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C’était dit avec
insistance l'an dernier, à la parution du livre : Olivier Adam était désigné comme favori du prix Goncourt
avec son nouveau roman, Les lisières.
C’était murmuré aussi : il ne s’agissait pas de son meilleur livre, mais l’écrivain
se trouvait à la tête d’une œuvre qui méritait bien, et depuis longtemps, ce
couronnement. C’était le plus souvent passé sous silence : il avait changé
d’éditeur (quittant L’Olivier pour Flammarion) et l’argument, pour échapper au
lecteur, n’était pourtant pas sans poids dans les grandes manœuvres de la rentrée
littéraire.
On sait que le Goncourt ne l'a pas couronné. Contentons-nous donc de littérature. Les lisières
est un roman long et qui traîne en longueur, se dit-on en le refermant avec un
peu de soulagement d’en avoir terminé. Tout avait pourtant plutôt bien
commencé. Paul Steiner, écrivain et scénariste, se trouve à un moment clé de
son existence. Il est partagé entre l’amour qu’il éprouve encore pour son
ex-femme, le sentiment puissant de ses devoirs de père envers les enfants dont
il est comme amputé, et sa difficulté à trouver une place dans le monde. En
lisière de la société où son travail lui donne un statut à part, en lisière
géographique de la capitale depuis qu’il habite en Bretagne, en lisière de sa
famille… Il parle de son « incapacité
à être vraiment là à l’instant même où les choses se passaient » et de
sa nature « périphérique »,
une explication qui pourrait suffire mais ne le satisfait pas. Il souffre d’une
incomplétude à laquelle il ignore comment remédier et s’emploie donc à chercher
la voie de sa rédemption. Il cherche surtout à se réhabiliter à ses propres
yeux, en fait.
A bien y regarder, le
malaise n’est pas nouveau chez Olivier Adam. Il tourne autour de lui dans à peu
près tous ses livres. Mais il ne l’avait jamais exploré avec autant de
constance, ni creusé si loin, au-delà des apparences. A-t-il eu raison de le
faire ? L’auto-analyse sauvage à laquelle se livre son narrateur est assez
riche en découvertes intimes pour mériter d’être suivie jusqu’au bout. Mais cette
démarche, par sa nature même, entraîne des répétitions qui tournent au
ressassement. Le romancier s’est peut-être laissé entraîner trop loin par son
personnage, il n’a pas gardé la main sur un livre qui lui échappe par moments –
les moments où le lecteur se demande dans quoi il s’est laissé entraîner.
Il n’en reste pas moins qu’Olivier Adam est
assez doué pour présenter plaisamment un menu banal. Son sens de la formule le
sauve de l’ennui. Et nous en même temps.