Selon l’Organisation pour la coopération et le développement économiques, la croissance restera négative en 2013 et le chômage continuera à augmenter en 2014. Elle ne prévoit pas d’embellie sur le front de l’emploi en France dans les deux années à venir. Face à cette situation, Paris et Berlin envisagent un «New Deal pour les jeunes ».
On s’en doutait, c’est désormais confirmé : l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estime que le chômage continuera à augmenter jusqu’à la fin de l’an prochain en France. Résultat, elle encourage la France à mettre en œuvre « un vaste train de réformes structurelles » et à « réduire les dépenses publiques inefficaces ». Concrètement, l’organisation internationale précise que « l’activité stagne plus ou moins depuis deux ans et ne se redressera probablement qu’avec lenteur en 2014 ». Une mise en garde qui devrait précéder celle de Bruxelles, cet après-midi. L’organisation qui représente les pays occidentalisés estime que le PIB de l’Hexagone reculera « légèrement » (-0,3%) quand Bercy estime qu’il progressera de 0,1%. Selon l’OCDE, le déficit public français devrait atteindre 4,0 % du PIB cette année, contre 3,4 % attendus en novembre, avant de revenir à 3,5 % en 2014. En novembre, l’OCDE jugeait encore possible de passer sous la barre des 3 % l’an prochain. Au-delà de ces prévisions à court terme, l’OCDE estime surtout, et c’est plus inquiétant, que la reprise se fera tout doucement, la croissance n’atteignant que 0,8% l’an prochain, alors que Paris compte sur une progression de 1,2%. Du coup, malgré les emplois aidés et une plus grande flexibilité rendue possible par l’accord sur le marché du travail, « le taux de chômage continuerait donc à augmenter jusqu’à la fin de 2014 », estime l’OCDE. Nouveau revers pour François Hollande : la courbe du chômage ne pourra donc pas s’inverser d’ici la fin de l’année et devrait même atteindre plus de 11% en 2014, contre déjà 10,7% cette année. Au terme d’une hausse ininterrompue de 23 mois, 3,2 millions de chômeurs étaient inscrits en France en mars, un record absolu. L’OCDE met en garde contre les attentes trop fortes et les prévisions trop optimistes. « Les risques de dégradation par rapport aux prévisions sont importants, surtout si les réformes structurelles sont mal expliquées ou mises en oeuvre partiellement, et insuffisantes pour rétablir la confiance ».
Accélérer les réformes
Mais alors quelles solutions propose l’OCDE pour inverser cette tendance tenace ? Elles sont relativement proches de celles proposées par la Cour des Comptes : nombreuses réformes structurelles pour stimuler la capacité de production, redressement des finances publiques, réduction des dépenses publiques, intensification de la concurrence sur les marchés de produits, modifications de la structure de la fiscalité, réformes du marché du travail et du système éducatif. Sans oublier le système des retraites et les prestations de chômage qui doivent être « davantage axées sur les incitations à la reprise d’emploi ». Parmi les propositions, l’OCDE préconise « d’améliorer encore la structure de la fiscalité en abaissant les cotisations sociales, en éliminant les niches fiscales et sociales inefficaces, et en relevant les impôts sur la propriété, les droits de succession et les taxes environnementales ». Il n’est pas certain que les Français acceptent de payer encore davantage de taxes, alors qu’ils voient leur pouvoir d’achat fondre comme neige au soleil. Sans compter qu’il faudrait également réaliser des économies « considérables » dans le domaine de la santé « sans compromettre la qualité des soins », selon l’OCDE. Difficile à imaginer pour certains, notamment les jeunes, qui doivent rogner sur d’autres dépenses pour se faire soigner, ou qui négligent tout simplement leur santé, faute de moyens.
Quelle réaction de François Hollande ?
Face à toutes ces pressions, le Président de la République a décidé de tenir ferme sur ses appuis. « Je m’y tiens ! », a-t-il martelé le 16 mai lors de sa conférence de presse, en évoquant son engagement d’inverser la courbe du chômage d’ici à la fin de l’année. Pourtant, malgré le pic de 1997 a été dépassé, avec 3 224 000 demandeurs d’emploi fin mars et qu’une nouvelle hausse en avril devrait être annoncée jeudi 30 mai, –, François Hollande n’est pas resté les bras croisés. Mais ses actions ont-elles été suffisantes ?
Les emplois d’avenir ? Destinés aux jeunes de moins de 25 ans ayant un diplôme inférieur au bac, ces contrats de trois ans passés avec des associations et des collectivités locales devraient apporter 100 000 emplois en 2013. Or, à la fin avril, selon les chiffres obtenus par Le Monde, seuls 17 347 (hors éducation nationale) ont été signés.
Les contrats de génération ? Cette mesure emblématique du programme de M. Hollande, permettant de marier l’embauche d’un jeune et le maintien d’un senior dans l’emploi, a visiblement du mal à décoller.
La loi sur la sécurisation de l’emploi, résultat de l’accord entre les partenaires sociaux ? Elle fait l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel. Si, à moyen terme, elle devrait limiter les plans sociaux et sécuriser les licenciements, ces derniers n’ont qu’un faible impact dans la hausse du chômage, due principalement aux fins de CDD, à la chute de l’intérim et au sous-emploi des jeunes de moins de 25 ans (plus d’un sur quatre est inscrit à Pôle emploi).
Michel Sapin et son homologue allemand, Ursula von der Leyen.
Le rôle de l’Europe
Comment peut-on imaginer cette courbe du chômage, sinon d’ici la fin de l’année, au moins le plus tôt possible ? Force est de constater qu’il faut de nouveaux ustensiles dans la boîte à outils du Président. Parmi les pistes à explorer, la réorientation des emplois d’avenir, déjà timidement élargis au tourisme et aux services à la personne, vers le secteur privé. Le « new deal » franco-allemand pour l’emploi de jeunes, lancé mardi 28 mai et destiné à être étendu au plan européen lors du conseil des 27 et 28 juin, est une bonne nouvelle. Mais aujourd’hui, alors que 6 millions de jeunes sont au chômage en Europe, leur trouver un emploi est une priorité. A l’heure où beaucoup se tournent vers le bénévolat pour remplir des lignes sur leur CV (au cours des premiers mois de 2013, les demandeurs d’emploi représentaient près de 22% des volontaires inscrits sur le site de France bénévolat, contre 10,6% en 2012), la création d’un « Erasmus de l’alternance » semble être un rayon de soleil dans le brouillard. Concrètement, il s’agit de développer l’apprentissage – un domaine où la France est très en retard sur l’Allemagne – et de faciliter la mobilité des apprentis en Europe. Mais la bureaucratie européenne risque de ralentir la mise en place d’une idée pourtant prometteuse. Les crédits aux PME, les plus susceptibles de former et d’embaucher des jeunes, sont le troisième pilier, avec le développement de l’apprentissage et la mobilité accrue en Europe, donc, du « New Deal ». Et pour l’appliquer, François Hollande exhorte les Etats à agir « en urgence ». Plusieurs responsables européens se sont récemment inquiétés du niveau record du chomâge des 15-24 ans, qui atteint 24% environ dans la zone euro, et jusqu’à 60% en Grèce. Il est de 8% en Allemagne et de 25% en France. Concernant les fonds disponibles, Mme Von der Leyen, la ministre allemande du Travail, a évoqué les six milliards d’euros annoncés par l’UE d’ici à 2020 que le Parlement européen doit encore approuver et 16 milliards de fonds structurels.
Ces engagement seront développés lors d’un sommet européen, les 27 et 28 juin, puis lors d’une réunion des ministres du Travail européen à Berlin, le 3 juillet. Michel Sapin, le ministre français en charge du Travail a évoqué une « garantie jeunesse », idée selon laquelle aucun jeune Européen ne doit rester plus de quatre ou six mois au chômage sans trouver un emploi, une formation ou un stage. Pierre Moscovici estime que le gouvernement a réalisé « la baisse du coût du travail la plus importante depuis des décennies [avec le Crédit d’impôts compétitivité-emploi], nous avons fait la réforme du travail la plus importante depuis des décennies…»
Visiblement, il faudra faire encore mieux pour convaincre Bruxelles, l’OCDE, et les Français.
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