Jean-Jacques Eigeldinger, Chopin, âme des salons parisiens. 1830-1848, Paris, Fayard, 2013, 336 p. Bibliogr, Index.
La vie musicale au début du 19ème siècle à Paris est une vie de salon plus que de concerts. Mélomanes et compositeurs interprètes passent d'un salon à l'autre, plusieurs parfois dans une même soirée. Les banquiers, les ambassades, les puissants du moment ont leur salon. Et, bien sûr, Pleyel, éditeur de partitions, facteur de pianos renommés, tient un salon qui contribuera au marketing sophistiqué de ses produits.
Chopin donne peu de concerts ; il juge le concert peu propice à la musique, trop contraignant, relevant de la "machine" à gagner de l'argent (cf. p. 268). Chopin ne joue quand ça lui chante, quand il n'a pas "mal aux nerfs", il joue pour de petites assemblées, avec ses amis, ses élèves, ses proches (Delacroix, Heine, Georges Sand, Berlioz, Liszt). Ce n'était pas "l'homme de la foule", dira Berlioz (qui lui envoyait du "Chopinetto mio" !). Le plus souvent, Chopin improvise ; il a longtemps refusé les programmes imprimés. On n'a donc peu de traces de ces interventions dans les salons, sinon par des mentions, dans les courriers et dans la presse. De la plupart de ses improvisations, il ne reste rien, son oeuvre "enregistrée" (partitions, disques, CD, etc.) ne représente qu'une partie limitée de son oeuvre.
Parmi les objectivations du réseau de Chopin, notons celle que manifestent, par exemple, l'ensemble des lettres de recommandation qu'il peut obtenir pour un de ses élèves, partant en voyage à travers l'Europe. Le réseau a une géographie : proximité sociale et spaciale (dans le quartier, la ville) jouent un grand rôle. La communication se fait de bouche à oreille, mais également par une correspondance continue, lettres et billets. Le réseau social numérique n'a fait qu'exploiter un besoin banal, lui apporter une technologie commode et bon marché.
L'auteur, Jean-Jacques Eigeldinger, Professeur à l'Université de Genève, est un spécialiste de l'oeuvre et de la vie de Chopin ; il lui a consacré de nombreux livres. Son ouvrage sur Chopin et les salons parisiens, qui comporte de nombreux documents (pp. 113-263), est une référence pour les mélomanes, les historiens et les fans de Chopin : ils y découvriront un musicien polyglotte, complexe, qui aimait aussi se déguiser, imiter, fair le clown. Un homme sympathique, mal connu.