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Le retrait américain, ou beaucoup de bruit pour rien

Publié le 24 mai 2013 par Egea
  • Déclin
  • Etats-Unis
  • Géopolitique

Leading from behind, nous a-t-on asséné au moment de la Libye. Pivot, racontait-on avant. Peut-être... mais où en est vraiment l'Amérique ? et si tout ça n'était pas, finalement, au-delà des rodomontades, un "doing nothing from behind" ? Ce serait habile, remarquez : faire croire qu'on a encore un projet, quand non n'en a plus. Mimer la puissance globale, quand on n'en peut mais. Explorons un peu ...

Le retrait américain, ou beaucoup de bruit pour rien
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Le premier mandat d'Obama avait été marqué par une ligne simple de politique extérieure : sortir d’Irak, et considérer l'AfPak comme un tout, pour agir puis sortir. Sortir d’Afghanistan fut au programme du deuxième mandat. Retrait en 2014 puisque OBL a été tué, nous y voilà. Et puis ? Et puis la prise en compte d'une "war fatigue". Appelez cela comme vous voulez : isolationnisme ou post-héroïsme ou je m'en foutisme, mais les Américains n'ont plus envie. Rien, basta, pas de néo-wilsonisme plus ou moins botté. D'autant que le blocage du système politique (Tea Party, super PACs, radicalisation du Congrès, sequester, ...) conjointement à une économie toujours languissante, malgré les shoots à haute dose d'héroïne pure financière opéré par la Fed et le one shot du gaz de schiste (ah oui : on ne parle pas trop du shale gas peak......) ont ramené l'Amérique à son besoin originel : se considérer comme une île, et tant pis pour le reste. Être préoccupé de soi-même, bien que ce ne soit guère enthousiasmant. Red neck et armes individuelles, voici quand même un centre d'intérêt primordial, non ?

La réaction du gouvernement (la vraie traduction d'Administration) ?

  • l’intensification des attaques indirectes et à bas bruit : forces spéciales, drones et cyber, come signalé lan dernier par JL Gergorin dans Commentaires.
  • aucun changement en ce qui concerne la GWOT (global war on terror), et maintien de Guantanamo, où l'on gave de force les grévistes de la faim
  • une stratégie cyber ultra agressive, qui prône non seulement des actions offensives, mais aussi l'escalade de la violence (riposte conventionnelle voire nucléaire à des cyber attaques), sans même parler des délires sur le cyber Armageddon ou cyber Pearl Harbour
  • Fabrication hystérique d'un ennemi chinois, pour reproduire un schéma bipolaire de guerre froide, qui n'a plus grand sens (le cyber et la guerre économique n'est pas le nucléaire, la Chine n'est pas l'URSS)

Beaucoup de bruit pour rien ? Probablement.

  • En fait, le pivot constitue la façon élégante de dire qu'on n'a plus les moyens d'investir/agir dans les plaques Europe, Proche- et Moyen-Orient, et Afrique. Même en indirect, puisque les dernières actions françaises (Libye ou Mali) sont des chants du cygne (et que l'action d'Africa Com n'a pas été des plus probantes au Mali, pour le moins).
  • La séquestration marque une décroissance du budget militaire. Certes, les États-Unis sont capables de décroître leur effort de défense car ils sont crédibles lorsqu'ils annoncent que cela n'est que passager (à la différence de l'Europe où les effets cliquets sont irrémédiables). Pourtant, on a cette fois l'impression qu'ils n'ont tout simplement plus les moyens. Et que leur surenchère guerrière n’est plus la solution qu'elle fut.
  • Enfin, quels que soient les discours stratégiques (air sea battle, contre déni, ...), on a le sentiment qu'eux-mêmes n'y croient plus. Qu'ils doutent de l'utilité des armes pour résoudre une "crise". Et que leur accumulation d’armement a été finalement inutile, puisqu'elle n'impressionne plus.

C'est probablement ce constat qui a mené Obama à prononcer son discours à la NDU, jeudi, portant sur le terrorisme et les drones. Je remarque au passage qu’il ne prononce pas le mot "cyber".

Tous les propos stratégiques américains ne seraient, alors, que l'expression d'un retrait américain, camouflé tant bien que mal. Toujours bruyant, impressionnant encore la cour qui n’existe que par son suivisme, mais destiné en fait à cacher le roi nu. Et qu'au bout d'un moment, même le viagra ne cache plus la réalité de l'impuissance.

J'écrivais encore récemment sur égéa que les États-Unis étaient la seule puissance à avoir encore des ambitions globales. Je n'en suis même plus si sûr.

Ce qui vient conforter mon hypothèse de balkanisation du monde, et d'un monde néo-hobbésien.

Voici le vrai tournant stratégique de 2013. Il n'a pas été suffisamment décrit dans le LB. Et bien sûr, on n'en a pas tiré les conclusions pour le monde de dans cinq ou dix ans. QUI sera plus dangereux que celui d'aujourd'hui...

Réf : on lira l'excellent dossier de ce mois dans la dernière livraison de la RDN, consacré à ce pivotement américain.

O. Kempf


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