Hélène Sanguinetti, Le Héros, Flammarion,
Collection Flammarion/Poésie, 2008.
CHEF DE RIEN, LE HÉROS
À l’honneur en ce mois d’avril 2008 sur le site de l’écrivain Claude Ber, Hélène Sanguinetti poursuit sa trajectoire poétique, inflexible et ardente, avec la publication de son dernier recueil, Le Héros. Présenté au cours de la soirée du Printemps des poètes 2008 en Corse (Patrimonio, Haute-Corse), Le Héros vient de paraître chez Flammarion, dans la collection Poésie dirigée par Yves Di Manno.
Dernier né d’Hélène Sanguinetti, Le Héros, figure de proue polymorphe — chatoyante — frère, fiancé, amant, ami, voyageur, soldat —, se suit et se lit d’une traite, d’un souffle, à travers le long poème narratif qui déroule sa vague océane d’un chant à l’autre du recueil. Onze chants où le héros, beauté solaire presque sans nom et presque sans visage, traverse la mosaïque de la vie dans un hors-temps qui s’accompagne d’un hors-norme de l’écriture. Alternances de formes et de genres, de typographie et de style, de tonalités et de voix. Fragments de sens et d’images, énumérations-éclats. Ou au contraire laisses lyriques, à lire d’un même jet de voix.
Sur fond de décors exhumés de l’enfance, pareil à une flèche, le héros ulysséen file vers sa cible mortelle et entraîne avec lui, dans son sillage d’or et de plumes Celle qui depuis toujours l’aime et le chérit, Petite Sœur, Petite-Soie, rivée aux images colorées de l’enfance, emportée consentante dans le tourbillon du héros éternel. Iphigénie monte à l’autel, liste de mots vus du ciel. Panoplie de rires et de fêtes, de cabanes et de nids à couver dans les arbres, jeux d’indiens et de poètes inventeurs de mots et de magies. Chimères, chiens mères jours. Plus tard dans le récit, batailles et victoires. Épique et burlesque. Chromo de cartes postales des temps de guerre et des adieux. Dialogues de comptoirs. Et toujours, dans le paysage, comme dans Alparegho, pareil à rien, les ponts qui veillent à l’orée des villes et des strophes. Des ponts « comme des pas » qui « relient », qui « séparent ».
Après le pont dessous l’eau, après les pierres, c’est jusqu’où j’irai au milieu de la vie, en cet état d’appelant et meneur de mule.
Ainsi s’exprime dès l’incipit du poème la voix première du Héros.
Toujours en partance, le héros généreux, Eroe, Air, Eau, grand assembleur de bêtes et de gens — « tous hommes et femmes héros » —, jamais ne se retourne ni ne s’attarde. Jamais ne s’arrête. Sinon au moment où survient la mort. « Chef de rien ». Disparition.
Quelle douleur, plus pure douleur que celle-là, pierre plus dure et blanche sur la langue que celle-là ?
« Derrière la fenêtre, regard sur les oiseaux, froid d’hiver, jeux, sépultures, jeux », c’est ce qu’il reste au bout du compte du Héros. Un conte mystérieusement dédié, en fin de recueil, à Alain.
« Ainsi, adieu Héros, bonheur aux suivants, oh, chance à tous ».
Angèle Paoli
D.R. angèlepaoli
HÉLÈNE SANGUINETTI
Ph. D.R.
D'origine corse (Castagniccia), née à Marseille, Hélène Sanguinetti vit et travaille actuellement en Provence. Elle adore la mer ― regarder le ciel ― tailler les arbres en boule ― dire ses textes ― lire, beaucoup et très tard dans la nuit les entretiens, les écrits des peintres, les biographies, les livres des peintres, des aventuriers, penseurs, poètes, et aussi le journal L'Équipe. Elle adore le sport et en pratique plusieurs (elle regrette de ne pas avoir joué au rugby).
Écrit « du » poème depuis toujours.
Son premier livre, De la main gauche, exploratrice, a paru en 1999, dans la collection Poésie/Flammarion dirigée par Yves Di Manno.
Elle est aussi l'auteure de D'ici, de ce berceau (Poésie/Flammarion, 2003), publié en avril 2007 dans une traduction anglaise d’Ann Cefola sous le titre : Hence this cradle (bilingue, Otis Books/Seismicity Ed., Los Angeles) et d'Alparegho, Pareil-à-rien (L'Act Mem 2007, Fonds Comp'Act 2005). Son prochain livre, Le Héros, paraîtra en avril 2008 chez Flammarion.
Très proche de toutes les expressions plastiques, Hélène Sanguinetti travaille depuis 2006 avec une artiste polonaise, Anna Baranek (Gora soli, l’attentive, janvier 2008) ; invitée en 2005 par la Maison des Écrivains et le Festival de Danses d’auteurs, elle poursuit son compagnonnage avec les corps en mouvement (travail en cours avec la chorégraphe Muriel Piqué, Cie comme ça).
Claude Adelen, poète et critique, perçoit dans le poème d’Hélène Sanguinetti « des sortes de fiction, où l’on entrevoit les profondeurs de quelque roman familial à travers l’opacité d’un mythe » et parle pour qualifier son écriture de « noblesse et roture du langage » et de « souveraineté radieuse » (L’Émotion concrète, L'Act Mem, Fonds Comp’Act, 2004).
Voir/écouter aussi :
- (sur Terres de femmes) Hélène Sanguinetti/À celui qui (extrait de Hence this cradle) ;
- (sur Terres de femmes) Hélène Sanguinetti, Alparegho, Pareil-à-rien (note de lecture) ;
- (sur Terres de femmes) Hélène Sanguinetti/De quel pays êtes-vous ? (extrait d’Alparegho, Pareil-à-rien) ;
- (sur Terres de femmes) Hélène Sanguinetti/De la main gauche, exploratrice (I) ;
- (sur Terres de femmes) Hélène Sanguinetti/De la main gauche, exploratrice (II) ;
- (sur Terres de femmes) le Portrait de Hélène Sanguinetti dans la galerie Visages de femmes (+ un poème extrait de De la main gauche, exploratrice) ;
- (dans la Poéthèque du site du Printemps des poètes) sa fiche bio-bibliographique (+ un extrait sonore issu d'Alparegho, Pareil-à-rien) ;
- (sur Bleu de paille) Hélène Sanguinetti, un folklore imaginaire (note critique de Jean-Marie Perret sur Alparegho, Pareil-à-rien).
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