Depuis le début du 21ème siècle, la bourse de Paris est devenue un acteur de premier plan faisant régulièrement la une des journaux économiques.
Il faut dire que le secteur est en pleine révolution et que tous les acteurs, longtemps assis sur un monopole national, cherchent à asseoir leur légitimité à grands coups de fusions transfrontalières. L’histoire récente de la bourse de Paris, qui a tout de même vu le jour en 1724, peut faire l’objet d’un récit cinématographique en quelques actes.
La conquête
A l’orée de la démutualisation des opérateurs boursiers, la bourse de Paris a mené tambour battant sa consolidation en regroupant sous une même bannière ses différents marchés (Matif SA, Monep SA, Société des Bourses Françaises, Société du Nouveau Marché). Dès sa naissance en 1999, le nouvel ensemble, baptisé ParisBourseSBF SA s’est lancé à la conquête de nouveaux marchés. La vision des dirigeants de l’époque a donné un rôle majeur à la place parisienne dans la dynamique d’expansion et de consolidation du secteur en Europe.
4 mariages et 1 enterrement
Au début des années 2000, la dérégulation des marchés financiers a vu la bourse de paris initier les premiers mouvements de fusion en créant Euronext (regroupement des marchés actions français, belges, néerlandais et portugais ajouté du marché dérivés londonien). Cette opération se fait de manière naturelle entre des bourses ayant une organisation horizontale (activité de négociation sans intégrer les activités de compensation et de conservation) et partageant une vision commune de créer un acteur pan-européen sur le métier de la négociation. Cette vision a d’ailleurs été longtemps adoubée par les instances de régulation européenne qui voyaient un risque de concentration pour les acteurs ayant une structure verticale en silo. Ces quatre mariages ont eu pour conséquence de divorcer d’avec Deutsche BĂśrse fervent défenseur de l’intégration verticale avec ses 3 métiers (Deutsche BĂśrse, Eurex Clearing et Clearstream).
Les liaisons dangereuses
Le milieu des années 2000 a fait couler beaucoup d’encre sur les projets de fusion qui ont eu plus ou moins de réussite. Euronext est alors apparu moins souverain dans son rôle de prédateur qui s’est transformé en celui de proie. Par deux fois les assauts allemands ont été repoussés de même que ceux des anglais et américains. Mais à force de se défendre, Euronext a laissé beaucoup d’énergie dans la bataille et n’a pas su anticiper les mutations profondes du secteur au profit de la guerre technologique. Les plateformes électroniques, crées par les banques, ont pris le pas sur les anciennes bourses ayant des coĂťts de structure importants et un retard dans la modernisation de leurs outils informatique. Une fois le constat acté que le bataille ne pourrait pas être gagnée par Euronext, il restait à choisir le voie de sortie la plus prometteuse. Les prétendants de l’époque étaient, LSE et NYSE. L’intégration verticale de Deutsche BĂśrse et le déplacement du centre de décision de l’autre côté du Rhin fit trop peur. La tentative de rachat du LSE se solda par un échec La solution de rapprochement transatlantique avec le NYSE fĂťt donc approuvée. A partir de là, le sort d’Euronext était sellé et ce fleuron allait maintenant entamer son déclin avec pour seul atout sa pépite du marché des dérivés londoniens (LIFFE).
La chute
Une fois l’option stratégique actée en 2007, le nouvel ensemble allait devenir 5 ans plus tard la victime expiatoire d’un marché électronique (ICE) crée depuis une dizaine d’années seulement. Les problèmes rencontrés par NYSE Euronext sont de plusieurs natures. Le premier et un positionnement sur la négociation des actions qui est un marché mature, à faible marge et sur le déclin au profit des produits dérivés. Le positionnement sur les dérivés, via le LIFFE, est trop limité et les acteurs spécialisés dans ce domaine ont des positions dominantes impossibles à combler. Le deuxième et le choix de l’intégration horizontale qui se trouve être une mauvaise option suite à la crise de 2008. En effet, les acteurs recherchent de la sécurité et disposer d’une chambre de compensation et d’une centrale de règlement/livraison se révèle un choix payant. La troisième vient du retard à la modernisation des outils informatiques. Euronext a bien délocalisé et investi dans de nouveaux serveurs à Londres, les plateformes électroniques disposent de systèmes plus efficients et à moindre coĂťt pour répondre aux nouveaux besoins des clients (trading à haute fréquence entre autre). Ces conjonctions de faits isolent doucement NYSE Euronext qui fait figure d’acteur historique déchu qui n’a plus les cartes en main pour disposer de son avenir. La fusion ou le rapprochement (pour ne pas dire le rachat pur et simple) avec un autre acteur est inéluctable. Le gagnant est l’ICE qui valorise sa cible à 8,2 milliards de dollars. La revanche est prise suite à sa première offre rejetée de 11,3 milliards 20 mois plus tôt et qui avait vu NYSE Euronext tenter de se jeter dans les bras de la Deutsche BĂśrse sans succès (véto de la Commission européenne pour risque de position dominante).
L’ICE, qui attend le feu vert des autorités envisage de fusionner les entités courant 2013 pour mettre la main sur la pépite du LIFFE qui motivée l’attaque. L’ICE envisage d’introduire en Bourse Euronext dans le courant 2014 puisque ce périmètre ne l’intéresse absolument pas. Et voilà Euronext revenue 13 ans en arrière, isolé, sur un marché en déclin, et sans allié. Une proie idéale et sans défense mais qui malheureusement aujourd’hui ne dispose plus d’une dote de mariage étincelante.
Il faut sauver le soldat Ryan
Aujourd’hui, Euronext dispose d’une petite année pour définir son nouveau business model. Les rêves d’expansion à l’international semblent loin et oubliés mais la place financière de Paris joue une partition complexe à ne pas galvauder : son avenir tout simplement. Les pouvoirs publics ont pris le risque très au sérieux et ils s’activent en coulisse pour trouver l’issue la plus favorable. Si l’introduction en bourse d’Euronext (marchés actions français, belge, néerlandais et portugais) ne fait aucun doute, son tour de table est plus incertain. La place financière de Paris se cherche un groupe d’investisseur national stable. Cependant, les candidats ne sont pas nombreux et personne ne voit un véritable intérêt à mobiliser des liquidités dans une participation dormante où la plus-value en cas de sortie est incertaine. Après ses nombreux échecs de rapprochement, la Deutsche BĂśrse n’est plus intéressée et l’a fait savoir publiquement. Si aucune minorité de blocage n’est trouvée, l’OPA de la bourse de Paris ne sera qu’une formalité pour les prédateurs en quête d’une expansion européenne. Au-delà de voir la bourse de Paris passer sous pavillon étranger, se joue l’avenir du financement de l’économie française à travers ses PME-ETI qui en ont grandement besoin.
Alors oui, il faut sauver la place financière parisienne et pourquoi ne pas prendre un virage stratégique majeur, à savoir : financer l’économie en étant le lieu permettant aux émetteurs de lever des fonds dans un environnement sécurisé et transparent auprès d’investisseurs de long terme. La bataille technologique est perdue alors revenons au cĹ“ur de métier qui a été oublié depuis bien longtemps. Cette idée est peut-être d’arrière-garde mais elle a le mérite d’offrir la possibilité à la bourse de Paris de redevenir un chasseur sur une activité qui fut jadis à l’origine de sa création.
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