Au pied de l'immeuble du 28 rue Affre se situent deux locaux commerciaux. Celui à droite de la porte d'entrée, un ancien café, est actuellement inoccupé ; celui à gauche est occupé par un atelier de couture.
Le local vide, qui a été "visité" nuitamment la semaine dernière, présente une façade nue peinte en marron et fermée par une grille. L'atelier de couture a une devanture très sobre avec des menuiseries en aluminium. Tous deux ont perdu leurs décors d'origine, seule une trace d'une ancienne devanture en bois subsiste en haut à gauche de l'atelier de couture ainsi que le bandeau supérieur qui souligne les fenêtres du premier étage.
Boutiques actuelles au 28 rue Affre
Faute de description ou de documents iconographiques, on ne peut qu'imaginer à quoi ressemblaient ces devantures. Pour se faire, on pourrait s'aider des autres commerces alentours, mais la plupart de ces derniers ont eux aussi perdu leurs décors d'origine et cela pour plusieurs raisons.
La première raison de cette disparition est le changement d'activité du local. Il faut rappeler que le développement des grandes surfaces commerciales à partir des années 1960 et l'évolution du confort des logements ont participé à la disparition de nombreux commerces de détails ainsi que de bon nombre de restaurants et débits de boissons.
C'est le cas du café qui existait à coté du 28 rue Affre, à l'angle formé par l'immeuble du 24-26 rue Affre/8 rue Cavé. Comme on peut le voir sur les clichés ci-dessous, le marchand de vins Barthélemy figuré sur la carte postale a vu ses ouvertures réduites et a laissé place à un logement.
Angle des rues Affre et Cavé, 1910 env. (à gauche) et 2013 (à droite)
Autre cas de figure, le changement de destination commerciale et les réfections d'immeuble, ce qui est certainement le cas du 28 rue Affre. L'exemple du local situé au pied de l'immeuble d'angle sis au 14 rue Affre/rue Saint Bruno (photos ci-dessous) est particulièrement parlant. La différence d'apparence est très marquée entre le marchand de vins "À l'ami Henri" vers 1910 et le local de stockage d'une société de vente de produits alimentaire en gros actuel. Non seulement l'habillage en bois de la devanture du café à totalement disparu mais certaines fenêtres de l'immeuble ont été murées, les moulures d'encadrement de fenêtre et les volets ont été supprimés et les gardes-corps remplacés. Au final, il est bien difficile de reconnaître le même immeuble à un siècle d'écart.
Angle des rues Affre et Saint Bruno, 1905 env. (à gauche) et 2013 (à droite)
Dernier cas, les changements de mode et les défauts d'entretien comme le commerce qui se situe au pied de l'immeuble d'angle du 21 rue Affre/9 rue Myrha. Cette ancienne boucherie est devenue aujourd'hui un restaurant sénégalais. En comparant les séries de clichés ci-dessous, nous pouvons distinguer sur une carte postale du début du XXème siècle un premier décor surmonté d'une frise en métal repoussé. En dessous, une photo prise en 1980 d'une devanture verte plutôt élégante, en la regardant plus en détails, on remarque qu'il ne s'agit pas du même décor que la précédente et que l'ensemble n'est pas dans un très bon état de conservation. Sur les photos de droite, on voit l'état actuel de ce local commercial qui a pour unique décor les coffrages qui renferment les volets métalliques de protection, l'ensemble venant de recevoir un coup de peinture de rafraichissement.
Angle des rues Affre et Myrha, 1900 env. (à gauche) et 2013 (à droite)
Angle des rues Affre et Myrha, 1980 (à gauche) et 2013 (à droite)
Mais en y regardant de plus près, du coté de la rue Myrha, on peut voir un dernier vestige de la frise de carrelage qui encadrait précédemment la porte et les vitrines.
Détail du décor restant au 21 rue Affre (2013)
Ces quelques exemples sont assez représentatifs de l'état actuel de nombreuses devantures de commerce dans le quartier, bien que l'état général des commerces du quartier tend à s'améliorer ces dernières années. Cependant, il faut noter qu'il subsiste plusieurs devantures anciennes, certaines ayant pu bénéficier de réfections heureuses tandis que d'autres semblent plus en sursis. La fragilité de ces devantures en bois fait qu'elles ne sont peu nombreuses à traverser le temps ; et finalement, la Goutte d'Or, quartier longtemps ignoré des pouvoirs publiques, compte un nombre non négligeable de ces marques du passé. Reste à connaître leur devenir.