Avec l’arrêt de Dr House, la fin de son stock de Mentalist, (et oui ça file vite quand on les diffuse par 3) et la peur que la ménagère se rende compte qu’elle a déjà vu 6 fois tous les épisodes d’Esprit Criminels, TF1 devait se trouver un nouveau champion des mercredis soirs. C’est chose faite avec Unforgettable, que la première chaine d’Europe a diffusé dans le désordre devant plus de 7 millions de téléspectateurs (qui auraient été sans doute aussi nombreux si l’épisode 5 avait précédé l’épisode 6). Carrie Wells (Poppy Montgomery – FBI Portés Disparus) est inspecteur à la NYPD mais surtout, elle atteinte d’hypermnésie, maladie rare, qui lui permet de ne jamais rien n’oublier, mais vraiment rien, ce qui s’avère très utile dans son travail mais pas trop trop dans sa vie privée. Elle rejoint la longue liste de héros de série affligés d’une maladie, que seul Hollywood arrive à rendre très glam. Diagnostic de ces malades en séries.
Même en dehors des séries médicales qui nous rendent tous hypocondriaques. Que celui qui n’a jamais googlé les symptômes du lupus après un épisode de Dr House me jette la première perf. Les maladies sont ultra présentes dans toutes les séries. Fini le rhume qui enlevait tous ses pouvoirs à Benoit Brisefer, le héros moderne puise sa force dans son affliction. De toutes sortes et de relatives gravités puisque c’est un peu comme dans la vie, les scénaristes les utilisent à tour de bras avec plus ou moins de réalisme comme supers pouvoirs de leurs héros, mettre la pression aux comédiens en période de renégociation ou ajouter un peu de fantastique.
La plus tendance, la bipolarité. En d’autres temps on aurait dit maniaco dépressive mais c’est moins sexy. Jusque là réservée aux personnages secondaires, comme la maman d’Abby Lockart (Maura Tierney) dans Urgences ou Erin Silver (Jessica Stroup) dans Beverly Hills 90210, la bipolarité s’incruste désormais dans le cerveau des héros. Hystérique, dépressif et désinhibé sexuellement, le personnage bipolaire peut se permettre tous les excès sans risquer de faire fuir le téléspectateur plein de compassion. Si Carrie (Claire Danes) est si attachante, c’est en grande partie grâce à sa maladie, qui joue un rôle à part entière dans l’histoire d’Homeland. Héroïne incroyable, à la fois brillante et capable du pire, les scénaristes peuvent tout se permettre. Privée de son lithium (qu’elle avale généralement avec un grand verre de Chardonnay), elle est transcendée par ses épisodes maniaques et reconstitue sur son tableau en liège toutes les connections d’Al-Qaeda en une nuit. Un gain de temps phénoménal en fin de saison, surtout quand on a été auteur de 24 et qu’on a pris l’habitude de régler les problèmes de terrorisme en une heure. Sa solitude face à sa condition augmente d’autant notre attachement. Personne ne doit savoir qu’elle est malade, car c’est assez incompatible avec son occupation professionnelle, ce qui ajoute un peu piment à l’intrigue et soulève quand même une question, y’aurait pas un bug au service du personnel de la CIA ?
La plus pratique, la tumeur au cerveau. Bon c’est super glauque mais elle est incontournable dans les séries. Son utilisation devenue excessive par des auteurs en manque d’inspiration est très diverse. Mais il faut dire que c’est du pain béni pour eux. D’abord, parce que c’est sans doute l’une des maladies les plus flippantes pour les hypocondriaques que nous sommes. Elle peut frapper tout le monde, à n’importe quel âge. Mais surtout elle peut être guérie ou pas et quand elle touche nos personnages préférés, le suspens comme les audiences ne peuvent qu’augmenter. Et ça quand on est scénariste, ça n’a pas de prix. Si celles de Mark Greene (Anthony Edwards – Urgences) ou de Nate (Peter Krause – Six Feet Under) ont traumatisées une génération de téléspectateurs et ne peuvent être évoquées sans une larme furtive. Celle d’Izzy (Catherine Heigl) dans Grey’s Anatomy, a permis de faire revenir d’entre les morts Denny (Jeffrey Dean Morgan) pendant près d’une saison et surtout de mettre la pression sur la comédienne qui cherchait à renégocier son contrat. Vivra, vivra pas ? Signe et on verra… Un peu comme la bipolarité, la tumeur au cerveau permet aux producteurs de faire faire à peu près n’importe quoi à celui qui en est atteint. Basculer dans la psychopathie totale comme Kimberly Shaw (Marcia Cross) dans Melrose Place, faire apparaitre des fantômes (Six Feet Under), transformer entièrement un personnage trop fade (Billy Thomas – Ally Mc Beal) ou expliquer les pouvoirs surnaturels d’un héros (Medium). De Santa Barbara à Prison Break, en passant par Bones ou Private Practice, peu d’auteurs de dramas ont résisté à la tentation. Extrêmement anxiogène et devenue presque commune, c’est pourtant une arme scénaristique puissante dont Hollywood n’est pas près de guérir.
La plus drôle, les TOC. Le pape des troubles obsessionnels compulsifs, c’est bien évidemment Monk (Tony Shaloub). Sa manie de tout compter, d’aligner les bibelots et de se déplacer avec 12 boites de lingettes imbibées de solution hydroalcoolique est hilarante mais surtout lui permet de résoudre des énigmes (Mon Dieu, mais ce verre est sale, ce qui veut dire que le tueur est la femme de ménage !). Si dans la vraie vie les malades atteints de TOC vivent une véritable souffrance, à la télé, ils sont surtout là pour nous faire bien rigoler parce que le potentiel comique d’une personne obsédée est infini. Quoi de plus drôle qu’une Monica (Courtney Cox – Friends) qui s’enfonce dans son obsession du rangement au fur et à mesure des saisons jusqu’à en devenir pénible et que serait Sheldon (Jim Parsons – The Big Bang Theory) si il n’était pas obligé de frapper 3 fois sur la porte de Penny (Kaley Cuoco) ou de ranger ses céréales par ordre croissant de fibres. Bref, pour les auteurs de comédie, les TOC sont la nouvelle tendance du rire, à la limite de l’obsession.
Plongés dans leur Gray’s Anatomy[1], les scénaristes américains semblent partis pour trouver chaque saison une maladie plus rare et plus improbable afin de créer un nouveau genre de héros. Entre la lycanthropie (maladie du Loup Garou) et l’apractognosie algique (incapacité à ressentir la douleur), plus besoin de piqure d’araignée mutante ou d’expérience scientifique qui tourne mal pour donner naissance à des super-héros. Désormais, la Nature s’en charge. Sick is the new sexy. Atchoum !
[1] Livre écrit par Henry Gray, classique de l’anatomie humaine et livre de référence pour les étudiants en médecine en Angleterre et aux Etats-Unis.