Hier soir, nous étions confortablement installés dans le bar culturel "Chez ta mère" pour écouter un trio au nom qu’on espère programmatique: Anticyclone. Difficile de définir ce trio car si, d’un clin d’œil, ils font suivre leur nom de groupe d’un ultra référencé "Tu perds ton vent froid", les hard-rockers n’y trouveraient leur compte qu’au prix d’une concession définitive aux rifts saturés.En fait, Anticyclone pourrait se résumer aux mots de Marek Kastelnik, le pianiste du groupe: "C’est l’histoire d’un mec à qui il arrive des trucs". Car leur musique est narrative. Sans parole, sans posture, elle se prête néanmoins à un récit d’histoires imaginaires. Et, si le spectateur a toute latitude pour inventer le récit qu’il souhaite, on y trouvera aisément quelque chose de l’ordre du fantastique. Ainsi leur revisite de "I’ll shoot the Moon", de Tom Waits, nous raconte un improbable qui, pourtant, se déroule devant nos yeux. Magie des notes, des postures, des sons, nous sommes à la croisée du folklore moderne, du néo-trad, d’une musique qui n’est pas sans rappeler les arts du cirque, le tout dans une mise en scène savamment orchestrée. Ainsi le piano ouvert de Marek Kastelnik laisse-t-il voir les marteaux frapper les cordes comme on imagine une danse de cabaret. Le fifre de Charlène Moura évoque la musique traditionnelle, comme dans "Symposium", voire les activités pastorales quand elle hèle l’auditoire. Et quand on connaît le goût de Frédéric Cavallin pour les expériences musicales, on comprendra tout ce qu’il y a de liberté et de possibles dans ce répertoire.De l’imaginaire à l’âme, il n’y a qu’un pas que le groupe s’autorise pour notre plus grand plaisir. Avec "Bassine", Anticyclone nous amène à découvrir l’âme de cette femme, ainsi nommée. Cette mise à nue spirituelle se fait avec beaucoup de respect et, dans un crescendo envoûtant, elle enrichit notre imaginaire. Via les ritournelles, les phases obsédantes, les berceuses, les moments où tout sonne comme un carillon, Anticyclone, à l’instar de "la marche des bœufs" ou encore du "dîner des amants", peint et dépeint des scènes aux touches impressionnistes.Hier, les douze morceaux s’enchaînèrent comme on lit un recueil de nouvelles ou comme on regarde un film d’excellente facture: avec délice, jusqu’au tak de fin.Gilles
PS: le trio sera dans le Lot le 30 juin prochain à Montgesty dans le cadre du festival Chercheurs d'étoiles.