Revenons, s'il vous plaît, à Bordeaux.
La double physionomie de Bordeaux est curieuse ; c'est le temps et le hasard qui l'ont faite ; il ne faut point que les hommes la gâtent. Or on ne peut se dissimuler que la manie des rues " bien percées ", comme on dit, et des constructions " de bon goût " gagne chaque jour du terrain et va effaçant du sol peu à peu la vieille cité historique. En d'autres termes, le Bordeaux-Versailles tend à dévorer le Bordeaux Anvers. Que les Bordelais y prennent garde, Anvers, à tout prendre, est plus intéressant pour l'art, l'histoire et la pensée que Versailles. Versailles ne représente qu'un homme et un règne ; Anvers représente tout un peuple, et plusieurs siècles. Maintenez donc l'équilibre entre les deux cités ; mettez le holà entre Anvers et Versailles ; embellissez la ville nouvelle, conservez la ville ancienne.
Vous avez eu une histoire, vous avez été une nation, souvenez-vous-en, soyez-en fiers. Rien de plus funeste et de plus amoindrissant que le goût des démolitions. Qui démolit sa maison, démolit sa famille, qui démolit sa ville, démolit sa patrie ; qui détruit sa demeure, détruit son nom. C'est le vieil honneur qui est dans ces vieilles pierres. Toutes ces masures dédaignées sont des masures illustres ; elles parlent, elles ont une voix ; elles attestent ce que vos pères ont fait.
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