Southland Tales - le DVD (zone 1)

Publié le 17 avril 2008 par Dickien

De quoi ça parle ?


Depuis une double attaque nucléaire sur le territoire américain en 2005, les États-Unis sont en pleine Troisième Guerre Mondiale. Le Patriot Act a été élargi et a donné naissance à une entité, US-Ident qui surveille en permanence l'ensemble des citoyens. La solution a la sortie de la crise semble avoir été trouvé par une compagnie allemande, Treer, qui a créé le Fluid Karma, une énergie inépuisable tirée des mouvements des marées. Malheureusement cette technologie provoque un ralentissement de la rotation terrestre qui entraîne des ruptures dans la fabrique de l'espace-temps. Le Fluid Karma est également une drogue qui procure des visions puissantes et fusionne les consciences.
Une star du grand écran, Boxer Santaros, se réveille amnésique dans le désert. Il ne tarde pas à rencontrer Krista Now, une ex-pornstar, qui le reconnaît. Elle lui présente un scénario de son cru, The Power. Il ignore qu'il est manipulé par les néo-marxistes qui veulent faire tomber le gouvernement en provoquant une révolution. Sa route va croiser celle de deux jumeaux, Roland et Ronald Taverner, qui sont eux aussi les jouets du complot néo-marxiste.

Quel est le lien avec les BD ?


Elles constituent les chapitres I, II et III tandis que le film se réserve les parties IV, V, VI.
Leur lecture apporte définitivement un plus en ce qu'elles développe tout le monde de Southland Tales et enrichissent considérablement la plupart des personnages. Elles sont condensées dans les premières minutes du film.
* Part One: Two Roads Diverge
* Part Two: Fingerprints
* Part Three: The Mechanicals
* Part Four: Temptation Waits
* Part Five: Memory Gospel
* Part Six: Wave of Mutilation

Quel est le rapport avec T.S. Eliot ?


Deux vers tiré de son poème The Hollow men (1925) sont cités mais les deux derniers mots sont inversés.
This is the way the world ends / Not with a bang but a whimper devient This is the way the world ends / Not with a whimper but a bang
(Pour la petite histoire, ce poème est celui qui est récité par Marlon Brando dans Apocalypse Now.)

Le casting ?


Il fonctionne à partir du moment qu'on en accepte la cohérence. Chaque acteur est dans un contre-emploi systématique : Dwayne Johnson incarne un couard, Sean William Scott (venu de American Pie) joue un personnage christique tout en sobriété, Sarah Michelle Gellar une star du porno en pleine reconversion (sans oublier les inévitables produits dérivés entre Buffy et Britney Spears), Justin Timberlake joue un vétéran traumatisé (le chanteur aura droit à une scène de comédie musicale mais en playback, l'inversion poursuit sa logique) jusqu'à la présence de nombreux acteurs venus du monde de la comédie au nombre desquels on peut citer les immenses Jon Lovitz et Wallace Shawn.
Le casting est donc éminemment casse-gueule et pourtant il tient la route. Même Christophe Lambert est bon, c'est dire.

Cela donne quoi au final ?


Le film est passionnant. Mais ce n'est ni un film facile ni un film pour le grand public. Et c'est tant mieux.
Certainement un futur classique, un de ces films dont on pourra se raconter les scènes et dont on connaîtra la beauté et la légèreté de certains mouvements de caméra par coeur.

En quoi est-ce raté ?


Le remontage du film se sent dans sa condensation. Il est manifestement resserré autour des personnages principaux. Le film embrasse de plus une somme de thématiques qui peut — et qui cherche à — dérouter.

Quel(s) lien(s) avec Philip K. Dick ?


C'est certainement le point qui échappe le plus aux critiques du film. Les allusions dickiennes sont multiples. En fait le film semble doit beaucoup à Coulez mes larmes, dit le policier
- Le nom de Taverner vient directement de Coulez mes larmes, dit le policier
- La citation directe du titre par un personnage de policier. Un moment tout simple où la phrase littéraire devient image par transposition directe ;
- Le personnage de Santiago, vedette internationale, qui se réveille amnésique, encore Coulez mes larmes... ;
- Le personnage joué par Kevin Smith ressemble de façon troublante à un Philip K. Dick qui serait devenu vieux ;
De plus le scénario renvoie directement à la dernière période dickienne, celle de la Trilogie divine. Il s'agit bien de trouver le Messie avant la fin du monde tel que nous le connaissons.

Et l'Apocalypse dans tout ça ?


L'Apocalypse de Saint-Jean, telle qu'on peut la lire dans l'Ancien Testament, constitue une clé du film. On découvre par exemple dans la bande dessinée que Krista Now a rédigé son scénario après avoir pris du Fluid Karma tandis qu'on lui lisait l'Apocalypse...
Los Angeles : Babylone ou Nouvelle Jérusalem, les deux se rejoignent.
Ronald/Roland Taverner : le pardon final ne peut lui donner que le rôle du Christ
Boxer Santaros (Jericho Cane) : le faux-prophète (il n'a pas écrit le scénario et n'est pas J.C. malgré les initiales et le tatouage dans son dos), mais aussi le guide (il guide Ronald/Roland Taverner), celui qui précise à travers quelle religion le nouveau Messie apparaît (Tatouage en sang du visage de Jésus dans le dos de Boxer en fin de film).
Krysta Now : l'apôtre Jean qui, peut-être sous champignons (dans le comics elle écrit le scénario après avoir consommé du Fluid Karma, dans la préface Kelly évoque les théories selon lesquelles l'Apocalypse serait le produit de la consommation de champignons par l'apôtre Jean), a écrit l'Apocalypse : le script The Power).
Pilote Abeline : probablement un des quatre cavaliers de l'apocalypse, qui sème la mort du haut de son mirador.
Si l'Antéchrist n'apparaît pas dans l'Apocalypse de Saint-Jean, il est évident que son rôle revient au Baron Von Westphalen. Menteur, manipulateur, séducteur, il propose à ceux qui le suivent une nouvelle religion, celle du Fluid Karma. Il incarne à lui seul la provocation des pulsions et le mouvement permanent vers le mal.