L'harmonisation fiscale est la nouvelle tarte à la crème des partisans de l'europe-qui-nous-rend-plus-forts.
Avec l'harmonisation fiscale, tout ira bien et l'Union européenne sera enfin le truc efficace qu'elle a toujours voulu être.
En soi, ce rêve d'harmonisation dans tous les domaines est, à mon avis, un truc de dingues. Un symptôme qui devrait attirer l'attention de n'importe quel clinicien.
Peu importe, imaginons que ce soit un objectif louable.
J'aimerais alors qu'on m'explique pourquoi le statut de société européenne permet à une entreprise implantée dans n'importe quel pays membre, de choisir de s'installer juridiquement au Luxembourg, pour voir passer son impôt sur les sociétés à 6%.
Les échos citaient en effet récemment le cas de la société Solutions 30 qui va devenir "société européenne", grâce à quoi "cela fait aussi passer notre taux d'impôt sur les sociétés de 33 % à 6 %, c'est plus qu'appréciable mais ce n'était pas notre objectif premier", selon son dirigeant, qui est au choix, jésuite, pince-sans-rire, simplet ou un grand européen.
La simple adoption du statut de société européenne a donc un véritable effet magique - mais fera probablement perdre pas mal de rentrées au fisc français.
En matière fiscale, rien n'est simple et je ne voudrais pas m'aventurer trop fortement en soupçonnant ce statut de n'être qu'un instrument d'évasion fiscale.
Une recherche rapide me permet cependant de tomber sur une note juridique émanant d'un cabinet d'avocats spécialisé en droit fiscal, sur le statut de société européenne. Petit extrait : "les milieux industriels ont toujours incité la Commission à créer un instrument transnational transversal, plus ou moins hors d'atteinte des griffes du législateur national".
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Exemple typique de ce qu'est la construction européenne. Ce projet de société européenne est ancien (la note citée doit dater de 2002 ou 2003). Mais les lobbies les plus structurés, les entreprises, savent faire avancer leurs pions, dans l'indifférence totale.
Si l'opinion se rendait compte de ce que permet la "société européenne" en terme fiscal, de quoi auraient l'air les chefs d'état qui nous jouent du violon sur l'air de l'impérative harmonisation. Que n'ont-ils bloqué ce projet de statut européen en temps utile ?
Deuxième caractéristique de tout ce qui est européen : les insiders font avancer des mesures parfaitement discrètes, qui vident de tout contenu le pouvoir des élus, lesquels sont là pour faire croire aux populations que tout continue comme avant, et qu'ils ont les choses bien en main.
Vivement la fin de ce grand n'importe quoi.