Lorsque j'ai évoqué la catastrophe du Bangladesh alors que nous en étions encore qu'à une centaine de mort, j'ai eu deux retours quasiment simultanés :
- Oui, mais crois tu que tous les français pourraient se permettre d'acheter des habits plus cher ?
- Oui mais c'est la logique du développement économique, la Chine par exemple se développe depuis qu'elle est entrée dans l'économie de marché.
Tout le monde ne peut pas payer.
Il a bon dos le pouvoir d'achat. Je suis frappé de constater que ceux qui m'opposent cet argument sont souvent ceux qui peuvent en effet payer plus cher. Ceux qui n'en ont pas les moyens sont généralement bien plus humbles et démunis (dans tous les sens du terme). Bien sûr ils n'ont pas le choix, mais cela n'est pas forcément incompatible avec une remise en cause personnelle et une frustration de ne pas pouvoir agir.
Ce matin, je regarde mon étagère pleine d'habits :
- Un jean Zara acheté il y a quelques semaines. Ses poches sont percées et les coutures se barrent.
- Un pull Jules acheté il y a un an : délavé et complètement déformé. Je le garde car je ne me sens pas à l'aise de jeter des habits si récents, mais j'avoue, je me sens toujours un peu "guignol qui ne sait pas s'habiller" quand je le met.
- Un polo gastra, de marque, acheté il y a deux ans et dont les couleurs passent largement.
- Oui je les ai payé plus cher. Combien plus cher ? Probablement 3 fois le prix de chez Tati et 30% plus cher que chez Zara et companie.
- Non ils ne m'ont pas couté plus cher car ils durent. Mon pantalon Zara en solde à 20 euros qui a tenu 2 mois, il me coute 120 euros par an !
Mais c'est super cette boite qui fait des jolies fringues qui coutent bien moins cher à l'usage ? Oui, sauf que Ideo, c'est fermé. En terme de développement économique... on a déjà fait mieux…
Parce que le développement économique, il a bon dos aussi.
Sans rire les amis, est-ce que l'on pense sincèrement que les petits gars du Bangladesh ils ont besoin de nous pour vivre ? Quoique, peut être que maintenant oui… Je suis mal placé pour imaginer de près ou de loin leurs besoins, mais j'ai tout de même le sentiment que de prendre le risque de crever sous la pression du marché et en contrepartie ne jamais voir leur famille, et gagner à peine de quoi la faire vivre ne correspond pas vraiment à leur besoin premier.
Toutes les personnes qui travaillent en proximité avec la grande pauvreté me disent qu'elles rencontrent des gens sinon pleinement heureux, au moins dignes et fiers d'eux quelque soit leur niveau de précarité. Les faire mourir sous les gravats pour améliorer NOTRE pouvoir de CONSOMMATION, c'est leur enlever ce qu'ils leur restaient : Leur dignité et leur vie.
La solution, je ne l'ai pas.
- Acheter des habits éthiques en est peut être une première. Il y a des superbes boutiques sur le net avec des vrais produits sympas.
- Faire signer une charte aux grands fabricants. Je n'y crois pas une seconde.
- Hurler, boycotter. Oui. Je n'ai pas cette énergie chaque matin, mais je pense que ça serait efficace. J'entend déjà les économistes me dire "on ne peut pas condamner une filière qui emploie tant de monde !". Et bien pourquoi pas ?
Aimer, est peut être une première étape.
Constater les dégâts
Prendre conscience
Se recueillir
Prendre acte de notre responsabilité même si on ne se sent pas capable de changer la donne.
S'indigner, au moins intérieurement
Reconnaitre qu'il nous a fallu 1000 morts d'un coup pour qu'on accepte de réagir alors qu'on savait que ce genre d'accident arrive régulièrement à plus petite échelle
Une vie on ne bouge pas, mille vie on hurle,
S'interroger sur la valeur d'une vie face à 1000 autres.
Aimer.