Une question de chiffres
Accordons aux détracteurs de l’économie française, le recul du PIB national au premier trimestre, officialisé récemment, qui plonge techniquement le pays en récession après deux trimestres consécutifs à - 0,2 % de baisse de PIB. À cela s’ajoutent la contraction de l’activité industrielle, encore observée en avril, et la faiblesse de la consommation des ménages dont le pouvoir d’achat baisse. Dans le même temps, de l’autre côté du Rhin, un tableau autrement plus enthousiasmant nous est dépeint. L’économie allemande serait parvenue à grappiller + 0,1 % de croissance lors des trois premier mois de l’année, un rebond bienvenu après le faux pas de fin d’année 2012, qui avait coûté - 0.6 % au dernier trimestre. À confronter ces seuls chiffres, il est aisé de pointer du doigt la fébrilité de la deuxième économie européenne face au leader germanique.Et pourtant. On peut mesurer la dimension récessive de ces deux économies sous un autre angle. Sur les six derniers mois, considérés dans leur continuité, le PIB allemand a décru de -0 ,6%. La France a fait mieux en ne concédant que - 0,4 %. Et non corrigées des variations saisonnières, la croissance de l’Allemagne ressort à - 1,4 % annualisé. Il est donc probable que l’Allemagne soit en réalité d’ores et déjà en récession, d’autant que la sincérité des indicateurs macroéconomiques allemands, dans leur construction statistique, est historiquement très discutable ! Ainsi si l’INSEE produit des statistiques rigoureuses et faisant rarement l’objet de révisions importantes, il est raisonnable de penser que les statistiques allemandes seront révisées de nouveau.
Les problèmes allemands
Un exemple interpelle : le PIB allemand était attendu à + 0,2 % sur un trimestre, hors variation saisonnière (en annualisé), il est finalement ressorti à - 1,4 % mais a subi une révision saisonnière bien plus importante qu’attendue, pour finir en légère hausse. À croire que les sondages n’avaient pas anticipé les jours fériés ? L’avenir nous donnera le détail de ces statistiques qui suscitent clairement le doute.Surtout, les observateurs ont souvent tendance à occulter les difficultés démographiques auxquelles l’Allemagne est confrontée. Le renouvellement générationnel pâtit de la faible dynamique du taux de natalité, parmi les plus bas au monde (à près de 8,3 ‰), et du vieillissement de la population, aujourd’hui la plus âgée d’Europe. La décroissance programmée de la proportion d’actifs, n’est pas en mesure d’être compensée par les flux d’immigration, qui depuis près d’une décennie ont tendance à ralentir malgré la forte incitation mise en place par le gouvernement. Au point de créer un déséquilibre migratoire, au profit de l’émigration.
Les perspectives s’assombrissent
Cet aspect risque inévitablement de peser sur la croissance, en altérant la vigueur de la consommation et de l’emploi, mais aussi en réduisant les recettes fiscales de l’Etat et en augmentant les dépenses sociales. À plus court terme, la démographie allemande explique en grande partie la faiblesse du chômage, bien plus modéré qu’en France (6,9 % contre 11 %). Si l’emploi fait encore preuve de stabilité aujourd’hui, cette prouesse reflète davantage une absence de compétition sur le marché du travail, plutôt qu’un dynamisme soutenu ! Rappelons que le chômage japonais était de 1,9 % en 1980, sans que cela n’ait été annonciateur d’un puissant essor économique.Au final, difficile de comprendre qu’un pays dont la croissance historique est nettement plus faible qu’en France (la croissance française a été systématiquement supérieure à la croissance allemande de 1998 à 2005), qui subit à nouveau une perte de vitesse depuis neuf mois, et dont le chômage bas reflète une faiblesse démographique, soit toujours vu comme le bon élève européen. Si les entreprises allemandes ne sont pas l’Allemagne, les perspectives s’assombrissent néanmoins rapidement !
À propos de l’auteur : Thibault Prébay est directeur de la gestion Taux chez Quilvest Gestion.