Rencontre avec Bernard Antony : un combat, une vie.

Publié le 28 mai 2013 par Tchekfou @Vivien_hoch

Bernard Antony, ancien député européen, président de l’Agrif, directeur du Centre Charlier et de la revue « Reconquête » a un long passé de militantisme politique et chrétien derrière lui. Il vient de publier « Bernard Antony raconte : Nos combats de résistance catholique et Française sur l’entre-deux siècles », aux éditions Godeffroy de Bouillon. Nous l’avons rencontré pour Itinerarium. 


Pourquoi avoir décidé de produire un livre d’entretien sur votre vie militante ? 

J’ai pensé devoir analyser ce que j’ai cru comprendre d’une longue vie, en effet, d’engagement, afin d’éclairer peut-être certains aspects du temps présent, notamment par la leçon des analogies. Pour prendre un exemple très simple : j’ai toujours été, et demeure, un militant anti-communiste ; mais aujourd’hui, je constate combien est analogue la fascination-collaboration avec l’Islam à celle d’hier avec le communisme. Il ne s’agit donc pas pour moi d’un retour nostalgique sur mon passé, cependant d’apporter, par celui-ci, d’apporter des éclairages. Ainsi, j’ai quelque fois vécu des situations historiques où les salutaires réactions patriotiques furent détournées selon ce que le grand penseur Jules Monnerot « l’hétérotélie » – conformément à son étymologie : un détournement du projet initialement poursuivit. Ainsi, le général de Gaulle ramenait au pouvoir, en 1958, pour faire l’Algérie Française, utilisa ce pouvoir pour faire, dans les plus abominables conditions, l’Algérie algérienne. Ainsi, en 1984, les gigantesques manifestations pour la défense de l’enseignement libre, dont on pouvait espérer qu’elles conduiraient à une véritable instauration des libertés scolaires, ne débouchèrent que sur un accord finalement désastreux : l’enseignement dit « libre » n’étant plus libre de rien, ni du recrutement de ses professeurs, ni du choix de ses programmes, ni même du choix des livres scolaires.
Quels sont les perspectives du militantisme chrétien aujourd’hui ?`
  Elles le sont dans l’ordre de l’infinie diversité de la charité. J’ai rencontré, pour ma part, des saints dans les camps de réfugiés de Site II à la frontière de la Thaïlande et du Cambodge. J’ai rencontré là, aussi bien des religieux que des laïcs, essentiellement français, oeuvrant pour nos frères indochinois réfugiés avec un dévouement véritablement surnaturel ; par exemple un ancien prêtre ouvrier cégétiste de chez Renault qui me déclara : « j’essaye de réparer ici mes conneries passées ». Ce que j’ai vu, dans ces voyages à travers les souffrances du monde, c’est qu’il y a vraiment une grande proportion de français parmi ceux qui, pour assister les damnés des Enfers communistes ou islamistes. Par rapport à de tels gens, on se trouve très médiocre, mais l’on retire de grandes leçons d’espérance. Mais il y a aussi, naturellement, l’action politique, dont le grand Pape Pie XII, rappelait qu’après la contemplation, elle était la plus haute forme possible de la charité, tant l’action politique est au service de la justice et de la vérité.
Vous considérez-vous comme un réactionnaire ?
Sans faire de la fausse humilité, je crois pouvoir dire que depuis l’âge de 10 ans, et jusqu’à ce jour, j’ai systématiquement réagit, car c’est sans doute dans ma nature, face à tout ce qui me semblait injuste ou abominable, notamment le communisme, avec les mensonges de ses compagnons de route. La réaction, c’est tout simplement la santé ! Dans le domaine physique, elle se manifeste par la fièvre, qui est une chose salutaire, et peut-être bien, en effet, que j’ai appartenu à une mouvement sympathique d’enfiévrés de la politique.
Vous considérez-vous comme un libéral (conservateur) vis-à-vis du socialisme ambiant ?
  Je me méfie de ces mots. Dans l’ordre de mon comportement social, je me définis volontiers comme « libèr » – ce vieux mot qui désigne une attitude d’écoute, d’attention et de bienveillance. Mais dans l’ordre intellectuel et doctrinal, je ne suis pas du tout un libéral. Le grand Soljenitsine a admirablement traité de cette maladie de l’intelligence qui a pour nom « pluralisme » ou « relativisme », consistant à considérer que toute les vérités se valent, y compris, et surtout, lorsqu’elles sont des erreurs ! En revanche, si l’on entend, en économie le terme « libéral » par le fait de refuser l’omnipotence de l’État, son intrusion dans ce qui relève de l’initiative individuelle et des libertés des familles, je suis un libéral. Et si l’on entend par « conservateur » de défendre un immense patrimoine de civilisation, et plus encore ce qui nous fait homme face aux entreprises du nihilisme révolutionnaire de Messieurs Peillon et cie., je suis un conservateur ; mais pas un conservateur de n’importe quoi : je mettrai bien à la poubelle un certain nombre de soit-disantes créations de l’art dit contemporain qui relève surtout de l’anarque.
Vous racontez dans votre livre que vous êtes entré dans le combat politique en  pris conscience du danger considérable que faisait peser le communisme sur le monde. Cette menace est-elle toujours d’actualité ?
  J’ai vécu une ambiance que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaitre : celle de la menace soviétique sur le monde, sur laquelle s’ordonnait quasiment toute la vie politique des nations occidentales. J’ai vu s’effondrer le régime soviétique. J’ai vu les prémisses de l’effondrement de l’empire soviétique, en Pologne, en Russie et en Lituanie ; et la chute du mur de Berlin, que l’on ne pouvais certes pas imaginer 2 mois avant, qui était, pour tout ceux qui refusaient le système d’esclavage soviétique, un fantastique événement. Je décris dans mon livre la plus belle récompense de ma vie de militant : lorsque, le 26 Aout 1991, alors que nous manifestons devant l’ambassade d’URSS à Paris, l’ambassadeur Dobryrin me fait savoir qu’il souhaite me recevoir, et il m’attend devant tout le personnel de l’ambassade pour me remercier de ce que nous avons fait contre le communisme ; et alors, devant moi, accompagné de vieux amis, il déchire sa carte du parti communiste. J’ai vécu ce jour là, la dernière minute du dernier ambassadeur soviétique à Paris. Mais attention : pas d’euphorie. Le virus communiste est mutant. Le communisme sévit toujours atrocement en Chine et dans les pays d’Indochine, à Cuba, mais surtout, son imprégnation idéologique demeure très forte dans nos médias, dans notre système d’anti-culture, dans l’intellocratie que nous subissons, dans sa volonté de faire du passé table rase ; avec Peillon, Lénine n’est pas tout à fait mort.  
Avez-vous un message d’encouragement pour les nouvelles générations ? 
  Non. Ça serait très présomptueux. J’espère n’être pas encore un vieux con qui dit, d’une voix chevrotante : « allez-y les jeunes ». Il est vrai que je suis peut-être atteint d’une maladie psychiatrique, qui fait que je n’ai jamais réalisé que je ne faisais pas parti des nouvelles générations.

Vous pouvez commander le livre sur le site de l’AGRIF