Ce quatrième album de Bertrand Belin, "Parcs", s'ouvre avec "Comment ça se danse?" un morceau à la langueur sensuelle sur lequel on a plaisir à retrouver sa voix chaude. Un titre non calibré de 5 minutes qui permet de se laisser glisser dans la douceur ouatée de ces 13 titres...
"Parcs" est un disque sur l'errance, les apparences trompeuses qui fait la part belle aux rythmes lancinants. Un album qui confirme que Bertrand Belin est un perfectionniste qui rend hommage à l'élegance classique tant par sa mise que par son oeuvre.
"Il y avait bien quelqu'un dans un parc, je revois bien quelqu'un debout dans un parc, mal tenir...
De là à dire, qu'il s'agirait de moi, de moi...Chais même pas qui c'est...Chais pas qui c'est moi.
Je dois avoir une mine...Si vous trouvez cette amie, qu'elle vienne. Et là si je le peux,
me trouver dans ses yeux, peine, perdue..." ("Requin")
Car si l'homme est toujours tiré à quatre épingles, ses morceaux le sont aussi.
A première vue (écoute) on peut penser que son travail crée de la distance avec l'auditeur, l'éloigne. Attention à ne pas se laisser berner... Si les chansons de Bertrand Belin ne sont pas faciles d'accès, elles touchent intimement quiconque prend le temps de s'y intéresser.
Derrière l'apparente simplicité des arrangements, on découvre un album ciselé.
Avec des mélodies basées sur le trio guitare, basse, batterie -de temps en temps soutenu par un clavier- il n'entend pas révolutionner la musique mais fournit à ses textes le plus bel écrin possible : des arrangements qui portent les mots sans les étouffer, qui répondent à leur propre musicalité.
Sa musique prend racine de l'autre côté de l'Atlantique et combine une qualité d'écriture rare, emprunte de poésie à des sons qui sentent bon l'amérique profonde.
Il a retiré tout ce qui, dans la plupart des compositions actuelles peut distraire : ici pas de gimmick superflu, Bertrand Belin ne garde que l'essentiel.
Si la tonalité générale est indiscutablement sombre, mélancolique, elle est réveillée des fulgurances légères et lumineuses qui apportent ce qu'il faut de relief à l'ensemble.
Sur ces 13 chansons se cotoient la nature et les sentiments.
"Parcs" c'est un son entêtant sur lequel l'artiste sème des mots qui obsèdent, jouant sur les répétitions pour construire des complaintes lancinantes, légères et pourtant incroyablement profondes.
Lorgnant du côté du folk rock mélodieux, ces mélopées sont servies par la voix si particulière de Bertrand Belin qui leur confère une saisissante densité.
Ecouter "Parcs" c'est pénétrer dans un labyrinthe de mots et de notes dont la combinaison frôle la perfection. Le genre de parcours sinueux qu'on a plaisir à suivre, dans lequel on aime se perdre et dont on n'a surtout aucune envie de sortir. Si bien que lorsque les dernières notes s'éteignent on se surprend à émettre un très sonore "déjà?" et à relancer la lecture.
Parce que cet album là est de ceux qu'on écoute sans se lasser, prenant un plaisir évident à se laisser simplement bercer et emporter loin.
"Rien ne dit que tu ne viendras pas hanter jusqu'au champ voisin,
dix hivers ne me tomberont pas facilement des mains,
remarque je ne veux ni te perdre ni te perdre ni rien,
seulement oublier un peu le poids de tes mains,
partout le silence a pris comme on dit du galon,
des congères de silence sous des lits de liserons,
l'herbe a déjà repoussé sous la neige amassée,
viendra la saison qui verra les merles rechanter,
j'ai voulu te porter, bien, j'ai voulu te porter, bien, je suis venu tout seul et puis je n'ai que ces mains,
je suis venu seul, une chemise et ces mains... Ces mains."
(...)
"une cathédrale de gestes empilés sans penser, qui n'a pu que pousser jusqu'à se laisser pencher..." ("Pauvre grue")
A noter que Rebecca Manzoni a rencontré Bertrand Belin et que tu peux retrouver cet entretien ici. Il a été diffusé dans "Eclectik" sur France Inter, hier (et, en fidèle de l'émission, je peux t'assurer que c'est un des meilleurs crus de 2013)
"La dernière fois qu'on nage, une chose est sûre, me dit toujours Peggy, on ne le sait pas.
La dernière fois qu'on nage, une chose est sûre, me dit toujours Peggy, on ne le sait pas.
Ca vaut mieux comme ça. On nage, on ne craint rien, ça vaut mieux comme ça, on nage on ne pense à rien.
Ohohohohohoh on nage tranquille, loin de nos soucis, par un bel après midi, on nage tranquille...
La dernière fois qu'on nage, dans les reflets d'argent, chaque chose à sa place, dans les reflets d'argent..."
("Peggy")