Nous y voici, face à cet album que Tricky lui-même semble considéré comme un retour en forme et en force. Suite aux premiers extraits publiés chacun leur tour depuis plusieurs semaines déjà, les attentes se sont faites de plus en plus pressantes quant à l’intégralité de False Idols, qui sort sur le label du même nom et créé par l’artiste lui-même pour pouvoir tout contrôler, sans devoir rien à personne.
Je l’avais dit, et le confirme dorénavant suite à la découverte de l’album (qui a fuité sur Internet il y a un moment déjà) : c’est effectivement la meilleure production de Tricky depuis très, très longtemps. Exit sa longue période d’errances, laquelle aboutit à quatre albums en dix ans, certains sympas (Mixed Race, Knowle West Boy), finis les albums improbables (Vulnerable), les collaborations futiles et les reprises inutiles (Blowback) : False Idols semble bel et bien faire suite à l’âge d’or du kid de Bristol, ou quand il transformait en or tout ce qu’il touchait (seul, avec Massive Attack, Björk, Neneh Cherry, PJ Harvey, Martina Topley-Bird…).
Cependant, cela fait de False Idols une sorte de retour, certes très bon. Malgré tout, il faut bien l’avouer : Tricky n’est en 2013 plus le même qu’il y a quinze ans. Il n’a vraisemblablement pas arrêté de fumer, continue à mettre des voix féminines en avant sur ses disques, reste très influencé par mille genre musicaux tout en s’attachant toujours à ses racines noires… et sait surtout très bien que les années 90 sont finies depuis belle lurette, comme il l’a bien dit à son pote 3-D avec qui il aurait fini par rebosser, en studio, il y a peu.
"Somebody’s sins" ouvre parfaitement l’album, avec une musique douce, légère, et pourtant torturé en arrière plan, comme sait si bien le faire Tricky.
Sur "Nothing matters", certains auront l’impression d’entendre l’ancienne muse de Tricky, Martina, mais il s’agit en réalité de la chanteuse nigériane Nneka, dont le timbre de voix est très proche (et non Francesca Belmonte qui chante sur plusieurs autres titres).
"Valentine" est un superbe hommage à Chet Baker, que l’on entend susurrer les fameuses paroles "My funny Valentine".
Peter Silderman (The Antlers) vient poser sa sulfureuse voix aux côtés de l’Anglais, pour un "Parenthesis" tout en nuances, tantôt doux et langoureux, tantôt brut et rocailleux.
Pour conclure, "Passion of the Christ" est envoûtant, avec ses échos orientaux.
S’il existe une version deluxe, comme souvent maintenant, sachez qu’il y a chez nous carrément une version spéciale France, avec un titre bonus en duo avec Sefyu. Ce titre aurait été enregistré en 2010 déjà, mais n’avait jamais été divulgué et se retrouve donc enfin officiellement publié.
En résumé, un très bel album, qui ne recevra malheureusement pas les éloges mérités. En effet, soit il sera jugé dans la veine de, par exemple, Pre-Millenium Tension, mais critiqué car moins pertinent aujourd’hui. Soit, tout simplement, sera assez apprécié pour ne faire que donner l’envie de nous pencher à nouveau sur ses premiers chef-d’oeuvres. Ou alors, certains auront-ils la chance de le découvrir encore "vierges" des succès de Tricky dans les années 90, et seront dès lors les plus chanceux car ils auront un album magnifique, intègre, plein d’émotions, mêlés de souvenirs certains, et d’ambitions évidentes. Car False Idols ne ressemblent jamais à de la musique d’un artiste en déclin ou désireux de se retirer. Tout au contraire, il s’agit, non d’un retour (Adrian Thaws n’avait jamais arrêté de sortir de la musique), sinon d’un nouveau départ.
Ah, j’oubliais ceux qui vont forcément regretter qu’il ne soit pas torturé, bousillé, car oui, False Idols aurait assurément été un chef-d’oeuvre absolu. À défaut, c’est un très grand album, à découvrir en live pour le côté brut et enfumé.