Les Mérovingiens sont la dynastie qui régna sur une très grande partie de la France et de la Belgique actuelles, ainsi que sur une partie de l'Allemagne et de la Suisse. Ils règnent dès la fin de l’Antiquité (au Ve siècle), immédiatement après la fin de la période gallo-romaine, jusqu'au milieu du VIIIe siècle, lorsque Pépin le Bref se fait couronner roi en 751 et inaugure la dynastie carolingienne.
La dynastie mérovingienne est issue de l'aristocratie franque, une entité politique et culturelle qui traverse certains peuples germaniques. Ceux-ci, réunis en ligue depuis le IIIe siècle de notre ère, ont progressivement intégré le nord-est de l'Empire romain. Depuis les premières années de l'empire, des groupes migrants plus ou moins homogènes n'ont eu de cesse de se déplacer d'est en ouest, poussés par d'autres migrants venus de l'est, et attirés par la stabilité de la Pax Romana en Gaule. Les premiers ont été intégrés à l'empire, soit dans l'armée soit au titre de colons, les suivants ont profité de la débâcle progressive de l'autorité romaine dans ces régions. A la fin de l'Empire, soit au cours de la seconde moitié du Ve siècle, certaines familles franques avaient acquis richesse et autorité - par la loi ou par la force - et formaient l'aristocratie qui verra naître en son sein la dynastie mérovingienne.
Cette lignée est issue des peuples de Francs saliens qui étaient établis au Ve siècle dans les régions de Cambrai (Clodion le Chevelu) et de Tournai, en Belgique (Childéric). L'histoire des Mérovingiens est marquée par l'émergence d'une forte culture chrétienne parmi l'aristocratie, l'implantation progressive de l'Église dans leur territoire et une certaine reprise économique survenant après l'effondrement de l'Empire romain.
Le nom mérovingien provient du roi Mérovée, ancêtre semi-mythique de Clovis. Ils étaient aussi appelés "rois chevelus" (rex crinitus) au début de leurs dynasties.
Il existe une légende sur Clodion ou plus exactement sur Mérovée. Grégoire de Tours n'a pas voulu la reprendre car elle était trop païenne. Mais la chronique de Frédégaire, au VIIe siècle, moins regardante, nous la donne. La voici résumée par Godefroid Kurth : « Un jour que la reine, femme de Clodion, déjà enceinte, se baignait dans la mer, un dieu s'unit à elle, et de cette union naquit Mérovée, le héros éponyme de la dynastie franque. » Le dieu en question est une Bistea Neptuni ("Bête de Neptune"), un Quinotaure, un dieu fluvial cornu. Enceinte une deuxième fois, les deux sangs se mélangèrent pour donner naissance à une nouvelle dynastie dont les membres étaient investis de grands pouvoirs et d'une aura de magie et de surnaturel, caractéristique des Mérovingiens.Cette légende semble calquée sur celle du Minotaure issu des amours de Pasiphaé, femme de Minos, avec un taureau marin. Le taureau est aussi un symbole de Baal, d'Indra, d'Apis,...
Mais que serait ce quinotaure ?
« La "Bistea Neptuni" est la "bête de Neptune" ou pour se placer dans le registre de la mythologie grecque, la " bête de Poséidon". Le "Quinotaure" s’apparente au "Minotaure": étymologiquement "Minotaure" signifie "Le taureau de Minos". Rappelons brièvement la légende grecque du Minotaure: Minos, roi de Crète, implore Poséidon de lui procurer un superbe animal qu’il s’empressera de lui sacrifier. Poséidon fait alors surgir des flots un magnifique taureau blanc, mais ébloui par la beauté de l’animal, Minos se refuse à sacrifier une telle bête et lui substitue pour le sacrifice un autre taureau. Poséidon n’est pas dupe du subterfuge et, pour se venger, rend la femme de Minos amoureuse du taureau blanc. Cette passion conduira à l’accouplement monstrueux du taureau et de la femme de Minos et à la naissance tout aussi monstrueuse du "Minotaure", mi-homme, mi-taureau.
Suivant une construction étymologique similaire, le Quinotaure signifie le "Taureau de Quin", sauf que là nous ne sommes pas renvoyés explicitement vers le nom d’un roi, comme ce fut le cas avec Minos. Cependant, le vocable Quin est facilement identifiable: vocable germanique qui a donné en anglais "King", le roi, et que l’on retrouve également dans la fameuse légende médiévale de la "Mesnie Hellequin", c’est-à-dire étymologiquement la "Mesnie du Roi de l’Enfer" ("Hell" = enfer en allemand). Le Quinotaure est donc "le taureau du roi"; oui, mais de quel roi ? Nous savons aussi que ce Quinotaure est une "Bistea Neptuni", une bête de Poséidon.
Rappelons que la légende nous dit que l’Atlantide était le "continent" échu à Poséidon, lors du partage du monde entre les dieux, et qu’il mit à la tête de l’Atlantide ses dix fils, les 10 rois de l’Atlantide; l’un des rois, l’aîné, étant Atlas, éponyme de l’Atlantide. Toute la vie religieuse de l’île tournait autour du culte du dieu des mers et des océans, Poséidon, souvent représenté avec un trident, emblème de son pouvoir, repris d’ailleurs comme un attribut du diable dans l’iconographie chrétienne. »
Le Quinotaure, le taureau du roi et bête de Poséidon, père légendaire de Mérovée, serait donc une créature originaire de l'Atlantide.
« Si maintenant on se penche sur l’étymologie de Mérovée, on s’aperçoit qu’elle pose problème et a fait couler beaucoup d’encre car difficilement explicable dans le contexte linguistique du francique. Mais il faut se souvenir que le latin écrivait la consonne v comme la voyelle u et que par exemple nous en avons encore la trace en anglais avec le w qui se dit "double u" et non "double v". Et dans le mot français "huile", la raison d’être du h est qu’il permettait de distinguer le mot d’un autre mot, à savoir "vile" s’écrivant avec l’alphabet latin "uile".
Or, si l’on regarde dans le "Traité de l’orthographe françoise" de Charles Le Roy (1775), à l’article "Mérovée" on lit ceci: " Mérovée, Troifième Roi des Francois. On a dit aussi Mérouée; mais Mérovée a prévalu, comme on le voit dans fon adjectif Mérovingien ".
Mérouée est très proche de Mérou. Or le Mérou Royal, dont le nom scientifique est "Mycteroperca rubra", est une espèce de poisson que l’on trouve autour des îles de l’Atlantique (Açores, Madère, Canaries, Cap-Vert). »Le Quinotaure serait-il un de ces "dieux amphibiens" décrits dans de nombreux mythes ? Ces "dieux" étaient-ils des créatures dont Poseidon était le chef ? Et la lignée mérovingienne est-elle la progéniture hybride de l'un d'entre eux
« Je me suis penché sur les armoiries arborées par la royauté franque, et quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que le modèle archétypal du lys était le crapaud mérovingien. Au musée de Reims, sur la tapisserie représentant la victoire de Tolbiac, on peut voir Clovis revêtu d’un surcot jaune " semé de crapauds de sable ", sur le bas-relief d’Orléans figurant une bataille entre Francs et Germains l’étendard fleurdelisé est apparié avec un étendard chargé de trois crapauds noirs. Au XVIème siècle, dans la chapelle du château de Frankenbourg, dont le fondateur serait Clovis lui-même, on pouvait admirer une fresque figurant les armoiries du roi, " trois crapauds noirs sur champ blanc ". L’armorial du héraut Gelre vers 1400 mentionne l’écu " d’azur à trois crapauds d’or " et l’attribue à Priam présenté comme l’ancêtre de Clovis. L’armorial charolais de 1430 présente l’enluminure du blason du " Roy de Franche en Allemagne, d’or à trois crapau de sinople ". L’armorial de Grünenberg (1483, Allemagne) présente à la page relative au roi de France un écu d’azur à trois crapauds d’or. On sait que le roi Philippe le Bel accorda un fief à son fruitier Adam de Valmondois, à charge pour chaque mutation de seigneur d’offrir deux arçons de selle à cheval, l’un aux armes communes de France, l’autre aux armes de Clovis, on savait donc faire la différence entre les deux armes. Dans " le songe du vergier ", œuvre commandée officiellement par Charles V en 1378, il est question des " 3 troys crapaux " de Clovis. L’empereur du Saint Empire Romain Germanique Maximilien 1er commémora Clovis statufié dans la Hofkirche d’Innsbruck: le roi franc y tient un écu parti de trois crapauds et de trois fleurs de lys.
Michel de Notre-Dame dans ses centuries évoque " Le très puissant Seigneur, héritier des crapaux " qui " subjuguera sous soy tout l’univers " désignant ainsi le rejeton mérovingien. Blaise de Vigenère, cryptographe de Henri IV et naturaliste éclairé, écrivait: " J’ai souvent vu par expérience récréative que la cervelle du coq est faite en forme d’un crapeau bien formé et qu’estant renversé de l’autre costé elle ressemble à une fleur de lys, qui sont les armes des Français et des Gaulois ".
La transition formelle du crapaud au lys est illustrée sur la quatrième tapisserie de la tenture de la vie de Saint Remi, on y voit un ange apportant les lys de France, il s’agit là de la pieuse légende rapportée par Joyenval. Jean du Tillet dans son fameux " Recueil des roys de France " (1586) considère que l’envoi des armes fleurdelisées à Clovis par un ange est une fable inventée sous Charles VI. Les frères Scévole et Louis de Saincte-Marthe, historiographes du roi, écrivent en 1628 une " Histoire généalogique de la maison de France ", mais ils ne font commencer la série de leurs gravures des armes royales qu’à Hugue Capet, estimant eux-aussi que l’histoire de Joyenval n’est qu’une légende.
Mais bizarrement, si tous ces auteurs reconnaissent le caractère légendaire de l’histoire rapportée par Joyenval, tous vont s’employer à nier également le caractère historique des armes crapaudières: Jean du Tillet s’échinera à montrer que les lys étaient déjà les armes mérovingiennes, avec des exemples tels que celui du " soulier de Clothaire 1er " ou encore celui du " bout du sceptre de Chilperic " qui feront sourire les médiévistes. Louis Moréri dans son " Grand Dictionnaire Historique " (1759) écrira: " L’opinion qui donne à la France trois crapaux ou trois couronnes pour armes, est fabuleuse & n’a point d’autorité; quoiqu’on nous veuille persuader que l’on en voit encore des marques sur les portes de la ville de Bayonne & en quelques autres endroits du royaume(…) mais pour les crapaux, il y a apparence que les fleurs de lis paroissant mal formées dans les vieilles peintures, on les a prises pour ces animaux à qui elles ressembloient en quelque façon ". Cela fera bondir le grand spécialiste du bas Moyen Âge Michel Rouche qui commentera par: " Navrant dictionnaire… " Arrêtons nous cependant un moment sur la troublante similitude géométrique entre le lys et le crapaud stylisé, les deux pétales recourbés ressemblant étrangement aux deux pattes repliées du batracien, mais contrairement à l’opinion anhistorique de Louis Moréri ce serait la forme du lys qui serait dérivée de celle du crapaud et non l’inverse:
Pourquoi donc ces auteurs de l’Ancien Régime ont-ils farouchement nié l’origine crapaudière des armes de France ? Et même pour aller plus loin pourquoi le symbole du crapaud est-il devenu synonyme de laideur et emblème du diable ? En effet, dans le " Dictionnaire archéologique et explicatif de la science du blason " (1901) du Comte Alphonse O’Kelly de Galway, il est écrit à l’article " crapaud ": " Dans l’iconographie sacrée, il est le symbole de l’impureté ". Dans l’iconographie traditionnelle, on peut effectivement constater que l’écu de Messire Diable est frappé de trois crapauds, tout comme pour les Mérovingiens:
Les membres d’une confrérie de sorciers de la campagne anglaise du Cambridgeshire, adorateurs du " Dieu Cornu ", étaient même surnommés les " Hommes crapauds ", preuve s’il en est de la diabolisation du symbole du crapaud, sans compter ses multiples emplois dans les recettes de sorcellerie.
À propos d’ " homme crapaud ", la sculpture d’une stalle de chêne de la cathédrale d’Auch nous présente une bien curieuse représentation, celle d’un " roi-crapaud ":
À voir également le " crapaud de Clovis " présent sur un chapiteau de la Collégiale de Poissy, antérieur à la Collégiale, le seul restant, les autres ayant mystérieusement disparus. ».