Stephen Curry brille par sa capacité à allumer des mèches longue distance. (Sports Illustrated)
En l’espace d’un an, Golden State a changé de statut. Risée de la NBA durant près de deux décennies, les Warriors ont entamé un processus de reconstruction qui commence à porter ses fruits. Belle surprise des play-offs 2013, la franchise californienne a surpris son monde en atteignant les demi-finales à l’Ouest. Une métamorphose prenant racine dans les performances d’un homme : Stephen Curry.
Jeudi 16 mai. Il reste moins d’une minute à jouer lors de la sixième manche opposant Golden State à San Antonio. Le bouillant public de l’Oracle Arena se lève comme un seul homme, une vague jaune et bleue réservant une standing ovation à Stephen Curry qui rejoint le banc des remplaçants. Un requiem jovial aux allures de triomphe. Contraste saisissant. Car, à ce moment du match, les derniers espoirs des Warriors viennent de s’évaporer. Tony Parker et sa bande vont empocher la mise (82-94) et clore la série (4-2) pour tracer leur route vers les finales de conférence. La belle aventure est finie. Mais les applaudissements nourris de la salle à l’adresse de Curry restent révélateurs. L’éblouissant meneur de jeu vient tout simplement de ranimer la flamme de la balle orange dans la baie de San Francisco.
La cover de Sports Illustrated
Après un exercice 2011-2012 tronqué par des problèmes récurrents à la cheville droite, Stephen Curry a retrouvé le chemin des parquets plus déterminé que jamais. Propulsé leader de la jeune garde des Warriors depuis le trade ayant expédié Monta Ellis du côté de Milwaukee, le septième choix de la draft 2009 s’est parfaitement accommodé de son nouveau statut. Durant la saison régulière, le phénomène a pris une dimension nouvelle (22,9 points, 6,9 passes, 4 rebonds), claquant au passage 54 pions au Madison Square Garden un soir de février et confirmant sa réputation de shooteur d’élite, lui qui s’est payé le luxe de battre le nombre de paniers à trois points sur une campagne (272 à 45,3% de réussite !)
Dans le sillage de son point guard, Golden State s’est immiscé en play-offs à la faveur d’une sixième place à l’Ouest. Un printemps sous le signe des séries, chose devenue insolite à Oakland (2ème participation en 19 ans), qui a tourné au spectacle pyrotechnique sous la houlette d’un Curry ayant enflammé la planète basket un mois durant. Sur un nuage, le fils de l’illustre Dell a fait imploser la défense des Nuggets, enquillant les torpilles longue distance, faisant rugir de bonheur les fans des Jaune et Bleu tout en écoeurant l’adversité, à l’image de ce Game 4 incroyable où il inscrit 22 de ses 31 points dans le seul troisième quart-temps.
Les joueurs dirigés par Mark Jackson réalisent l’upset face à Denver (4-2) avant de se frotter à l’armada des Spurs au tour suivant. Lors de cette confrontation, et malgré la défaite finale face à une formation texanne plus homogène et expérimentée, Stephen Curry poursuit son effort. De nouveau en délicatesse avec sa cheville, le numéro 30 enchaîne des prestations de haute-volée, signant notamment 44 points lors du match inaugural et 22 unités décisives à l’occasion d’un succès de prestige dans la quatrième manche. Au final, il boucle les premiers play-offs de sa carrière avec des statistiques flatteuses (23,4 points, 8,1 passes, 42 paniers primés à 39,6%) et une couverture de Sports Illustrated à la clé, devenant le premier Warrior à recevoir un tel honneur depuis Latrell Sprewell en 1997 – pour son inoubliable coup de sang à l’encontre de PJ Carlesimo – et Lloyd « World B. » Free en 1980 ! Cette mise en lumière est tout sauf anodine. Le jeune maestro vient en effet d’affermir son image de franchise player en puissance, de la trempe de ceux capables de conduire leur équipe sur les routes du Paradis.
En route pour l’histoire ?
Depuis ses débuts, Stephen Curry a toujours dû prouver qu’il avait les épaules assez larges pour réussir. Après avoir fait ses classes dans une université de seconde zone (Davidson), il a dû subir les critiques de son coéquipier Monta Ellis sans avoir fouler les parquets NBA avant que les observateurs ne fustigent la direction des Warriors pour lui avoir offert un deal de 44 millions de dollars sur quatre ans en octobre dernier. « Baby Face » a toutefois continuellement mis un point d’honneur à prouver aux gens qu’ils avaient tort à son sujet. Car derrière sa gueule d’ange se cache un instinct d’assassin au sang froid.
Ses qualités dans le périmètre viennent même à se demander si le basket ne tient pas là l’un des meilleurs artilleurs de tous les temps. Les chiffres parlent pour lui. En quatre saisons, il affiche une réussite de 44,6% derrière l’arc (pour 5,6 tentatives par match), soit le deuxième meilleur pourcentage de l’histoire derrière Steve Kerr. Durant sa carrière, l’ancienne gâchette des Bulls a pris sa chance à 1599 reprises alors que Curry en est déjà à 1433 tentatives. Au-delà des statistiques, son style laisse rêveur. La pureté du geste, l’équilibre au niveau des appuis, l’efficacité dans toutes les positions flirtent avec la perfection. Mieux qu’un shooteur patenté comme Ray Allen ou Reggie Miller, le meneur de Golden State brille par sa propension à s’ouvrir des fenêtres et par la justesse de la sélection de ses tirs. Ses qualités de passeur, son aisance à user à bon escient du pick and roll avec ses intérieurs et son aisance dans le dribble en font une arme ultime capable de fracasser n’importe quelle défense dans un bon jour.
L’impact monumental de Stephen Curry au cours des play-offs a confirmé son potentiel à transposer la position de point guard vers de nouveaux standards. Du côté de San Francisco, l’enthousiasme est croissant envers la merveille, elle qui vient de se voir remettre les clés de la ville par le maire Ed Lee pour ses exploits lors des séries. Car, aujourd’hui, les Warriors ne font plus rire. Leurs adversaires savent désormais qu’ils auront tout à craindre de leurs escapades du côté de la baie. Là où sévit un pyromane se tenant prêt à transformer chaque étincelle en véritable feu d’artifice.
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