’un cordon sanitaire à l’égard du Front national, François Baroin s’était éclipsé du jeu des ego après le printemps 2012 : principal membre de
la "bande à Copé", François Baroin (comme Valérie Pécresse) avait préféré rejoindre l’ancien Premier Ministre François Fillon dans la perspective
de l’élection présidentielle de 2017.
Refusant toute responsabilité dans une UMP entachée d’irrégularités, il a surtout voulu occuper le terrain
des idées et des valeurs. Or, s’il s’est éloigné de Jean-François Copé (ce qui a été sans doute pour ce dernier le plus amer dans cette bataille interne), c’est pour une raison simple qui peut
être associée aux petites phrases qui laissaient clairement entendre que Jean-François Copé voulait faire du "Sarkozy puissance dix" dans la récupération de l’électorat du FN.
Il a sonné la charge cette semaine dans une interview à l’hebdomadaire "L’Express" du 30 mai 2013 en étant
parfaitement clair sur les valeurs. Il regrette la ligne Buisson depuis 2007 et souhaite avant tout revenir à l’inspiration des fondateurs de l’UMP, à savoir Jacques Chirac, Alain Juppé et Jean-Pierre
Raffarin : « Le FN, c’est l’extrême droite, l’ennemi irréductible des gaullistes, donc de l’UMP. Il faut rétablir le barrage établi par
Jacques Chirac, qui a eu pour effet de faire éclater le FN en deux [avec le MNR de Bruno Mégret en décembre 1998]. » (il faut noter le mot très fort d’ennemi alors que dans le débat
politique, on parlerait plutôt d’adversaire).
Ce qui inquiète François Baroin, c’est surtout la trop grande puissance médiatique de la "Droite forte" (qui a remplacé dans les médias la "Droite populaire"), avec « beaucoup de gens à l’UMP, rémunérés,
battus ou non représentatifs, qui parlent sans légitimité » pour fustiger notamment Guillaume Peltier et Geoffroy Didier, mais aussi Patrick Buisson, l’ancien conseiller présidentiel de
Nicolas Sarkozy, « qui n’a aucune légitimité pour parler au nom d’un peuple qu’il n’a jamais rencontré » et pour insister sur le fait que
« son influence est nocive, nous devons le combattre ! ».
Mais implicitement, il s’en prend avant tout à la ligne des pains au chocolat de Jean-François Copé, et à cette doctrine du ni-ni instaurée depuis le 20 mars 2011 qui voudrait que dans un duel électoral de second tour entre un candidat du FN et un
candidat socialiste, l’UMP ne choisisse personne : « Nous devons revoir cette affaire du ni-ni » même s’il admet quelques
exceptions : « il sera impossible de demander à nos militants de voter pour un candidat d’extrême gauche ou un candidat qui a des casseroles,
l’abstention sera donc le refuge naturel ».
Pour François Baroin, ce sujet dresse un réel clivage au
sein de l’UMP : « Il y a aujourd’hui, à la droite de l’UMP, une trop grande porosité avec les positions traditionnelles de l’extrême
droite. ». Et d’observer « une vraie ligne de fracture (…) entre ceux qui veulent déplacer le centre de gravité vers la droite et ceux qui,
comme Alain Juppé, François Fillon, moi-même et bien d’autres, naturellement, souhaitent conserver l’esprit du pacte des fondateurs ».
Évidemment, dans ses propos, l’ancien Ministre de l’Économie et des Finances n’a pas voulu s’en prendre
directement à Nicolas Sarkozy lui-même, pourtant à l’origine de cette droitisation de l’UMP depuis 2004, et plus particulièrement une fois élu à
l’Élysée, tant dans une rhétorique de stigmatisation que dans son discours de Grenoble.
François Baroin ne l’épargne cependant pas puisqu’il le presse de dire clairement, dès 2015, s’il veut ou pas
revenir dans le jeu politique et se présenter à l’élection présidentielle de 2017. François Baroin, lui, semble avoir déjà choisi François Fillon dont il se verrait bien, au même titre que
Valérie Pécresse, le Premier Ministre...
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (29 mai
2013)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Le petit-fils spirituel de Jacques Chirac (mars
2007).
Retour au
gouvernement (mars 2010).
Colère à Bercy (juin 2011).
Roger Galley.
Jacques Chirac.
Nicolas
Sarkozy.
François Fillon.
Jean-François Copé.
L’UMP.
Peut-on récupérer l’électorat du FN ?