Le prix des lunettes est décidément un sujet qui continue de soulever bien des polémiques. La dernière en date, c’est l’association l’UFC-Que Choisir qui en est à l’origine, puisque la célèbre association de consommateurs a eu l’indélicatesse de jeter un pavé dans la mare (aux allures de pré carré ) du marché de l’optique. Avec des tarifs au moins 50% plus élevés que dans le reste de l’Union Européenne, la France ferait en effet figure d’exception. Le problème c’est que ces différences de prix coûtent cher. Aux ménages bien sûr, mais aussi à la collectivité, en particulier aux mutuelles et aux sociétés d’assurance, qui finissent bien sûr par répercuter leurs coûts sur les primes d’assurances ou les cotisations des assurés.
Afflelou, celui par lequel les prix des lunettes ont explosé?
Et oui, contre toute attente – et surtout contre certains préjugés tenaces, la célèbre chaîne d’optique qui a fait la fortune de son fondateur, serait vraisemblablement à l’origine d’une partie des fortes hausses constatées dans le prix des lunettes. En effet les fameuses deuxièmes paires de lunettes seraient au final, ni plus ni moins qu’une manière de faire consommer davantage les consommateurs. Ils payent, bien évidemment cette deuxième paire, le plus comique dans l’histoire étant qu’ils ne choisissent pas cette deuxième paire qui de toute façon leur est imposée au sein d’un parc restreint de modèles.
Un nombre pléthorique de magasins
L’UFC a évoqué comme autre causes de ces hausses de coûts plusieurs facteurs, dont notamment le nombre excessif de boutiques vendant des lunettes, que ces dernières s’articulent autour d’un réseau de franchises ou non. Le nombre de consommateurs, pour élevé qu’il soit n’étant pas extensible à l’Infini, trop d’acteurs conduirait par des mécanismes pervers à une augmentation des tarifs.
Des loyers trop importants,
Directement connecté au nombre d’acteurs, le cas des loyers en France est un vrai problème, comme d’ailleurs l’immobilier en général, les généreux dispositifs tels que le Scellier dont la France est une habituée depuis maintenant plusieurs dizaines d’années, ont littéralement encouragé une hausse monstrueuse des prix des loyers, des baux commerciaux, et des prix des ventes des immeubles. Ces prix élevés, (beaucoup plus élevés qu’en Allemagne qui très tôt a entrepris un contrôle du marché) se répercutent forcément tôt ou tard dans la facture du consommateur. Conjugué au fait précédent (un trop grand nombre d’acteurs) on comprend bien que pour pouvoir financer les boutiques, les opticiens sont de fait conduits à surfacturer les lunettes.
Petits arrangements entres opticiens et assurés
Mais les augmentations de tarifs ne sont pas les seuls moyens d’améliorer la rentabilité des boutiques d’optiques, ces dernières quasi systématiquement poussent les assurés à la consommation, leur demandant directement le montant de leurs remboursements de mutuelles pour pouvoir « tirer au maximum sur le forfait ». Les assurés résistent parfois difficilement à ces amicales suggestions…
Le nirvana des services et autres traitements
Autre moyen de tirer la consommation, le formidable gisement des services et autres traitements, qui sont vendus aux consommateurs, parfois là encore en leur forçant quelque peu la main.
Des traitements qui ont pour conséquence de tirer singulièrement les prix des verres vers le haut.
Des prix de verres bien trop importants :
En 2011 les verres représentaient près de 53 % du chiffre d’affaire global des opticiens, les montures comptant elle pour 25% (solaires 9% et lentilles 6,5% produits d’entretien près de 2%). On comprend l’insistance des opticiens à nous vendre ces fameux traitements des verres qui peuvent quasi doubler le prix du verre dans certains cas… La question étant qui fait les marges? Nous parlons dans cet article des marges des opticiens, mais quelles sont les marges des centrales? Des fabricants? Comment en arrive-t-on à pareille gabegie?
Des dépenses de marketing déraisonnables
Elles représenteraient près de 10% du montant de vos lunettes (soit plus de 60 euros par paire de lunette…
Les chiffres :
- Des marges bénéficiaires dépassant couramment les 200%
- Plus de 50% des Français sont des porteurs de lunettes
Les lunettes comme d’ailleurs les lentilles (lire cet article sur la question), coûtent bien trop cher. Ainsi d’après l’UFC ,le prix moyen d’une paire (comprenant monture et verres) serait de 470 euros pour le consommateur on ose à peine imaginer les tarifs les plus élevés constatés, sachant qu’il s’agit d’une moyenne… Or c’est l’opticien qui récupérerait l’essentiel de cette somme, soit une marge brute de 70%.
Pour justifier ces coûts, l’association évoque des des frais de fonctionnement élevés dus en grande partie à l’explosion du nombre de boutiques. Mais les réseaux franchisés du type Afflelou, Optique 2000, Grand optical, n’encouragent-ils pas la pompe? Ainsi le nombre de points de vente aurait augmenté de près de 50% en deux ans. Alors que dans le même temps la démographie comme les besoins en optique sont eux demeurés identiques… Comme le gâteau à partager reste le même mais que le nombre d’acteurs progresse, les bénéfices baissent fortement, dans les bassins ou le nombre de boutiques est trop important…
Les questions posées
Pourquoi les pouvoirs publics, si soucieux de défendre le pouvoir d’achat des ménages, sont-ils restés inactifs sur le sujet jusqu’à présent ? Avec plus de la moitié des Français qui portent des lunettes, il s’agit clairement d’une question de santé publique. Le ministère de la Santé, qui a reconnu en fin d’année la nécessité d’une régulation, semble enfin recouvrer la vue. La solution, prônée par l’UFC-Que Choisir, consiste en la généralisation des réseaux de soins, le principe en étant le suivant : D’une part les prix des lunettes sont moins élevés pour les assurés, car les prix négociés par la centrale d’achat mutualiste permettent de proposer des prix plus faible, et d’autre part les assurés peuvent bénéficier d’un tarif de remboursement plus important s’ils passent par le centre de santé mutualiste. Un tel système – vertueux s’il en est – ne fonctionne bien sûr que si le choix proposé par ledit réseau est aussi étendu qu’ailleurs. C’est le cas.
Nuance
Il ne faut pas confondre les réseaux de soins des mutuelles avec les réseaux d’opticiens des compagnies d’assurance : dans ce cas là ce sont les opticiens qui concluent des conventions avec les assureurs dans lesquelles ils s’engagent sur des niveaux de prix (idem avec les audioprothésistes), mais ces réseaux à la différences de ceux des mutuelles ne peuvent baisser sur les coûts d’achats puisque chaque opticien est considéré comme une unité indépendante.
Les chiffres des enseignes :
Difficile d’interpréter les chiffres respectifs des principaux protagonistes de ce gigantesque marché (près de six milliards d’euros). Il faut distinguer en effet le chiffre des différentes structures autour de la maison mère, de ceux du réseau.
Afflelou :
Chiffre d’affaire :
120 millions en 212 pour (afflelou franchises sas)
autour 800 millions d’euros pour l’ensemble groupe + réseau
Nombre de magasins : plus de 750 magasins en France en 2011
Afflelou est présent dans 9 pays.
GRANDOPTICAL
C’est le géant du secteur.
Chiffre d’affaire : 180 millions rien que pour la structure de filiale, à peu près 550000 euros en moyenne par magasin qui représentent 70% de la part de marché du secteur.
Nombre de magasins en 2009 : 10 497 magasins
(4 954 magasins sans enseigne)
OPTIC 2000
Chiffre d’affaire en hausse de 4,4%, à 417 millions d’euros. Il s’agit du chiffre de la maison mère et non de l’ensemble du réseau.
Nombre de magasin : 1944 en 2012. (comprenant Lissac, sans enseigne – affiliés à la centrale d’achat, et optique 2000) dont 53 en suisse.
Soit une hausse du nombre de structures de 4,5 % pour 2012.
Avec un CA en hausse de 4,4% pour la même période