Sa femme Katie (June Squibb) et ses deux fils, David (Will Forte) et Ross (Bob Odenkirk) essaient bien de le ramener à la raison, mais le vieillard est têtu comme une mule. Il veut toucher ce million pour s’acheter une nouvelle fourgonnette – même si son permis lui a été retiré – et un nouveau compresseur – objet dont il n’a pas vraiment besoin, mais qui remplacera celui que son ancien associé lui a “emprunté”, quarante ans auparavant.
Face à l’obstination de son père, David décide de l’accompagner jusqu’au Nebraska pour qu’il aille au bout de sa démarche absurde.
Cela donne un sympathique “road-movie”, drôle et sensible, qui prend le temps de s’attacher à ses personnages, principaux comme secondaires. On met volontairement des guillemets à “road-movie”, car le trajet en lui-même est assez court et que l’action se concentre plus sur la halte à Hawthorne, la petite ville dont sont originaires Woody et Katie.
Le vrai voyage est un voyage mémoriel, sur les traces du passé. Woody et Jean replongent avec délice dans leurs souvenirs de jeunesse. David découvre ses parents sous un autre jour, à la lumière des témoignages d’autres membres de la famille, de vieux amis ou de vieux amants, et il se pose forcément des questions sur sa propre situation, lui qui peine à s’engager et à fonder une famille…
Au bout de la route, il n’y aura peut-être pas le million promis, mais le trésor qu’ils dénicheront in fine – le temps passé ensemble, la complicité retrouvée, les moments de bonheurs partagés – est bien plus précieux que tout l’argent du monde.
Le spectateur qui aborde ce film est un peu dans la même situation que David Grant face au délire de son père. Il sait d’emblée qu’il ne va pas voir un chef d’oeuvre du septième Art, une de ces oeuvres monumentales qui imposent immédiatement le respect en écrasant toute concurrence. A vrai dire, il n’a pas d’attente particulière vis-à-vis de Nebraska. Mais il va sans doute se laisser séduire par le ton doux-amer de cette chronique familiale, apprécier les dialogues, souvent très drôles, les performances des acteurs, touchants, ou l’environnement visuel de l’oeuvre, un noir & blanc au grain particulier, dans l’esprit de certaines oeuvres de la fin des années 1970 ou du début des années 1980 Et enfin, il trouvera sûrement une résonnance de sa propre histoire dans ce récit universel autour des relations entre parents et enfants.
Il convient maintenant de briser une idée reçue totalement injuste : Non, Alexander Payne n’est pas qu’un habile faiseur américain, évoluant à la frontière entre cinéma indépendant et productions à plus gros budget. Son parcours, de Monsieur Schmidt à The Descendants, en passant par Sideways, ne comporte à ce jour aucune faute de goût et porte l’empreinte d’un véritable auteur, aux obsessions récurrentes – les relations humaines, la peur du vieillissement/ de la maturité, les échanges entre parents et enfants.
Bien qu’un peu moins puissant, dramatiquement parlant, que The Descendants, le précédent film du cinéaste, Nebraska est néanmoins un film de haute tenue, porté par une mise en scène aussi sobre et efficace que le jeu de ses acteurs, tous parfaitement justes et très touchants. Il confirme en tout cas qu’Alexander Payne fait partie des réalisateurs américains à suivre. Le jury cannois, présidé par Steven Spielberg, pourrait bien l’aider à s’imposer dans la cour des grands en lui attribuant un des prix du palmarès, voire la Palme d’Or. On n’en est pas encore là évidemment, mais si jamais le jury décidait de primer la simplicité, il faut bien reconnaître que Nebraska ferait une belle Palme d’Or “populaire”…
Notre note : ●●●●●○