Alors qu'en France, les sites web d'information peinent encore à trouver un modèle économique viable, les Allemands ont repris une solution originale, et, à priori, rentable : la vente de "plus-produits". Le concept ? Proposer une boutique en ligne au contenu varié : maillots de football, tasses à l'effigie du journal, et...exemplaires de la Bible. Alors, fini le temps des seuls articles payants ? Explications d'une petite révolution marketing qui s'attaque à Internet.
Une origine italienne
Venus tout droit d'un autre voisin européen, l'Italie, il y a une dizaine d'année, les plus-produits, correspondent à l'origine à des encyclopédies, DVD ou CD vendus avec le titre de presse papier acheté, moyennant un supplément de prix. En France, les plus produits se développent davantage dans la presse féminine et jeunesse. D'après Fabienne Schwalbe, directrice marketing et diffusion chez Prisma Presse, "le plus-produit est un excellent outil de promotion". En effet, ils permettent avant tout de fidéliser un lectorat de plus en plus exigeant et difficile à capter. Mais attention à ne pas confondre les plus-produits avec les cadeaux entièrement gratuits (bracelet, poster etc..) offerts avec un quotidien ou un magazine.Le précurseur à scandales
En Allemagne, le précurseur en la matière n'est autre qu'un quotidien bien connu outre-Rhin, Bild. Et désormais, les plus-produits ne se contentent plus de la version papier. Ils se déclinent dorénavant sur la toile. Le spécialiste de la presse people, met en ligne, en plus de ses rubriques "classiques" (actualités du moment, photographies), un "shop" un peu particulier pour répondre à une baisse des recettes et de la diffusion de sa version papier de 1938 à 2005 (de 5,4 millions à 3,8 millions d'exemplaires). En réaction à ce contexte économique morose, le journal a donc pris la direction de la vente en ligne de plus-produits, tout en les adoptant à leur cible habituelle : un lectorat essentiellement masculin, à 54%. Là est toute la difficulté, proposer des objets, oui , mais pas n'importe lesquels. L'enjeu est de récolter des fonds, mais sans perturber ses acheteurs habituels. Pour autant, le Bild va loin, puisqu'il vend, via sa boutique en ligne, des exemplaires de la Bible, mais aussi des tasses, des préservatifs ou...des abonnements au gaz. Visiblement, cela marche, puisque selon, Valérie Robert, interrogée par Erwan Gaucher, "les plus-produits représentent entre 5 et 10 % du chiffre d'affaires du groupe Springer, éditeur de Bild". Pour Thomas Mrazek, spécialiste du web journalisme allemand "les sites journalistiques doivent essayer de nouveaux modèles économiques : avoir une boutique en ligne est l'un d'entre eux. Mais en fait c'est un chemin dangereux. Le risque est d'arriver à une confusion entre contenu journalistique et e-commerce. Il y aura toujours des doutes. Nous avons en Allemagne un organisme reconnu; la Deutsche Presserat qui se penche sur la question."
Der Spiegel, le suiveur
Dans la lignée de Bild, Der Spiegel, le plus gros hebdomadaire allemand a lui aussi créé son "shop". La grande différence est la nature des produits mis en vente, moins scandaleux et plus jeunes des consoles de jeux, et plus classiques, des DVD et CD. Et celle nouvelle stratégie marketing n'est pas réservée qu'aux journaux. Les chaînes de télévision s'y mettent aussi, à l'instar de ProSieben qui va encore plus loin en mettant en ligne une plateforme de jeux vidéos.
En France, les sites d'information semblent davantage frileux. Lemonde.fr et Liberation.fr disposent bel et bien de leur boutique, mais proposent surtout, pour le moment, des objets (CD, DVD, livres) en lien avec l'actualité, leur premier moteur. Pour autant, au sein du shop du Monde, on trouve quelques ouvrages insolites comme "Les classiques de la littérature libertine". Le Figaro possède également son magasin, mais qui n'est pas accessible depuis la home page du site du quotidien : le Figaro store. Là encore, on trouve principalement des produits culturels, mais aussi des sélections en fonction d'événements particuliers : fête des mères, des pères, noël...On peut dresser une liste non exhaustive des autres sites assez impressionnante : Le Point, L'express... Rares sont ceux qui ne s'y sont pas encore mis. Rue89 en a fait aussi une de ses spécialités en vendant des articles avec des messages engagés (T-shirts au sujet de la polémique "des forçats de l'info". Autant de pratiques qui interrogent sur le rôle des médias : où commence et où s'arrête le journalisme ?
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