Autant le dire tout de suite, si vous vous attendez à découvrir un nouveau Drive en allant voir Only God Forgives, vous risquez d’être sacrément déçus. Effectivement, le film ne ressemble en rien à son prédécesseur, qui était quand même un simple film de commande quand on y réfléchit, mais se rapproche plutôt des réalisations précédentes de Refn (notamment Valhalla Rising). Enfin rien, pas tout à fait ! On peut tout de même retrouver un élément constant de la filmographie du réalisateur : un visuel soigné. Et c’est d’ailleurs une des grosses satisfactions de ce Only God Forgives puisque la sublime photographie de Larry Smith (Eyes Wide Shut) combinée à l’excellente mise en scène de Refn nous offre un moment de cinéma absolument somptueux d’un point de vue purement visuel. Cela peut paraître anecdotique présenté comme ça mais en ce qui me concerne, c’est un paramètre qui peut facilement me faire accrocher à un film. D’abord car c’est forcément plus agréable de bénéficier de superbes séquences dans lesquelles les lumières et les couleurs sont minutieusement travaillées. Et ensuite car cela a tendance à renforcer l’impact des scènes quand c’est utilisé à bon escient.
Mais les qualités techniques ne se limitent pas à la beauté des images puisque l’histoire jouit également d’un montage particulier qui nous plonge dans une sorte de labyrinthe mental où se mêlent rêve et réalité. Et la quête du personnage interprété par Ryan Gosling ne prend justement tout son sens qu’à travers le découpage du récit et la mise en scène du réalisateur. Néanmoins, si le montage peut avoir l’air complexe techniquement, l’histoire est quant à elle extrêmement simple (trop diront certains) et peut tenir en quelques mots. Un défaut? Pas vraiment car avec Nicolas Winding Refn derrière la caméra, cela devient une véritable œuvre d’art où chaque mouvement a son importance et chaque scène a sa propre signification. Les métaphores sont ainsi nombreuses et le film passe en revue une multitude de sujets tels que l’impuissance, le complexe d’œdipe ou encore le rapport au femme. Et même s’il ne les exploite pas à fond, cela donne tout de même matière à réflexion. Quant à la violence, thème cher au réalisateur, elle est à nouveau bien présente et se révèle aussi brutale et malsaine que l’on pouvait s’y attendre, tout en étant jamais gratuite. Enfin, en ce qui concerne le trio d’acteurs, j’ai surtout été impressionné par la performance saisissante de Kristin Scott Thomas dans un rôle très loin de ce qu’elle a l’habitude de faire. Elle incarne avec brio cette mère castratrice et nous gratifie de quelques dialogues aussi cinglants que savoureux. C’est de loin le personnage le plus bavard du film et ses apparitions font beaucoup de bien au récit. A ses côtés, Ryan Gosling ne déçoit pas mais sa prestation est toutefois moins mémorable que celle de Drive car son personnage de faible et frustré ne lui offre pas de grandes libertés d’interprétation. Il est cependant toujours aussi charismatique et n’hésite pas avec ce film à casser son image en en prenant littéralement plein la tête. Enfin, je ne connaissais absolument pas Vithaya Pansringarm et je l’ai trouvé excessivement bon dans la peau du méchant de service. Glacial et terrifiant, il a une vraie tête de bad guy et remplit son rôle à la perfection. Signalons également pour finir que c’est une nouvelle fois Cliff Martinez qui signe la BO du film et que si elle est peut-être moins percutante que celle de Drive, elle n’en demeure pas moins tout aussi efficace.En conclusion, Only God Forgives est donc un film nettement moins grand public que son prédécesseur mais tout aussi réussi. En particulier sur la forme qui nous plonge de belle façon dans un trip cauchemardesque intense et violent. Les acteurs sont extrêmement convaincants et si le scénario semble parfois montrer ses limites, l’expérience sensorielle inédite que le film procure compense largement A voir en connaissance de cause !