1984 c’est maintenant !

Publié le 29 mai 2013 par Cdsonline


Les mots "père" et "mère" ont commencé à être neutralisés en "parent" dans la Constitution française, avant paraît-il que le mot "race" soit lui-même rayé de cette même Constitution.

En 2008 déjà le parti Socialiste français avait déjà éradiqué du préambule de ses statuts les mots "révolution", ainsi que le syntagme "lutte-des classes"…

En faut-il davantage pour identifier le symptôme qui frappe aujourd'hui la classe dirigeante des médiocrates au pouvoir?

Faut-il être à ce point aveugle et contaminé par l'idéologie hégémonique des Gender Studies (qui est l'idéologie libéral-fasciste par excellence) pour croire que supprimer les mots aura un effet "positif" sur la suppression des choses? Le syntagme "Ministère du redressement productif" n'avait-il pas déjà une consonance assez Orwellienne pour nous mettre en garde?

"C’est une belle chose, la destruction des mots. Naturellement, c’est dans les verbes et les adjectifs qu’il y a le plus de déchets, mais il y a des centaines de noms dont on peut aussi se débarrasser. Pas seulement les synonymes, il y a aussi les antonymes. Après tout, quelle raison d’exister y a-t-il pour un mot qui n’est que le contraire d’un autre ? Les mots portent en eux-mêmes leur contraire. Prenez « bon », par exemple. Si vous avez un mot comme « bon » quelle nécessité y a-t-il à avoir un mot comme « mauvais » ? « Inbon » fera tout aussi bien, mieux même, parce qu’il est l’opposé exact de bon, ce que n’est pas l’autre mot. Et si l’on désire un mot plus fort que « bon », quel sens y a-t-il à avoir toute une chaîne de mots vagues et inutiles comme « excellent », « splendide » et tout le reste ? « Plusbon » englobe le sens de tous ces mots, et, si l’on veut un mot encore plus fort, il y a « double-plusbon ». Naturellement, nous employons déjà ces formes, mais dans la version définitive du novlangue, il n’y aura plus rien d’autre. En résumé, la notion complète du bon et du mauvais sera couverte par six mots seulement, en réalité un seul mot. Voyez-vous, Winston, l’originalité de cela ?" (1984)

Le profond illettrisme des médiocrates en place (pseudo-socialistes du gouvernement, personnalités des médias, du spectacle, de la "culture" qui leur sont acoquinées…) pouvait-il déboucher sur autre chose que sur une réduction programmée de la sphère langagière?

À l'opposé de ces considérations "médiatiques", si pour quelqu'un comme Lacan, par exemple, l'ontologie heideggerienne s'est présentée à un moment de sa vie comme un passage obligé — c'était non seulement pour se faire une idée de ce que voulait dire "être" dans la langue du penseur de Meskirch — mais aussi (et j'allais dire surtout) pour essayer de comprendre une autre idée, la fameuse idée heideggerienne de la Geworfenheit…

La Geworfenheit, cette idée de "l'être jeté" là, dans le monde, dans une situation historique concrète et précise, est au bout du compte la seule idée qui permet de dépasser l'impasse de la fausse alternative proposée entre "la théologie" (idéaliste) et "l'humanisme" (matérialiste) : soit l'homme est "déchu" dès son arrivée sur Terre, en exil, venant d'ailleurs, forcément pécheur, soit la Terre, comme le spéculait le jeune Marx, est "le corps inorganique de l'homme", et l'homme devrait se sentir pleinement chez lui à sa surface…

Heidegger est donc le premier à tracer le chemin pour s'extirper de cette délicate situation : et si nous étions effectivement "jetés" là, dans ce monde, mais toujours tiraillés, jamais vraiment chez nous, et que cette "spaltung" était la condition constitutive de notre être, nous donnant notre horizon, fondant ainsi l'ouverture ek-statique de l'homme à ce monde?

Slavoj Žižek : "Comme Heidegger, dans Sein und Zeit, le précise avec insistance, le fait qu'il n'existe pas de Sein (être) sans Dasein (être-le-là) ne signifie PAS que rien ne resterait si le Dasein venait à disparaître.
Les entités continueraient à être, mais ne seraient plus dévoilées au sein d'un horizon de signification - il n'y aurait plus de MONDE. C'est la raison pour laquelle Heidegger parle de Dasein et non d'homme ou de sujet : le sujet est EXTÉRIEUR au monde et se relie ensuite à lui, provoquant ce faisant les pseudo-difficultés inhérentes à la correspondance entre nos représentations et le monde externe, l'existence du monde, etc. ; quant à l'homme, il est une entité INTÉRIEURE au monde. Le Dasein, en contraste avec eux deux, est ce qui entretient un rapport ek-statique aux entités au sein d'un horizon de signification, ce qui est par avance "jeté" dans le monde, au cœur des entités dévoilées.
Reste cependant à poser une question naïve: s'il existe des entités comme le Réel antérieures à la Clairière (Lichtung), comment en fin de compte relier les deux? La Lichtung a, d'une manière ou d'une autre, à "faire sauter" la fermeture des entités pures — Schelling ne lutta-t-il pas (sans succès) avec cette difficulté ultime dans les premières ébauches de ses Âges du monde (Weltalter) qui entendaient déployer l'émergence du Logos hors du Réel protocosmique des pulsions divines?
Et si par ailleurs, le danger de la technologie résidait en CECI: dans le fait que le monde lui-même, son ouverture, disparaisse, que nous retournions à la muette existence préhumaine propres aux entités dépourvues de Lichung?"

Pour en revenir au mariage homosexuel, si accorder les mêmes droits civils aux couples c'est une chose, c'en est une autre que de s'engager dans la suppression de mots, il n'existe effectivement pas de "nature des choses", nous sommes déjà constitutionnellement "dénaturés" par le langage, notre corps lui-même étant intégralement colonisé par le signifiant…

Il y a effectivement une vérité universelle, mais elle n'est accessible que d'un point de vue engagé, pour un sujet qui a pris partie… Il n'existe pas d'autre universalité qu'une universalité de combat.
La politique véritable peut-elle viser autre chose qu'un universel?