Comme souvent, je retrouve Eric Coquerel, secrétaire national du Parti de gauche en charge des relations extérieures, en soutien à un mouvement social. Ce jeudi 23 mai 2013, c’est en soutien aux salariés précaires d’EDF et de ses sous-traitants, à l’appel de SUD Energie. L’initiative terminée, nous prenons le temps d’un rapide déjeuner pour faire le point sur la situation politique, à deux jours du premier conseil national du PG.
Trois semaines après le 5 mai et à une semaine de ses répliques en région, comment analyses-tu la situation politique pour le PG et le Front de gauche plus largement ?
Eric Coquerel : Si nous devons garder une image du 5 mai, c’est celle du tremplin. L’énergie existait, nous la sentions disponible. Le 5 mai a donné de la confiance à cette énergie. Nous allons en avoir un bon aperçu avec les répliques des 1er et 2 juin qui correspondent à une attente, notamment de celles et ceux qui, faute de moyens, n’ont pas pu venir le 5 mai. A cette heure, il y a déjà une quarantaine de rassemblements programmés, de tailles bien différentes, dont des marches significatives. Nous n’avons pas eu besoin de donner de consigne « au bouton de guêtre », les gens, nos concitoyens, ont envie de faire, de descendre dans la rue.
Il y a aussi d’autres mobilisations qui se profilent…
Oui, il faut noter la marche des femmes contre l’austérité qui s’annonce déjà comme un succès avec plusieurs milliers de participants. Et puis, il y a le 16 juin, avec les Assises en vue d’un projet alternatif face à la politique du gouvernement à laquelle le Front de gauche est opposé. C’est un moment important qui sera marqué de la présence de syndicats, d’associations, d’acteurs et d’actrices du mouvement social. En parallèle, il y a d’ores et déjà des premiers mouvements de mobilisation contre la réforme des retraites.
Est-ce que les mobilisations politiques et les mobilisations sociales peuvent se rencontrer à terme ?
Chacun, tour à tour, est à l’origine d’initiatives, dans son champ respectif. Le Front de Gauche initie le 5 mai ; les syndicats mobilisent contre la réforme des retraites. Mais ces mouvements tendent, de plus en plus, à converger. Le 5 mai, par exemple, des syndicats ont tenu à montrer qu’ils étaient là avec leurs camions, leurs drapeaux, leur cortège. Nous sommes aussi présents ès qualité de Front de gauche dans chaque mobilisation sociale, tu l’as vu encore il y a quelques minutes. Cette convergence, dans le respect de l’indépendance de chacun, c’est un élément nouveau.
Je crois que la reconnaissance de la capacité du Front de gauche à fédérer autour de lui change complètement la donne.
Pour Regards, j’ai rendu compte du 5 mai en parlant d’une majorité alternative en marche. Est-ce que tu partages cette analyse ?
C’est le début d’un processus. Nous pensons qu’à l’intérieur même du quinquennat, en fonction de l’électorat qui a chassé Sarkozy, il y a la possibilité d’une majorité alternative. Le 5 mai en a marqué les prémices. Il y avait trois des cinq candidats de gauche à la présidentielle avec Eva Joly et Philippe Poutou. Les amis d’Europe Ecologie – Les Verts sont venus nombreux. Il y avait des syndicats, je l’ai dit, qui ont toute leur place, en tant que tels, dans la construction que nous ouvrons. Et puis, il y a eu cette masse : 180 000 personnes. Nous avons dépassé nos seules forces militantes pour commencer à toucher le peuple de gauche.
Nous avons désormais un an devant nous, avec la perspective des élections européennes. Si nous passons devant le parti socialiste, comme c’est possible, la donne politique est bouleversée. Si nous réussissons, tout aura bien commencé le 5 mai.
Est-ce que cette fameuse majorité alternative est la feuille de route du Parti de gauche et, au-delà, du Front de Gauche ?
Elle est totalement partagée dans le Front de gauche puisqu’elle figure dans l’orientation que nous avons définie en janvier dernier. Le constat est simple : face à la politique qui est menée, nous ne pouvons pas attendre – le peuple de gauche ne peut pas attendre – 2017. L’orientation de plus en plus droitière que prend le gouvernement fait de cette feuille de route une évidence, une nécessité absolue.
Sans anticiper sur les débats qui auront lieu au conseil national du PG ce week-end, quel rôle imagines-tu pour notre parti, pour ses militants ?
Comme depuis le début, nous devons être celles et ceux qui font vivre le Front de Gauche, celles et ceux qui œuvrent à son élargissement. Nous devons aussi avoir la préoccupation permanente que le Front de gauche devienne le Front du peuple. Cela implique d’interpeller celles et ceux qui, dans la majorité présidentielle, se posent des questions. Nous avons le devoir de maintenir le lien avec le mouvement social. Enfin, il nous faut nous adresser à toutes celles et tous ceux qui, refusant le clivage droite-gauche, attendent une nouvelle offre politique, de nouvelles pratiques.
Cela nécessite d’être au cœur du rassemblement…
Et cela impose aussi d’être clairement dans un rapport de forces face au gouvernement, face à cette politique d’austérité qui casse les derniers liens sociaux. Cela nous impose de porter clairement une alternative. Dans ce cadre, pour les élections municipales, il est inenvisageable, pour le Front de Gauche, de participer à des listes dominées par des partis qui se reconnaissent dans la politique gouvernementale.
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