Il ne viendra plus. Il viendra forcément. En retard. Un problème. Des problèmes. Des contretemps. Des accidents. Ton cœur bondit.
Il a oublié. Il va venir. Il ne peut pas oublier. Il met du temps à se préparer pour toi. Vendredi. Les embouteillages de la ville. On ne sait pas.
Tu as la lumière. Tu as tes lunettes. Tu as ton livre. Pourtant tu ne lis que des souvenirs à la place des lignes noires. Lui évidemment. Sa peau. La tienne. Le reste. Les étreintes torrides qui épuisent vos sens. Ce n’est que ça : du torride.
Une histoire normale. Tu te concentres. Deux mots. Une phrase. Et tu bifurques. Ta mémoire se plait à se vautrer dans des scènes lascives aux allures de fantasmes. Te vautrer. Avec lui. Avec son fantôme en attendant. En italien, fantôme se dit « fantasma ». Les deux mots sont pour l’heure si proches qu’ils sont synonymes. Car c’est bien son fantôme qui rôde dans ta tête, que tu crois voir passer, là, par la vitre pas nette. C’est bien son fantôme qui a laissé des traces sur ton cœur comme sur un lit. Son corps emboité dans la matière. Son empreinte sur les draps, au matin. Fantasme. Fantasma. Les termes se mélangent alors que, sur les feuilles que tu tournes, les mots n’existent plus ; ils ont fui dans le réel à l’insipide odeur. Toi, tu es dans le rêve. « On est dans un rêve. » Tu ne sais plus. Tu ne sais plus qui, de lui ou de toi, a prononcé ces mots. Sa bouche ou la tienne. Ou l’une sur l’autre. Ou l’une dans l’autre. Votre bouche unique scellée par le désir. Votre bouche incendie qui embrase le monde.